Prédication du dimanche de Pâques 2020

Aujourd’hui nous fêtons le jour où les plus anciens disciples de Jésus ont vu et ont cru. Ils ont vu un tombeau vide et ils ont cru que leur maître Jésus, était ressuscité. Ils ont cru que si le tombeau était vide, ce n’était pas parce que quelqu’un était venu subtiliser le corps, mais que c’était parce que Dieu a relevé Jésus de la mort.

 

Et nous, confinés que nous sommes, nous vivons cette fête pour la première fois en restant chez nous. Etrange situation qu’une fête qui se partage virtuellement à distance.

De quoi notre confinement est-il le signe ? que révèle t’il en nous ? voici quelques réponses à partir de ce que j’ai entendu cette semaine :

  • Pour certain, le confinement est l’occasion d’un grand voyage intérieur. C’est une opportunité pour prendre du recul et réfléchir à notre vie et à notre société. Confortablement installé chez nous, avec un peu de musique et quelques bons livres, en prenant le temps de cuisiner, nous disposons d’un silence et d’une tranquillité que notre vie d’avant ne nous permettait jamais. Le confinement est alors le signe d’une remise en question sereine.
  • Pour d’autres, ce confinement est un grand vide, le vide du désœuvrement et de l’immobilité. Et en même temps, la moindre tâche à faire demande un effort considérable. Et comme la nature a horreur du vide, les pensées se remplissent des anciennes blessures non guéries qui remontent à la surface. Tant qu’il y avait l’agitation du travail, des déplacements, des obligations familiales, des engagements divers et variés, y compris ceux de l’église, ces douleurs-là n’étaient pas écoutées. Mais maintenant, avec ce vide, elles se font à nouveau entendre. Le confinement révèle ce qui n’est pas guéri en nous.
  • Et puis j’en ai entendu d’autres, oh quelques-uns seulement, pas tant que ça, mais tout de même ! qui disent que c’est un signe de Dieu qui veut nous punir. Il veut nous punir particulièrement à cause de certains graves péchés qui seraient commis par quelques inconscients dépravés ou infidèles endurcis. Ce serait à cause d’eux !

Curieusement dans ce cas-là, la personne qui ressent ce signe ne se considère pas comme co-responsable : c’est le péché des autres qui est incriminé et pas vraiment ce dont moi, je pourrais être responsable.

Je vous le dis tout net, je ne peux pas donner de crédit à ce signe là qui aboutit droit à la recherche d’un bouc émissaire.

De quoi ce confinement est-il le signe ? remise en question sereine, ou vide à partir duquel remonte les anciennes blessures, ou alors accusation de l’autre ?

 

Ce matin, nous avons partagé une courte prédication de l’apôtre Pierre, adressée à l’entourage d’un certain Corneille. Allocution étonnée d’un prédicateur qui soudainement comprend et découvre l’ampleur du projet de Dieu.

Pourtant Pierre est un homme très expérimenté, il en a vu des choses étonnantes, il a même été le premier (selon le récit de Jean) à entrer dans le tombeau vide, à voir et à croire !

Je ne sais pas si vous vous souvenez des conditions qui l’ont amené à faire ce discours. Pierre était venu de Jaffa à Césarée, pour rencontrer Corneille, officier romain, non juif mais craignant Dieu. Il y avait été poussé par l’Esprit de Dieu après avoir reçu une vision dans laquelle Dieu lui ordonnait de manger des animaux impurs. Bien que perplexe, il était allé chez Corneille et après un long voyage à pied, il s’était retrouvé chez lui devant une assistance nombreuse.

Mais il ne savait toujours pas pourquoi on l’avait fait venir là !

Ce n’est qu’après avoir écouté Corneille lui parler de sa foi et en voyant cette assistance attentive qu’il commence un discours qu’il n’a pas du tout préparé.

On a l’impression qu’il prêche spontanément, qu’il découvre, qu’il comprend en même temps qu’il parle, comme si l’Esprit Saint l’inspirait en direct. A quel moment a-t-il compris la vision qu’il a reçue sur sa terrasse. Est-ce pendant le voyage à pied de Jaffa à Césarée ? Est-ce lorsqu’il est entré dans la maison de Corneille en voyant cette assistance nombreuse ? ou bien est-ce en écoutant le témoignage du non-juif Corneille ?

Il me semble que tout se met en place dans sa tête, au moment même où il prend la parole pour dire

« En vérité, je comprends que Dieu n’est pas partial, mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice, est agréé par lui ».

Il m’est venu l’idée que Pierre, même après être entré dans le tombeau vide, vivait encore dans le confinement d’une religion refermée sur elle-même. Il faut du temps et du voyage pour sortir de là, mais Dieu a décidément été patient avec Pierre.

Dans le récit des Actes, c’est la 5e et dernière prédication de Pierre, la plus courte, mais certainement la plus décisive pour l’humanité et la plus bouleversante pour lui : cet homme expérimenté découvre encore et comprend de plus en plus, l’essentiel. Il sort d’une religion qui l’a enfermé dans l’idée que Dieu ne s’adresserait qu’à certains seulement et condamnerait tous les autres. Et le voilà, face à cette assistance inattendue, qui se met à rassembler tous les éléments du puzzle de son expérience, de sa compréhension.

Cela produit cet élargissement de sa foi totalement inattendu !

Dieu s’adresse à l’humanité entière.

 

Que comprend Pierre ? que Dieu ne se révèle pas à l’échelle des nations mais à l’échelle de chaque personne qui le craint et qui pratique la justice. A l’origine du mot grec pour dire la justice il y a l’idée de la direction à suivre, ce mot a été utilisé ensuite pour dire ce qui est juste selon la règle.

Le mot hébreu correspondant ajoute la piété, c’est-à-dire la relation à Dieu. C’est ce que nous comprenons aussi de la définition de la crainte de Dieu. Crainte de Dieu non au sens où nous serions soumis à Dieu dans la terreur, mais plutôt crainte au sens d’un profond respect associé au sentiment de confiance.

Crainte de Dieu et justice sont indissociables et forment le critère de la présence de Dieu dans une vie.

 

Ensuite, pour le faire comprendre à son assistance, Pierre revient sur les évènements passés, connus de tous : « vous, vous savez ce qui est arrivé ».

Il explique ainsi comment Dieu s’est manifesté par l’action de Jésus de Nazareth,

Jésus qui a guéri tous ceux qui étaient opprimés par le diable. Le diable est ici la figure de celui qui divise, qui sépare.

Le malade, le blessé est celui qui est de plus en plus séparé de lui-même à mesure qu’empire sa maladie ou sa blessure, isolé des autres, seul avec son inquiétude, et peut être aussi, séparé d’avec Dieu dont il finit même par douter de la présence.

Jésus a guéri toutes ces séparations que Pierre nomme ici l’oppression du diable, car Dieu était avec Jésus.

 

 

Et puis Pierre continue de revenir sur les évènements dont il a été le témoin privilégié :

Jésus dans le pays des juifs et à Jérusalem, sa mort sur le bois et enfin sa résurrection suivie de sa manifestation auprès de ses disciples, témoins désignés d’avance, nous dit-il, témoins appelés à proclamer et attester que Jésus Christ est celui par qui le pardon des péchés peut être reçu.

Nous sommes passés de la guérison des opprimés du diable au pardon des pécheurs.

Les malades, blessés, opprimés sont-ils responsables de ce qui arrive ?

Cette question n’a pas de sens. Il ne viendrait à personne l’idée d’aller reprocher à un malade en réanimation de ne pas avoir respecté les mesures de confinement.

Alors que si l’on parle des péchés au pluriel, comme dans le texte, la question de la responsabilité semble plus naturelle.

Là aussi, le sens de ce mot « péché » a une histoire. En grec ancien, il correspond plutôt à une forme de maladresse sans nécessairement l’intention de mal agir, alors que le terme équivalent en hébreux le présente plutôt comme la rupture de l’alliance avec Dieu.

 

Ce dont témoigne Pierre et que nous sommes invités à comprendre en ce jour de Pâques, c’est que, quel que soit ce qui nous a séparé de Dieu, mal subi ou mal infligé, en Jésus Christ ressuscité, Dieu nous rejoint, nous réunifie, nous apaise alors que nous étions fracturés, séparés.

Le diable n’est que la figure, la personnification, de ce qui se jette en travers de nos vies pour nous faire douter de nous-même, nous opposer aux autres et nous faire ignorer Dieu.

 

La paix du Christ est à la fois guérison et pardon :

Guérison de ce qui nous opprime, de ce qui nous oppresse et cette période de confinement nous le révèle peut-être de façon plus marquée.

Pardon des péchés au sens où Dieu ne garde pas la liste de nos manquements, maladresses involontaires, erreurs inconscientes ou au contraire très assumées, actes d’endurcissement pour se protéger en dominant les autres.

 

Il laisse disparaître cette liste dans le courant du temps qui passe.

 

A la croix, il fait mourir l’affirmation de notre péché, il pardonne.

 

Dieu réalise cela en relevant Jésus le 3e jour, alors qu’on l’avait pendu au bois. Nos endurcissements ne l’ont pas anéanti. Il ressuscite, il nous guérit, nous pardonne et nous envoie le proclamer, l’attester, à la suite de ses premiers disciples qui ont partagé le pain et le vin avec lui. Lui, le ressuscité ! et nous aussi, nous partagerons le pain et le vin tout à l’heure.

 

Sœurs et frères, comment vivons-nous notre confinement ? sereinement ou avec de l’inquiétude, dans le désœuvrement soudain ou dans la surcharge du travail d’être en première ligne ? quelle tension ressentons-nous ?

Quoi qu’il en soit, je refuse l’idée que Dieu punit l’humanité à cause de la faute de quelques-uns, et si je devais croire en l’idée d’une punition encore faudrait-il que ce soit à cause de la faute de tous et de toutes, la mienne incluse, tous et toutes responsables de ce monde dans lequel nous vivons.

 

Aujourd’hui, fête de la résurrection de Jésus Christ, « pensons à ce qui est en haut et non pas à ce qui est sur la terre » : à la place de la condamnation et de la punition de Dieu, recevons plutôt la bonne nouvelle de son intention de guérir et de pardonner, son intention de nous guider dans la bonne direction, celle de la justice, avec cette certitude que chaque existence devant lui est belle et précieuse et qu’elle a de l’avenir.

 

Amen

 

 

        

 

 

 

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