prédication du dimanche 7 juin 2020

L’avant et l’après :

Il s’est passé un évènement imprévu, il nous est arrivé quelque chose et depuis, ce n’est plus comme avant. Il y a un avant et un après.

Pourtant la vie semblait suivre son cours avec ses bonheurs et avec ses promesses mais aussi avec ses injustices et ses malheurs ordinaires.                Mais voilà ! paf ! ce virus est arrivé et il a tout bousculé !

Nous en sommes là, c’est-à-dire, plus dans l’avant et pas encore complètement dans l’après. C’est notre présent.

Notre vie est faite de ça, hein ! du passé, du présent et du futur ! impossible de se dégager de cette réalité. Nous y sommes soumis.

Ce temps qui se déroule n’est pas toujours linéaire, tranquille et prévisible.

Des évènements viennent dévier le cours des choses. Des épreuves ou des bonheurs

Parfois, ces évènements nous transforment durablement. Nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Nous pensons, nous croyons différemment. Il arrive que ces évènements déclenchent en nous, de véritables prises de conscience. Parfois c’est salutaire !

Par exemple : si en traversant cette épreuve du Covid 19, une majorité de personnes réalise qu’il est nécessaire de respecter la biodiversité sur la planète, de moins bétonner, de moins laisser nos villes s’étendre, parce que c’est ce qui nous protégera des virus, alors c’est bénéfique !

Si à cette occasion, l’humanité réalise qu’elle n’est pas toute puissante et qu’elle ne peut pas disposer de tout, tout le temps, ce sera un progrès. Si elle réalise qu’il faut développer la solidarité entre les peuples et non la concurrence, c’est formidable !

Tout le vivant est en interaction. Cette crise nous l’a révélé. Et cette interaction s’accélère d’autant plus avec les moyens technologiques et la mondialisation. Notre monde devient presque un village. C’est ce que nous apprenons de cette crise. C’est ce qui va nous amener à changer de façon de vivre et de penser. En tout cas, c’est souhaitable !

 

C’est comme dans une relation entre personnes.

Il peut y avoir des prises de conscience, une personne peut changer d’avis, se laisser convaincre, transformer sa façon de croire et d’être en se laissant toucher par l’autre. Et c’est heureux, car nous ne sommes pas figés.

Le temps, les évènements, mais aussi les rencontres avec d’autres, peuvent nous amener à répondre différemment aux grandes questions de la vie :  Sommes-nous aimés ? de quoi avons-nous peur ? Quelle est l’origine de ma violence ? Pourquoi ai-je tant de mal à écouter ? pourquoi est-ce que je retombe toujours dans les mêmes travers ? Suis-je vraiment vivant ?

A l’image de nos vies, la relation entre personnes est faite de continuité et d’inattendus.

Ce matin, je me demande si Dieu change d’avis, je me demande s’il évolue, s’il se laisse convaincre. Je me demande si pour lui aussi, il y a de l’inattendu.

Je me demande s’il avait déjà prévu tout ce qui nous arrive. Un peu comme si avant de créer le monde, il avait écrit tout le scénario. Et notamment cette scène où tel ami très cher que nous avions devait décéder du covid ! Dieu l’aurait écrite depuis longtemps et nous n’y pouvions rien.

Ainsi aurait-il aussi écrit cette scène où Adam et Eve mangent le fruit défendu ? Et si ça n’avait pas été écrit, ça veut dire qu’il s’est laissé surprendre par ce serpent qui fait basculer la situation ? ce qui expliquerait pourquoi il cherchait les humains dans le jardin en les appelant, sans les trouver !

Je me demande si Dieu change d’avis et aussi s’il intervient dans nos vies. Parce que s’il intervient, ça veut peut-être dire qu’il provoque de l’imprévu et qu’il fait dévier le cours des choses.

Et dans ce cas, il est possible aussi que ce soit pour une bonne nouvelle.

Si Dieu change d’avis et qu’il intervient, comment le fait-il ?

Voilà de vraies grosses questions.

 

 

Et maintenant quelques réflexions qui vont m’amener tranquillement à nos textes bibliques :

Tout d’abord, je pense qu’aucune définition de Dieu ne sera jamais complète et définitive. Dieu échappera toujours à toute définition, à toute tentative de savoir. On croit en Dieu, mais on ne sait pas Dieu. De cela, j’en déduis qu’il faut être prudent et humble lorsqu’on parle de lui. Il vaut mieux affirmer peu de convictions dont on est sûr que beaucoup qui risquent d’être facilement ébranlées. Nous ne maîtrisons pas ce que Dieu dit et fait. Les amis de Job l’ont appris à leur dépens.

Cela étant, ce que je crois de Dieu, je le tire de plusieurs expériences et notamment de mon expérience de la lecture de la bible qui me parle de lui. La bible écrite par des auteurs humains témoigne de l’évolution de la théologie, c’est-à-dire de l’évolution de la compréhension de Dieu par les humains.

De ma lecture de la bible, je comprends avec d’autres que moi, que Dieu aime l’humanité depuis sa création. Nous disons souvent qu’il est un Dieu d’amour. Je le dis un peu autrement : je crois qu’il est un dieu de relation. Il veut la relation avec un autre que lui, qui n’est pas lui. Je comprends alors qu’en créant le monde et l’humanité, il a créé la possibilité de cette relation. Certains iraient même jusqu’à ironiser en disant que c’est parce qu’il était seul. Je n’irai pas jusque-là. Rien ne me dit qu’il ait besoin de quoi que ce soit. Mais cela étant, il a créé cette relation avec le vivant et particulièrement avec l’humanité comme un autre que lui, et il a pris le risque que cet autre que lui refuse cette relation. Il me semble que c’est ce qui nous est raconté dans le début de la Genèse.

A partir de là, je dois reconnaître que je suis mal à l’aise avec l’idée que Dieu aurait tout écrit, tout prévu, tout déterminé à l’avance, sans que l’autre qu’il a créé n’ait absolument aucune possibilité de faire des choix et d’assumer sa responsabilité. Non ! nous ne sommes pas des machines que Dieu télécommanderait de là-haut ! parce que si c’était le cas, pourrions-nous encore parler de relation et d’amour ?

Il me semble que s’il y a relation entre 2 personnes, et si cela implique le risque du refus, alors il y a forcément possibilité de changer d’avis et d’intervenir en fonction de l’autre, de ses réactions et de ce qu’il devient.

La bible témoigne de plusieurs changements d’avis de Dieu : D’abord dans l’histoire de Noé, Dieu décide de ne plus jamais anéantir la terre à cause des humains malgré ce qu’il sait du cœur de l’homme disposé au mal depuis sa jeunesse. « Je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait ».

Je pense également à l’épisode de la destruction de Sodome et de Gomorrhe, lorsqu’Abraham parvient à faire changer d’avis le Seigneur 4 fois de suite pour obtenir que la ville ne soit pas détruite s’il ne s’y trouvait que 10 justes. « A cause de ces dix-là, je n’anéantirai pas ». Hélas, il ne s’en trouva aucun et la ville fut détruite.

Je pense encore à l’histoire de la royauté en Israël. Dieu, par l’intermédiaire de son serviteur Samuel, désigne Saül pour être roi, mais hélas au bout de quelques temps celui-ci se détourne du bien. Dieu s’était-il trompé ? savait-il que Saül s’égarerait ? Et alors Dieu rejette Saül et choisit David.

Après la lecture de ces récits, vous comprendrez qu’il m’est difficile de penser que Dieu télécommande tout être humain et qu’il ne prend aucun risque dans la relation avec chacune et chacun.

Pourtant, de ma lecture de la bible, je tire aussi la conviction que dans la relation avec Dieu, il y a de l’éternel, de l’inchangé, du solide comme un roc, parce que justement, Dieu est Dieu. Sa justice et sa fidélité ne changent pas. Je pense à l’alliance passée avec Noé et ses descendants puis avec Abraham et ses descendants. Dans le Deutéronome, je trouve cette affirmation que Dieu est fidèle, il garde l’alliance jusqu’à la millième génération pour ceux qui l’aiment et qui observe ses commandements (Dt 7 9).

Donc il me semble que tout en restant juste et constant dans sa fidélité envers l’humanité et les vivants, il peut se laisser toucher, comme une personne peut se laisser toucher dans une relation.

Je sais que cette conviction peut déranger, surtout si nous avons été durement éprouvés dans un drame ou un deuil. Parce qu’au final, on revient toujours à la question du mal. Dieu est juste et fidèle, oui ! mais pourquoi le mal, pourquoi autant de drames aussi durs dans l’histoire du monde ?  Et comment s’en sortir ?

La bible et particulièrement les évangiles disent que nous pouvons ressentir la présence de Dieu au cœur du drame, dans notre faiblesse. Il est avec nous dans l’épreuve la plus dure, parce qu’il l’a lui-même éprouvé. C’est ce que j’entends de cet extrait de l’évangile de Jean « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais qu’il ait la vie éternelle ».

J’apprécie la formule « Dieu qui se sépare de lui-même ». Il fait cela pour sauver la relation, pour que le monde soit sauvé.

S’il est tout puissant, il reste à bien dire comment et à être très prudent avec ce terme. S’il est tout puissant, c’est aussi parce qu’il est capable d’éprouver l’impuissance, la faiblesse, mais aussi la déception, la tristesse, le désarroi et la souffrance.

Sinon, c’est une toute-puissance incompatible avec la relation. Car c’est une toute puissance qui ne laisse aucune place à l’autre.

S’il faut croire en la toute-puissance de Dieu, alors moi je veux bien, mais c’est une puissance d’amour, de relation, une puissance du changement d’avis et de l’intervention, une puissance qui laisse l’autre exister, s’exprimer, faire des choix au risque d’en faire de mauvais.

Ma compréhension de Dieu est certainement très imparfaite, inachevée, bancale, mais ce matin j’ai l’impression qu’on peut dire que Dieu s’est laissé touché par le drame de l’humanité et de tout le vivant. Et alors il est intervenu dans son histoire.

C’est ce que Paul écrit à Tite, autrefois, nous étions insensés, rebelles, égarés. Mais Dieu s’est révélé et a changé le cours de notre histoire, il est intervenu pour nous sauver. Non grâce à nos mérites mais par compassion pour nous.

Oui, Dieu a tellement été touché par chacune et chacun de nous, qu’il est intervenu dans notre vie par Jésus Christ et il intervient par son Esprit Saint au point de nous donner un avenir et un héritage. Il a tellement été touché qu’il fait de nous ses héritiers comme si nous étions ses enfants !

Cette vie éternelle, je ne sais pas trop ce que ça veut dire, je suis incapable de m’en faire une représentation. Personnellement, j’ai du mal à y voir une sorte d’immortalité. Je crois plutôt que c’est la fin de la peur et de l’angoisse et donc la fin de la captivité. A chacun, chacune dans sa relation avec Dieu d’y réfléchir.

 

Sœur et Frères, la vie semblait suivre son cours chaotique, mais il s’est produit un évènement et depuis, ce n’est plus comme avant. Il y a un avant et un après.

Avec Christ, Dieu a révélé son amour à l’humanité. Voilà cet évènement.

Nous en sommes là, c’est-à-dire, plus dans l’avant chaotique et pas encore complètement dans l’après de la vie éternelle. C’est notre présent empli d’espérance.

Nous sommes toujours soumis à la loi du temps, passé, présent, futur. Mais Dieu nous y a rejoint en se révélant par l’évènement de Jésus Christ.

Et oui ! nous sommes quelques-uns à pouvoir dire que cela nous a transformé durablement au point que nous ne sommes plus tout à fait les mêmes qu’avant. Nous pensons, nous croyons différemment et c’est salutaire !

Amen

 

 

 

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