prédication du dimanche 14/06/2020

Ce matin nous sommes avec le peuple d’Israël au seuil de la terre promise et nous écoutons Moïse. Le ton est grave, l’instant est historique. Ils se préparent à entrer dans ce pays. Cela fait longtemps qu’ils s’y préparent. Cette génération là est née dans le désert, elle n’a connu que ça. Elle n’a pas connu la captivité. Ce sont les parents qui l’ont connu et qui ont suivi Moïse pour sortir de l’esclavage. Une fois libérés, il a fallu apprendre à être libre et cela n’a pas été évident. A l’occasion des premières difficultés rencontrées, Ils ont cherché à éprouver Dieu, et puis ils ont même failli l’abandonner, ils se sont perdus dans l’errance pendant 40 ans.

40 ans d’errance, à chercher sa route vers ce pays que Dieu leur a promis.

C’est maintenant la génération suivante qui s’apprête à en prendre possession. Moïse est vieux, il sait qu’il n’y entrera pas, alors il enseigne son peuple afin qu’il ne se perde plus et qu’il prenne possession de son avenir.

Les images de cet ancien récit biblique nous touchent encore aujourd’hui. En ce début de 21e siècle, nous y restons sensibles : le désert, la manne qui tombe du ciel, et cette durée de 40 ans, c’est presque une moitié de vie ! et puis, il y a l’image de ce merveilleux pays promis, attendu, espéré, pays parfait pour une vie parfaite. Peut-être avez-vous en tête quelques illustrations le représentant, dans vos bibles d’enfant.

C’est comme une parabole de nos vies. Nous aussi, nous espérons ce pays parfait, cette vie merveilleuse, épanouie, en plénitude. Nous avons reçu cette espérance de celles et ceux qui nous ont précédé et maintenant à nous d’avancer… dans nos déserts plus ou moins arides !

Parce que oui ! il y a du désert dans nos vies. Ce serait se mentir à soi-même que de ne pas l’admettre. Nos sociétés sont éprouvées, les actualités en témoignent tous les jours. Et puis, au fur et à mesure que nous avançons en âge, nos certitudes sont bien secouées, nous avons à affronter des questions existentielles incontournables, à l’occasion de deuil, de maladie, de perte, de chômage, de migration, d’exil.

Et notre extrait commence comme ça « Tout le commandement que j’institue pour toi aujourd’hui, vous veillerez à le mettre en pratique, afin que vous viviez, que vous vous multipliiez et que vous entriez en possession du pays que le SEIGNEUR a promis par serment à vos pères. »

Pour vivre, il faut garder le commandement. C’est pour toi qu’il est institué et non contre toi. C’est pour que tu sois libre et non pour te rendre esclave. Dans la pensée hébraïque ancienne : vivre et être libre sont synonymes.

Tu devras te souvenir de ta longue errance. A quoi a-t ’elle servi ? Moïse le dit clairement : pour t’affliger et t’éprouver, pour savoir ce qu’il y a dans ton cœur, pour savoir si oui ou non tu observeras ces commandements. Pour savoir si oui ou non tu sauras être libre.

C’est un chemin d’éducation. Tu as été affligé, tu as eu faim, tout ne t’as pas été donné sans que tu ne respectes aucune règle, sans que tu ne fasses l’effort d’apprendre et de comprendre, sans que tu maintiennes la relation avec le Seigneur. Certes, 40 ans c’est long ! mais te voilà, tu es en vie, tu as été préservé ! Dieu t’as instruit comme un père instruit son fils.

Cette vision un peu simpliste tout de même n’est pas sans nous poser question mais nous y reviendrons tout à l’heure.

Dans ce long temps d’apprentissage, tu as eu faim, mais tu n’es pas mort de faim. Dieu a fait descendre la manne de son ciel. Il t’en a nourri. Il voulait que tu comprennes bien qu’une vie réussie n’est pas uniquement faite de satisfactions des besoins matériels immédiats. Il voulait que tu comprennes que pour réussir ta vie, il faut que tu sois en relation avec lui, que tu écoutes sa parole qui descend pour toi à l’image de cette manne dans le désert.

Cette manne ni toi, ni tes pères ne la connaissait. C’était nouveau, inattendu, inespéré et tu étais disposé à la recevoir, comme une nouvelle parole qui soutient, qui instruit dans un temps d’épreuve difficile. Le désert t’a, en quelques sorte, obligé à être attentif à cette parole. Sans cette manne, tu serais mort ! sans cette parole qui soutient et qui instruit, où serais tu dans l’épreuve subie ?

40 ans, c’est long, mais tu t’étais tellement perdu. Et c’est le temps qu’il t’a fallu pour apprendre à être libre, et pour bien comprendre le sens des commandements que Dieu te donnait.

Maintenant ferme les yeux et image ce magnifique pays dans lequel tu vas entrer. Tu as entendu ces descriptions, les sources, les vallées, les montagnes toi qui es encore dans le désert ! tous ces fruits, l’huile et le miel.

Certes 40 ans c’est long, mais Dieu tiendra sa promesse car il est fidèle à l’alliance qu’il a passé avec tes ancêtres.

Seulement quand tu y seras, surtout n’oublies pas d’où tu viens, n’oublies pas le Seigneur, ses commandements et ce que tu as appris de l’exercice de ta liberté.

Chers amis, je ne voudrais pas me contenter ce matin de commenter ce récit, non ! car sinon, je risque de faire fausse route.

Est-ce aussi simple que ça : Dieu afflige, opprime (autre sens du mot hébreu utilisé) pour instruire ? Dieu enseigne t’il en affamant ? Ce serait un peu comme s’il disait : « tu as pris quelques coups, mais tu n’en es pas mort, c’était pour ton bien ! »

Je ne pense pas que ce soit si simple. Certains drames de l’existence ne peuvent pas s’assimiler à un simple coup de « chicotte » pour nous remettre dans le droit chemin. Je parle de ces drames pour lesquels il n’y a aucune explication possible, et un très fort sentiment d’incompréhension. Tel accident stupide, ou tel décès injuste, telle brutalité subie, telle enfance abîmée, telle violence qui aboutit au pire, telle catastrophe naturelle. Comme toujours, nous buttons sur la question du mal, son origine et son but.

Dieu serait-il injuste ? je ne le crois pas, mais je dois reconnaître que je ne comprends pourquoi autant de drames sont vécus sur cette terre.

Bien sûr, dans ma propre vie, je peux reconnaître que telle ou telle difficulté rencontrée est la conséquence de mes choix ou de mes actes malheureux, mais il arrive que, dans bien d’autres situations, je ne trouve aucune justification évidente.

 

Alors comment lire le deutéronome aujourd’hui ?

D’abord, qui l’a écrit ? Une majorité d’experts s’accorde pour dire que ce sont plusieurs auteurs qui se seraient succédés entre la période du roi Josias et le retour de l’exil à Babylone. Autrement dit, cette rédaction daterait de plusieurs siècles après l’arrivée en terre promise.

Plusieurs de ces auteurs auraient connu l’épreuve de la chute de Jérusalem, la destruction du temple et la déportation à Babylone. Ces faits les auraient marqués.

Plutôt que d’oublier le dieu de leur père et de devenir babylonien, ils auraient préféré se souvenir et réfléchir aux récits dont ils avaient hérité pour trouver du sens à ce drame. C’est ce qui les auraient amenés à écrire les premières pages de la bible dont le Deutéronome avec ce discours de Moïse.

Leurs dirigeants avaient en majorité oublié le Seigneur, et la libération de la captivité. C’est ce que ces auteurs ont compris avec cet exil qui a duré non pas 40 ans, mais 70 ans. Ils ont aussi compris la valeur de la manne du Seigneur donnée au cœur de l’épreuve : une parole qui soutient, qui fait vivre et qui indique le bien pour la suite.

Est-ce que je reçois la manne de la parole du Seigneur dans les déserts de ma vie ? Est-ce que j’apprends à être vraiment libre devant le Seigneur ? est-ce que je suis sur le chemin de ce pays merveilleux ?

 

« Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. Le pain que voici, c’est celui qui descend du ciel, pour que celui qui en mange ne meure pas. » Jésus nous dit cela. Il nous parle d’une autre sorte de manne qui n’est pas juste une nourriture périssable qui rassasie le corps. Selon l’évangile de Jean, il dit cela alors qu’il vient de nourrir une foule en multipliant quelques pains.

A cette foule qui cherche à le suivre, il dit « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui dure et qui est source de vie ». Ils ne comprennent pas : « que devons-nous faire ? » disent-ils.

« Ce que vous devez faire c’est croire en celui qui vous est envoyé » répond Jésus.

Alors ils lui disent : quel signe peux-tu faire pour que nous te croyons. Quelle manne peux-tu nous donner, toi ? comparable à celle que nos pères ont mangé dans le désert ?

Il leur répond que c’est le pain de Dieu qui descend des cieux qui donne la vie au monde. Il leur dit « Moi, je suis le pain de vie ».

C’est lui, en tant que personne venant de Dieu, par sa présence et par sa parole qui est ce pain de vie. C’est bien plus qu’une simple matière qui est mise à disposition pour répondre à un besoin ponctuel, c’est lui qui en tant que personne venant de Dieu vient nourrir le monde et ainsi, réaliser cette parole ancienne : « l’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu ».

Jésus, le pain de vie est nourriture.

 

Mais une 2e image se cache derrière celle de la nourriture. Subtilement, Jésus la découvre. Elle est conséquence de la 1ere. Si Jésus est le pain de vie, cela signifie qu’il se donne comme nourriture. C’est sa mort qu’il annonce là. Et c’en est au point que beaucoup de ses disciples diront que sa parole est dure, difficile à accepter et qu’ils le quitteront après ce discours.

Que signifie la mort de Jésus lorsqu’il dit « je suis le pain de vie » ? il est nourriture, don pour la vie, mais il est aussi don de Dieu, Dieu qui donne et s’engage bien au-delà du pensable, au point de se donner jusqu’à la mort sur la croix.  Dieu qui dépasse l’image que l’on a de lui à partir du récit du peuple perdu dans le désert à la sortie de l’Egypte.

Nous touchons là à ce qui est le plus difficile à comprendre pour bien des croyants : Un dieu qui s’engage pour le monde à ce point-là.

C’est ce que nous commémorons lorsque nous partageons le pain et le vin.

Alors lorsque nous commençons à entrer dans cette dimension du dieu qui se révèle en Christ, pain de vie, nourriture et don, notre vie ne peut que changer, se transformer, et nous nous mettons en route.

 

 

 

Chères sœurs et frères,

L’avenir du monde semble incertain, le virus nous a rappelé à quel point nous sommes vulnérables.

Bien du chemin reste à faire : Le réchauffement climatique et la destruction de l’environnement ne cessent de s’accroitre. La répartition des richesses est de plus en plus déséquilibrée.

Dans le même temps, même si c’est dur, des prises de consciences semblent s’opérer : le racisme, les violences faites aux femmes, les problèmes de maltraitance des enfants et notamment les drames de la pédophilie.

Le chemin peut nous sembler dur. Sommes-nous en plein désert ou au bord de la terre promise comme cette 2e génération au temps de Moïse ?

Là où nous sommes, Dieu qui est fidèle, nous dit que ce qu’il donne pour la vie du monde est au-delà de ce qu’on peut comprendre.

Amen

 

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