prédication du dimanche 24/05/2020

Jeudi dernier, c’était l’Ascension. Certaines églises proposaient une célébration, d’autre non. Pour la majorité des gens, l’Ascension, c’est un jour férié auquel on s’est bien habitué. Mais à l’origine quel était le sens de cette fête ? qu’étions-nous sensés fêter ce jour-là ?

Une chose est sûre, la fête de l’Ascension n’a pas vraiment le même retentissement que Noël, Pâques et même Pentecôte. Est-ce parce que ça tombe un jeudi ? Ce serait plus pratique si c’était un dimanche ? mais c’est un jeudi !

A première vue, il s’agit de fêter le moment où Jésus quitte les disciples, le moment où ils ne le verront plus, ne l’entendront plus. Mais si Jésus s’en va, c’est plutôt une triste nouvelle ! non ? C’est une séparation ! ne faudrait-il plutôt parler de deuil ?

 

Nous sommes peut-être très habitués à lire ce récit de Luc dans le début des Actes des apôtres, mais la façon dont Jésus est enlevé devant ses proches suscite quelques questions tout de même !

Bien sûr, on pourra relever que ce n’est pas le premier récit d’enlèvement au ciel dans la bible : il y a eu Hénoch dans la Genèse dont on ne sait quasiment rien : « Hénoch marcha avec Dieu ; puis il disparut, parce que Dieu le prit. » (Gn 5 21), et puis il y surtout eu Elie « qui monta au ciel dans une tempête » sous les yeux médusés de son successeur Elysée (2 R 2).

Cela étant, on trouve aussi ce genre de récits ailleurs que dans la bible. Ils sont très fréquents dans la culture gréco-romaine, pour certains empereurs ou héros, comme par exemple Alexandre le Grand.

Donc, Luc utilise un langage de son temps réservé aux grands hommes. Il raconte cette séparation comme un récit historique avec des faits objectifs et il est celui, parmi tous les auteurs bibliques du nouveau testament qui utilise le plus ce langage de l’ascension.

Que signifie cette séparation/ascension ?  Nous avons déjà abordé cette question la semaine dernière : Jésus devient il absent ? ou bien présent autrement ? que deviennent ceux qui étaient avec lui ? et nous aujourd’hui ? Nous continuons d’y réfléchir.

 

Luc, l’évangéliste historien a entrepris de raconter tout ce que Jésus à fait et enseigné et il le raconte à son cher Théophile. Se doutait-il que nous lirions par-dessus l’épaule de Théophile ?  Je ne sais pas.

En réalité, Luc a déjà raconté l’ascension de Jésus à la fin du 3e évangile, en quelques versets qui disent que cette ascension s’était produite le même jour que la résurrection.

C’est surprenant, car maintenant, il écrit que Jésus est resté présent 40 jours entre sa résurrection et son ascension, ce qui, au passage justifie que cette fête tombe un jeudi, 40 jours après le dimanche de Pâques.

Luc nous rapporte cela comme un fait historique, mais ce chiffre 40 est très fréquent dans les récits bibliques, par exemple 40 ans dans le désert pour le peuple sortant d’Egypte. Durée historique peut-être, mais symbolique c’est sûr ! 40 jours : Ne serait-ce pas la durée intermédiaire d’une préparation, d’un apprentissage. Luc nous dit que pendant ces 40 jours, Jésus leur a parlé du règne de Dieu.

Au passage, j’ai calculé que nous, nous avons été confinés 55 jours jusqu’au 11/05. Je crois que nous aussi, nous avons beaucoup appris pendant cette période. J’espère que nous fêterons bientôt la fin définitive du confinement.

 

Depuis tout à l’heure, je parle des disciples, mais Luc n’a pas utilisé ce terme. Ceux qui sont là sont désignés comme apôtres, c’est-à-dire comme envoyés.

Luc avait déjà utilisé ce terme pour qualifier les 12 que Jésus avait choisis.

Ici, clairement, il nous fait comprendre que ceux qui sont là sont destinés à partir en mission. Dans la suite du texte, on se rend compte qu’ils sont probablement un peu plus des 12 initiaux moins Judas, il y a aussi quelques femmes et des frères de Jésus.

Quelques soit leur nombre précis, ils ont écouté Jésus, mais sont-ils prêts ? en tout cas, ils sont déjà reconnus comme apôtres. C’est un peu ici comme s’ils avaient tout juste le diplôme d’apôtre mais pas encore l’expérience.

Ne nous arrive-t-il pas d’être un peu comme ça dans nos églises ? Nous connaissons bien nos bibles, nous chantons bien « à toi la gloire » et d’autres chants, nous avons les discours et les codes sur la prière, l’entraide, les finances, nous pourrions avoir comme un diplôme d’église mais vivons-nous l’expérience d’être envoyés dans le monde ? Comment y agissons-nous ?

Y sommes-nous témoins du Ressuscité ? C’est un des intérêts de ce récit que de m’amener à me re-poser cette question pour moi-même.

 

Ceux qui étaient là, les apôtres en cours de formation donc ! posent une question à Jésus : « est-ce en ces temps-ci que tu vas rétablir le Royaume d’Israël ? » C’est une sorte de question géopolitique. Le royaume d’Israël, c’était au temps du grand roi David. Ils ont la nostalgie du monde d’avant !

Etonnamment, Jésus ne vient pas leur dire qu’ils sont complètement hors sujet. Il laisse entendre que cette restauration aura lieu, il dit surtout que seul le Père en connaît les temps et les moments, c’est-à-dire à la fois le temps chronologique et daté et aussi le moment opportun pour le faire. Jésus ne remet pas en question les anciennes promesses des prophètes. Dieu est fidèle.

La justice et la paix promises dans le monde d’avant seront restaurées, mais ce sera bien plus qu’une restauration à périmètre constant et limité.

Le signe de cela dans le propos de Jésus, c’est le dépassement des limites d’Israël pour aller de Jérusalem, dans toute la Judée, puis la Samarie et enfin jusqu’aux extrémités de la terre.

Les nouveaux diplômés apôtres se préoccupent des restes du royaume d’Israël, alors que Jésus leur enseigne le règne de Dieu sur la terre. De même, il nous arrive de comprendre la mission de l’église comme la restauration d’un monde ancien et perdu, alors que nous sommes envoyés bien au-delà des limites derrière lesquels nous nous pensons.

 

Mais Jésus n’a pas fini de répondre. Il leur dit maintenant : « Vous recevrez une puissance quand le souffle saint viendra sur vous ». Il parle de la Pentecôte que nous allons fêter dimanche prochain. Cette fête-là est peut-être plus claire pour nous, parce que c’est un moment explicitement joyeux et aussi parce que c’est le début de l’histoire de l’église et de la diffusion de l’évangile dans le monde. C’est une nouvelle étape du récit, un nouveau point de départ. Les nouveaux diplômés apôtres vont se lancer.

Et nous, il se trouve que suite au décret du gouvernement paru avant-hier, nous allons commencer à réfléchir à la réouverture très progressive de notre culte. Une étape de plus dans le déconfinement.

 

Mais de toutes façons, quelque soit notre contexte, notre mission d’apôtre ne consiste jamais à rester confinés dans nos églises et dans les lieux que nous avons l’habitude de fréquenter. Les disciples au temps de Jésus doivent se déconfiner d’Israël pour aller jusqu’aux extrémité de la terre. Et nous comment pourrions-nous traduire cela aujourd’hui ? Vers quels engagements pourrions-nous aller ? Comment allons-nous ouvrir et développer le témoignage de notre église à partir de cette Pentecôte 2020 ? Comment allons faire cela tout en tenant compte, bien sûr ! de ce contexte d’épidémie dont nous ne sommes pas près de sortir. Bien des difficultés sont encore devant nous !

Dans la suite du récit des Actes des Apôtres, cette puissance de l’Esprit est agissante. Elle pousse constamment plus loin l’action et le message de l’évangile et elle guide pour contourner, dépasser les difficultés. Puissance de l’ouverture et du développement ?

 

Cette puissance de l’Esprit nous fait peut-être penser à la toute-puissance de Dieu. Nous aimons cette affirmation, nombreux sont ceux qui parmi nous y sont viscéralement attachés, parce qu’elle est très rassurante. C’est pour beaucoup une notion qui n’appelle aucune remise en question, y penser pourrait même être dangereux.

Mais Jésus annonce ici la puissance de l’esprit de Dieu et non pas la toute-puissance de Dieu.

Force est de constater que la gloire de Dieu ne s’est pas révélée en un claquement de doigt tout puissant, à tous et toutes dans l’humanité. Sinon nous ne serions pas là, 2000 ans, après à commenter le récit des Actes. Manifestement, Dieu fait avec ce que nous sommes, ce que nous devenons, patiemment, il nous appelle, nous attend, nous parle encore, en ne cessant de se manifester à nous, comme à des personnes autonomes, capables de réflexion et de décision. S’il est tout-puissant, il n’exerce pas cette toute-puissance en nous télécommandant comme des robots.

Et puis, à la réflexion, je comprends aussi que pour beaucoup d’autres croyants, l’expression « Dieu tout puissant » pose un problème. Particulièrement quand on assiste impuissant, aux souffrances d’innocents dans notre monde. Mais que fait Dieu ? pourquoi laisse-t-il faire ?

Bien que je comprenne qu’on soit attaché à l’idée de la toute-puissance de Dieu, je comprends aussi les questions que cela pose.

Alors, je vous propose un pas de côté, en vous parlant du Dieu tout patient. Ce qui le rend proche de tous les patients et de leur souffrance injuste. Et s’il faut vraiment parler de toute puissance, alors je crois que c’est de toute puissance d’amour. C’est par cette puissance là qu’il nous transforme et nous convertit.

 

Pendant qu’ils le regardaient et aussi qu’ils l’écoutaient, Jésus est élevé, non pas enlevé, mais élevé. L’évangéliste Jean dit plutôt « glorifié ». Nous l’avons lu tout à l’heure dans la prière de Jésus : « Père, l’heure est venue, manifeste la gloire de ton fils, afin que le fils manifeste aussi ta gloire ». Élevé, glorifié, manifesté et dans le même temps, une nuée le dérobe à leurs yeux.

 

Elevé mais absent ?

La suite du récit des Actes nous raconte qu’il devient présent par son esprit saint, présent et agissant avec puissance au milieu de celles et ceux qui ont été appelés à devenir disciples.

Mais ça, ceux qui assistent à cette élévation dans la nuée ne le savent pas encore. Pour le moment, ils ont le regard bloqué sur le ciel. « Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel » disent 2 hommes en blancs ?

Et nous, ne nous arrive t’il pas de nous perdre dans du religieux, du rituel, du sacré, un peu comme si nous avions le regard bloqué sur un ciel vide ?

« Ne restez pas là » disent ces messagers, « remettez-vous en route, retournez dans la ville et le monde ».  

 

C’est ce que font les disciples apôtres, immédiatement en retournant à Jérusalem.

Vous aurez noté qu’ils avaient respecté le rayon des déplacements autorisés le jour du sabbat, un peu comme nos 100 Km d’aujourd’hui. Signe évident d’une religion confinée dont ils devront sortir.

 

De retour à Jérusalem, leur nouvelle histoire commence par la prière ensemble.

Il me semble que maintenant c’est l’histoire de leur propre élévation qui va commencer, leur propre ascension en tant que disciples apôtres envoyés pour témoigner de l’avènement du règne de Dieu dans le monde. Qu’allons-nous tirer de cette histoire pour nous aujourd’hui ? Qu’allons-nous devenir ?

 

Finalement, n’est ce pas ce que nous fêtons à l’ascension ? l’élévation de Jésus Christ qui ouvre sur notre propre devenir, notre prise de responsabilité, notre envoi en mission, notre vocation de disciple apôtre, notre développement personnel et communautaire, au service de la Parole de Dieu, avec la puissance de l’esprit saint.

 

Donc l’Ascension est bien une fête.

Amen

Contact