prédication du dimanche 10/05/2020

Demain 11 mai, nous commençons à sortir du confinement, mais patience ! car nous sommes encore dans le rouge.

Ça commence pourtant à faire long ! et il y a bien des incertitudes sur le monde d’après, parce que cette crise sanitaire a provoqué ou révélé d’autres crises, dans la santé publique, l’économie, le transport, l’école, sans parler de la solidarité internationale.

Une crise nécessite à la fois de réfléchir et de faire des choix. Plus elle est intense et plus il faut faire vite. C’est angoissant lorsqu’on la subit sans voir d’issue, lorsqu’on ne sait plus quoi penser, décider, lorsque la situation nous échappe. L’avenir semble incertain et l’on peut devenir pessimiste.

Les récits lus aujourd’hui décrivent deux contextes de crise dans l’histoire des disciples. Il y a d’abord ce dernier repas avec Jésus au cours duquel il leur annonce qu’il est avec eux encore un peu, mais qu’il va les quitter. Ils sont soudainement angoissés, leurs cœurs se troublent. Ils s’inquiètent, ils ne comprennent pas. Comment feront-ils sans Jésus, s’ils ne le voient plus, s’ils ne l’entendent plus ? Alors, ils veulent savoir où il va pour s’y rendre aussi, mais ils ne savent pas comment faire.

Le 2e texte raconte un épisode de crise interne au sein de la 1ere église après Pentecôte. C’est une crise de croissance qui nécessite de revoir l’organisation pour assurer tous les impératifs. Cela dit, cette communauté a déjà connu une crise puisqu’elle vient de subir plusieurs arrestations et ses ennuis ne font que commencer puisque l’épisode d’après raconte la fin tragique de l’un d’entre eux, Etienne, suivie d’une vague de persécutions violentes qui aura comme conséquence leur dispersion dans toutes les contrées de la Judée et de la Samarie.

« Que votre cœur ne se trouble pas » dit Jésus. Pourtant 2 disciples l’interrompent dans son discours tant leur angoisse est forte. A Jésus qui leur dit qu’ils savent le chemin pour le rejoindre, Thomas, répond « Seigneur nous ne savons pas où tu vas, comment en saurions-nous le chemin ? ». La question de la séparation, et du lieu où le retrouver est source d’angoisse, de crise d’angoisse ! Tu nous laisses, tu nous dis de te rejoindre mais on ne sait pas où tu vas, ni comment faire pour t’y rejoindre !

L’autre angoisse exprimée par Philippe ne porte pas sur le lieu où va Jésus mais sur l’impossibilité de voir. « Montre nous le Père, et cela nous suffit ». Jésus vient de leur dire que s’ils le connaissent lui, ils connaitront aussi le Père, « vous le connaissez et vous l’avez vu » ajoute t’il, provoquant ainsi la réaction immédiate de Philippe : « Montre nous le Père, et cela nous suffit ».

Comme c’est angoissant de s’entendre dire qu’on voit alors qu’on ne voit rien ! Thomas et Philippe réagissent vivement car oui ! ils sont troublés.

Ce trouble me fait penser aux épisodes précédents que nous avons lus lors des 2 derniers dimanches. Je pense d’abord aux 2 disciples sur le chemin d’Emmaüs, empêchés de voir, de re-connaître Jésus qui pourtant marchait en leur compagnie. C’est au moment même où ils le re-connurent qu’il devint, non pas absent, mais invisible. Voir Jésus, puis le re-connaître, c’est connaître sa disponibilité, son amour, sa présence, une présence sans image ou plutôt avec une image qui se reflète dans le visage de tous et toutes.

Et puis dimanche dernier, avec les moutons qui connaissent la voix de leur maître qui les appelle par leur nom, nous avons précisé ce que signifie connaître dans le langage biblique. Il ne s’agit pas de savoir, de prouver, mais d’être touché dans son cœur, de ressentir l’affection, l’amour de l’autre.

Aujourd’hui, Jésus enseigne que si je le connais, si je suis touché par sa présence alors je connais et je vois aussi, dès maintenant, le Père. Il ne s’agit pas de voir avec les yeux du visage, mais avec les yeux du cœur.

Ainsi, la relation primordiale entre le père et le fils n’est pas refermée sur elle-même, mais elle nous est ouverte pour que nous y entrions, nous aussi, pour vivre une relation d’amour et de confiance, autrement dit de foi : « Mettez votre foi en Dieu, mettez aussi votre foi en moi » dit Jésus.

Je reviens maintenant à la réaction de Thomas : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas, comment en saurions-nous le chemin ? ». Quel chemin prendre ? Thomas est perdu, son GPS est HS. Et le nôtre dans quel état est-il ? Quel chemin pour nous aujourd’hui ? quelle société pour nous et nos enfants ? Est-ce qu’on va reprendre nos vies d’avant sans rien changer ? sans revaloriser l’humain ? en redevenant esclave des logiques de profit et de consommation ? Est-ce qu’on va enfin prendre au sérieux la menace du réchauffement climatique ? Seigneur, comment te retrouver ?

Face à des questions aussi importantes, est-il vraiment raisonnable et sérieux de croire que Jésus est lui-même, le chemin ? et qu’est-ce que ça signifie ?

Jésus est le chemin qui conduit à la relation restaurée, la relation en plénitude, avec le Père (lui qui appelle à l’existence ce qui n’existe pas) et par voie de conséquence, relation en plénitude entre tous les vivants. Et dans la crise que nous vivons, comme dans toutes les crises traversées (je pense au 8 mai 1945), n’avons-nous pas besoin de retrouver le sens véritable de notre humanité devant Dieu ? Jésus révèle ce sens véritable, il est la vérité et la vie. 

Et la réaction de Philippe maintenant : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit ». Autrement dit, je ne vois rien, rien d’autre que toi, Jésus que j’ai là devant mes yeux. Et nous, que dirions-nous ? nous qui n’avons pas eu cette chance là de voir Jésus de nos yeux !

« il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas » dit Jésus. Ce besoin que tu as de voir, montre qu’en réalité tu ne me connais pas, même si tu es mon disciple depuis longtemps. Et nous aussi, quand nous avons ce besoin de voir Jésus de nos yeux, c’est le signe que nous ne le connaissons pas, que la relation avec lui n’est pas vraiment établie. Alors comment voir Jésus et comment voir le père dans Jésus ?

Ce que nous voyons de Jésus ce sont les œuvres. « Croyez-moi (dit-il) : moi je suis dans le père et le père est en moi » et il ajoute « Sinon » si vous n’y parvenez pas, « croyez à cause des œuvres elles même », croyez à cause ou à travers ce qui s’accomplit parmi vous, ce qui se travaille dans vos vies, croyez à partir de toutes les relations restaurées en mon nom ! Et Jésus va même jusqu’à annoncer que celui qui croit en lui fera les œuvres qu’il fait et même de plus grandes.

Cette question de ce qui s’accomplit en Jésus, des œuvres, nous la reprenons maintenant à partir de notre 2e texte lu dans les Actes des Apôtres, ce récit de l’institution des 7 diacres. Jésus n’est plus là, en tant que présence humaine et déjà l’œuvre accomplie est plus grande encore que lorsqu’il était avec les disciples. Oui ! parce que les disciples sont maintenant devenus si nombreux qu’ils ne parlent pas tous la même langue. On ne se comprend pas bien et dans l’organisation, certaines personnes, des plus vulnérables, les veuves, sont oubliées, ce qui provoque une crise, des murmures, des non-dits.

Donc il faut restaurer la relation entre tous et toutes.

Il faut une assemblée générale, convoquée et conduite par le conseil presbytéral des 12. Ils disent qu’ils ne peuvent pas tout faire, ils disent qu’on ne peut pas s’appuyer sur eux pour tout. Ils disent que ce qui est prioritaire pour eux c’est la Parole de Dieu, sous-entendu, l’annonce de l’évangile, mais dans le même temps, il faut bien que la communauté fonctionne et s’organise notamment pour la solidarité entre tous, ce qui passe par le service aux tables.

Peut-être que chez nous, aujourd’hui, on aurait une autre liste de services à accomplir pour que la relation entre tous et toutes soit belle et rayonnante.

Lorsque nous reviendrons dans le temple, nous verrons celle qui a été affichée juste avant le confinement, il y a de la place pour beaucoup de noms.

Ces 7 petits versets méritent vraiment notre attention et il nous faudra bien les avoir en tête lorsque nous reviendrons au Foyer ou dans nos églises.

 

Voyez comment ça s’est passé : les 12 n’ont pas choisi eux même, mais c’est l’assemblée qui a choisi 7 hommes. Même s’il s’agit de servir aux tables, les critères de choix étaient exigeants : des personnes de bon témoignage, remplis d’esprit et de sagesse. Une fois ces 7 institués, les 12 s’engagent à retourner à la prière et au service de la Parole car eux aussi sont serviteurs, ils ne le sont pas plus ou pas moins que les 7 qui servent à table. Les 12 ont besoin des 7 et les 7 ont besoin des 12, autrement dit tous les services sont importants, il ne faut pas opposer le service de la Parole à la diaconie, à l’entraide. Dit encore autrement le service de l’entraide (dont l’origine remonte ici au service aux tables) est indissociable du service de la Parole. La parole sans l’entraide n’est pas convaincante. Il s’agit aussi de la relation entre les différents serviteurs : serviteur pour la proclamation de la parole et serviteur pour l’entraide.

Et puis, si vous lisez ou relisez la suite des Actes des Apôtres, vous constaterez qu’au moins 2 de ces 7 serviteurs aux tables vont devenir prédicateur, évangéliste. Etienne dont la fin tragique est racontée juste après notre récit et Philippe qui après la dispersion annoncera l’évangile en Samarie.

Ainsi la crise des murmures au sein des disciples fut dépassée et l’évangile s’est déployé.

 

Ce qui s’est accompli, l’œuvre par laquelle Jésus nous invite à croire, ici, dans cette première communauté de disciples, c’est le dépassement de la crise, le renforcement des relations au sein de la communauté en vue de la crise suivante qui sera autrement plus difficile à affronter.

Le nombre de disciples a continué à se multiplier rapidement à Jérusalem et détail très important, beaucoup de prêtres du temple devenaient eux aussi disciples !

Thomas et Philippe devaient encore faire partie des 12 avec Pierre, Jean, Jacques, André et les autres. En ces jours de croissance extraordinaire, se sont-ils souvenus de leurs échanges avec Jésus lors de leur dernier repas ?

Thomas se demandait-il encore quel chemin suivre pour retrouver Jésus ?

Et Philippe cherchait il encore à voir le Père ? Connaissait-il enfin Jésus ?

Ont-ils réalisé à quel point il était présent en eux pour leur inspirer ces œuvres ?

Et nous, le connaissons nous ? sommes-nous inspirés par sa présence dans nos vies ?

Quelques soient les crises que nous affrontons, qu’elles soient personnelles, locales ou mondiales, pour nous, les disciples de Jésus, il est le chemin, la vérité et la vie. C’est-à-dire qu’il transforme nos existences, nos relations et nos assemblées, il s’y révèle et il nous inspire. C’est ainsi que nous traversons les crises, en espérant pour ce monde que Dieu ne cesse de nous donner en héritage

Amen

 

 

 

 

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