Critiques de livres

 

Le dénis des cultures

de Hugues LAGRANGE – Éditions du Seuil

Après le conflit israélo-arabe (cf Comment le peuple juif fut inventé de SHLOMO SAND), les biens pensants de nouveau face à la réalité avec l’ouvrage de H. LAGRANGE sur les différentes immigrations.
Le fait de constater que les palestiniens ont en moyenne plus d’ascendance juive que les israéliens ne remet pas en cause la création d’Israël, ni sa spécificité, c’est à dire son existence même.
Il se met au niveau des bienpensants européens qui croient (ou font semblant de croire) à la solution d’un état israélo-palestinien ou la coexistence de deux états indépendants et viables.

En fait, il est très difficile pour les bien-pensants de constater qu’il n’y a pas de solution en l’état actuel (mais tout juste des palliatifs) et pour ces derniers reconnaitre la réalité est immoral.
Ce refus de la réalité ne concerne pas évidemment le seul conflit israélo-arabe mais bien d’autres sujets dont notamment le problème de l’immigration.(1)

L’immigration en France est le sujet tabou par excellence et il ne peut faire l’objet d’analyse.

Il est d’abord interdit de s’appuyer sur des statistiques par « ethnie » (à la différences d’autres pays) ce qui rend difficile une analyse scientifique, et, plus généralement toute analyse est proscrite : très schématiquement, il y a d’un côté les gaulois (français et européens de souche, juifs inclus y compris ceux d’Afrique du Nord) et le reste, les non gaulois (les immigrés et leurs descendants), les victimes des gaulois.

Toute différenciation entre les non gaulois remet en cause le principe républicain sacré d’égalité et d’uniformité et génère une suspicion de racisme, de colonialisme, de fascisme etc. (la seule exception acceptée concerne les asiatiques).

C’est la raison pour laquelle l’annonce du livre Le déni des cultures de Hugues LAGRANGE fit grand bruit dans les médias : prendre en compte la culture des différents groupes pour expliquer les variations dans la délinquance, le chômage etc. pouvait être considéré comme un biais pour contourner l’interdiction absolue, à savoir la prise en compte de différences entre les populations non gauloises.

Les différentes références morales de notre pays (CRAN, LICRA, SOS RACISME, LDH, etc.) ont été consultées par les médias et ces dernières donnèrent difficilement leur permission, soulignant que les dangers qu’une telle étude pouvait comporter, les faits pouvant être mal utilisés (toute similitude avec le Saint Office serait naturellement abusive et très peu oecuménique).

La condamnation ne s’est pas fait attendre lors d’un « débat » sur FR 3 Ce soir (ou jamais !) de Frédéric TADDÉI, un de ses collègues sociologues lui asséna que prendre en compte les cultures relevait d’une vision colonialiste : ita missa est (l’auteur est définitivement discrédité avec une présomption irréfragable de racisme, le coupable ne pouvant se défendre) ; quant au fait que l’immigration asiatique ne soulevait pas les mêmes « problèmes » que les africaines, il lui fut répondu que la raison ne venait pas d’une différence de culture mais du fait que les asiatiques étaient favorisés par un moindre racisme des gaulois.

Il est important de signaler que H. LAGRANGE est un sociologue connu, professeur à SCIENCES PO, anti-sarkosiste, anti-Besson, anti-raciste, profondément de gauche, sans doute chrétien ou fortement influencé, et considère qu’accueillir l’immigration du Sud est un devoir et que son analyse a pour but de favoriser leur inclusion : il n’apparait pas comme un néo marxiste mais plutôt comme un tiers-mondiste chrétien (cf surtout le dernier chapitre et sa conclusion) ; il est donc plus que moralement correct et cela son juge de l’émission le savait parfaitement.

L’auteur différencie les différentes immigrations afférentes par rapport à leur culture : les maghrébins, les turcs, les africains du Sahel et ceux hors du Sahel et les asiatiques, toutes ces immigrations ont une réaction différente par rapport à la culture gauloise et un comportement différent, tout en faisant remarquer l’évolution au fil des années (la culture maghrébine en France par exemple s’est profondément modifiée en quarante ans, les fils sont différents de leurs pères, arrivée de l’islamisme dans les banlieues etc.).

H. LAGRANGE note, analyse, explique les réactions différentes générées par chaque culture et leur adaptation ou non à la modernité et au développement, et ce travail est particulièrement intéressant et fouillé et permet de remettre en cause des idées reçues et des préjugés… générés justement par le refus de la prise en compte des différences de cultures.

Il y a plusieurs immigrations et les pouvoirs publics à l’instar des bien-pensants veulent ignorer la géographie

Un exemple frappant est le handicap scolaire des différents groupes et la non formation de ces enfants est la première cause du chômage structurel et permanent qui frappe et frappera ces enfants : l’auteur fait remarquer que l’échec scolaire le plus grave ne touche pas les maghrébins mais les noirs de, d’où une révolte contre l’école et la société : la carte des communes des émeutes de 2005 montre clairement le rôle moteur des jeunes noirs (et non des jeunes maghrébins).

L’inculture, la non maîtrise du français, le nombre élevé d’enfants, le machisme, le chômage frappent plus spécialement les familles noires sahéliennes et créent la culture de l’échec et de la révolte.

L’auteur rappelle de nombreuses fois que cacher la réalité, les faits, en l’occurrence les différences, non seulement n’est pas une solution mais empêche le diagnostic et ainsi les éventuelles solutions.

H. LAGRANGE dans ses nombreuses analyses ne dit pas explicitement que la situation est très grave sinon dramatique. Il n’a pas une vision trop manichéenne malgré son engagement très à gauche : il ne croit pas aux solutions dites sécuritaires mais reconnait que la gauche quand elle est au pouvoir ne fait guère mieux.

Se voulant honnête et réaliste, ses pistes ne sont que des palliatifs ou plus précisément des solutions à long terme puisqu’elles visent une inclusion et non une intégration (parmi ses pistes, une certaine mixité, à savoir par exemple que les enfants ne peuvent réussir scolairement s’ils sont concentrés dans les mêmes établissements, et essayer que les élites Maghrébines ne cherchent pas à quitter leur cité).

Il est à noter que si l’auteur croit à une certaine mixité, il ne peut que constater le communautarisme qui n’est pas forcément néfaste selon lui car générateur de solidarité.

Manifestement, l’auteur ne croit pas ou plus à l’intégration

Ainsi, il critique vertement le manque de mesures favorisant l’inclusion qui ne doit pas se contenter de dénoncer des discriminations mais doit permettre à diverses sociétés de vivre ensemble démocratiquement.

Dans cette logique, pour les immigrés musulmans il est favorable à la constructions de mosquées, à l’ouverture d’établissements confessionnels musulmans(2) mais précise subrepticement qu’il faut dire au bénéfice de qui l’inclusion doit s’opérer alors qu’il a démontré tout au long de son livre que le machisme, la polygamie, l’enfermement des femmes ce n’est pas du tout bien pour l’épanouissement des communautés.

L’auteur va aussi beaucoup plus loin dans sa logique et s’interroge favorablement sur l’idée d’une différenciation des procédures judiciaires des procédures judiciaires(3) en fonction des normes culturelles (idem pour la redistribution et la compensation)

Conclusion

Deux points ressortent de ce livre
  • Ce livre pour la première fois démontre publiquement l’influence des cultures dans l’immigration et que le dissimuler pour des raisons morales est irresponsable même quand on est bien pensant.
  • Sa lecture montre aussi que les craintes de certains étaient justifiées… car tout au long de ce livre aux affirmations étayées, l’auteur nous démontre que le fait de continuer à faire venir des populations « non formées » après 1970 et laisser l’immigration clandestine prospérer était une folie économiquement, ce dans une conjoncture caractérisée par une baisse continue des emplois peu qualifiés et l’apparition d’un chômage de masse.

L’échec dramatique de l’intégration a été largement causé par le retournement des années 70 et l’auteur nous démontre qu’avec la culture de ces populations l’intégration était encore moins possible…

H. LAGRANGE n’aborde pas directement le problème de savoir s’il faut tenter de freiner l’immigration clandestine mais sa conclusion en suivant sa logique devrait être qu’en l’état actuel, ce serait économiquement et socialement, pour les mêmes raisons, calamiteux.

Mais l’auteur justifie moralement les immigrations successives et futures (condamnation notamment des expulsions), et les Gaulois sont responsables de l’échec de l’intégration et du futur échec de l’inclusion de ces populations (ita missa est).

Toujours est-il que ce livre, contre son gré, est une arme redoutable pour ceux qui ne sont pas aussi bien-pensants que l’auteur.

Conclusion digressive

Un autre intérêt de ce livre est qu’il permet de soulever un problème (que les bien-pensants curieusement ne veulent pas soulever) : un bien-pensant peut il être honnête et responsable sur certains sujets, comme par exemple celui de l’immigration clandestine ?

Bertrand GALLAY


(1) Ce refus provient en grande partie du beau et vieil idéal d’intégration (mais qui ne marche plus avec l’immigration non européenne) et reconnaitre, des spécificités propres à chaque minorité, revient à remettre en cause ce mythe et la spécificité française par rapport au monde anglo-saxon et son communautarisme.

(2) Qui enseigneraient la Charia aux enfants comme en Angleterre et notamment comment couper les mains et pieds des voleurs. Donc l’inclusion oui, mais pas de tous les éléments de chaque culture… Mais qui va faire le tri ? Le Haut Conseil à l’Intégration ?
Une culture est homogène et si on doit enlever, en plus, tous les éléments néfastes au développement et à l’inclusion, pour certaines cultures on ne voit pas bien ce qui va rester. Sans continuer à faire de mauvais esprit partisan, H. LAGRANGE tombe ici dans un angélisme assez irréaliste et irresponsable.

(3) Par procédures judiciaires, il pense à lois.
On comprend ainsi sa totale opposition à FINKIELKRAUT (il fait sans doute référence à l’ouvrage paru sous sa direction Qu’est-ce que la France ?). Cela étant, sa suggestion est pleine de bon sens : le droit est l’aboutissement d’une culture et concerne les ressortissants d’un même pays. Or, la majorité de l’immigration, qu’elle ait ou non la nationalité française, partage de moins en moins les valeurs gauloises et fort logiquement rejette les lois et règlements de la Nation, dont ils estiment de toute façon ne pas être membres (l’auteur à ce propos explique et excuse cette crise de confiance des migrants dans les institutions et les autres citoyens par la xénophobie de l’État, des administrations et des gaulois : H. LAGRANGE devrait être invité à nos synodes).

 

Le point commun entre les deux premiers livres et le troisième est évident : ces ouvrages sont l’oeuvre d’historiens, juifs, israéliens plus précisément (la précision est capitale) et traitent de l’histoire du peuple juif : les deux premiers pour son passé, le troisième pour son évolution et sa « création » à travers l’histoire. Un autre point commun, moins évident mais encore plus frappant, est qu’ils « achèvent » de bouleverser des croyances bien établies en des faits matériels, croyances qui ont constitué un des fondements du judaïsme, du christianisme et de l’État d’Israël. Le plus étonnant est que ces bouleversements, fruits d’une évolution datant de plusieurs dizaines d’années, passent quasiment inaperçus, en tout cas du grand public (nous retombons dans un consensus, classique de nos jours, qui veut que certains faits doivent recevoir le moins de publicité possible).

La Bible dévoilée – Les rois sacrés de la Bible

d’Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman – Éditions Folio Histoire

Les auteurs rappellent que les recherches archéologiques n’ont réellement commencé qu’au début du XXe siècle, ces archéologues chrétiens, pour la quasi majorité protestants, ont connu une divine surprise en découvrant lors de leurs fouilles la réalité physique de la plupart des sites cités dans l’Ancien Testament.
C’était réellement une divine surprise puisque l’on craignait de découvrir que tout n’était que légende, mais ces derniers ont eu tendance à vouloir en déduire que les récits bibliques relataient des faits historiques.
Nb :le premier ouvrage pour le grand public qui remit en cause la matérialité des récits bibliques fut écrit dans les années 50, le célèbre livre « La Bible arrachée aux sables » de Werner Keller.

Ces deux livres ne sont pas les derniers évidemment sur la question, mais ils apportent les preuves matérielles confirmant les « convictions » de nombreux chercheurs, à savoir notamment que l’Exode en Égypte n’a jamais eu lieu, qu’il n’y a pas eu de conquête de l’extérieur de Canaan, qu’il n’y eut jamais un royaume juif unifié puissant au Xe siècle, que les rois sacrés de la Bible étaient plutôt des chefs de bande, que seule une minorité du peuple avait été déportée à Babylone etc., etc.
Il est important de signaler que ces deux livres ne sont pas contestés par les autres chercheurs ni les exégètes (juifs ou chrétiens) et ne sont ni provocateurs, ni anti religieux.

Nb : l’analyse de la figure de David dans le monde chrétien par ces chercheurs israéliens est particulièrement intéressante et émouvante.
En fait, s’ils ébranlent peu le christianisme du XXIe siècle (qui est déjà ébranlé et la révélation des découvertes est progressive et discrète, et de toute façon ne sera pas perçue. par ceux qui ne veulent pas la percevoir), ces deux ouvrages devraient « logiquement » ébranler un des fondements de la création de l’État d’Israël : le sionisme aurait-il pu, en effet, exister et triompher sans ces références historiques ? Les « adversaires » d’Israël curieusement ne s’emparent pas de ces livres.
Le troisième ouvrage est en quelque sorte complémentaire et aborde la « création » du peuple juif, du tout début jusqu’à l’heure actuelle : il est encore beaucoup plus « explosif » que les deux précédents et aurait créé une polémique en Israël.

Comment le peuple juif fut inventé

de Shlomo Sand – Éditions Champs, essais

L’auteur, un chercheur franco israélien enseignant actuellement en Israël, a l’occasion d’aborder un problème fondamental, à savoir les juifs du monde entier sont-ils les descendants des tribus sémites qui habitaient la Palestine il y a trois mille ans : ce problème concerne évidemment les Juifs, mais aussi les autres monothéismes, et a évidemment des conséquences géopolitiques.

En schématisant abusivement, jusqu’à peu il y avait un consensus sur le fait que les juifs n’ayant ni pratiqué la conversion ni le prosélytisme, ni les mariages mixtes, les communautés juives du monde entier descendaient de ces tribus.

En fait, l’on savait qu’il y avait des exceptions à ce postulat dont notamment les fameux Khazars et des conversions « massives » en Palestine au temps du Christ mais globalement les juifs voulaient croire qu’ils provenaient des différentes diasporas.

L’auteur démontre que les Romains au 1er et 2e siècle, ont dispersé peu de juifs et que la très grande majorité des juifs sont le fruit d’un prosélytisme très actif et très ancien (les falashas en sont le meilleur exemple) et qui continua même après l’avènement du christianisme (en dehors de l’Empire) : les tribus juives du Coran étaient arabes.

Nb : le consensus devait être très fort pour que les gens ne s’interrogent pas sur la raison pour laquelle les juifs au temps d’Auguste (donc avant les grandes diasporas) formaient au moins 8% de la population de l’Empire et comment expliquer aussi la nécessité de la Septante (trois siècles auparavant) qui aurait été rédigée pour des « vrais juifs » vivant hors d’Israël qui n’auraient connu que le Grec, ayant oublié leur langue sacrée.

Le constat final de l’auteur est que les juifs ne forment pas une race et que certaines communautés juives n’ont pratiquement aucun ascendant ayant habité la Palestine, il y a trois mille ans : en revanche, pour l’auteur, les « vrais juifs » se retrouvent plutôt chez les palestiniens. musulmans ou chrétiens.

Ce consensus sur une ethnie juive a permis paradoxalement l’antijudaïsme racial (alors qu’on peut affirmer que de nombreux juifs furent exterminés alors qu’ils n’avaient pas ou très peu d’origine sémite).

Il y eut même il y a quelques années en Israël une tentative de prouver scientifiquement l’existence d’une race juive.

Ce constat ébranle évidemment un des fondements de la création d’Israël, le fondement historique : pour la plupart des Juifs, Israël n’est pas la terre de leurs ancêtres.

Or, l’auteur démontre que si Israël est une démocratie exemplaire à beaucoup de points de vue, elle reste une démocratie spécifique dans laquelle une partie de ses citoyens, les non juifs, ne sont pas traités de la même manière que les juifs : il utilise le nom d’ethnocratie libérale.

Cette inégalité, qu’il voudrait voir disparaître, puisque source de conflit entre ses habitants, choque l’auteur, d’autant plus que les arabes israéliens sont souvent plus juifs que les israéliens juifs et qu’Israël n’est pas une théocratie mais un état totalement et réellement laïc (il rappelle que ses fondateurs n’étaient pas pratiquants et peu croyants).

Commentaire personnel

La conclusion de l’auteur est ici beaucoup moins convaincante : cette ethnocratie est consubstantielle à l’État d’Israël, on peut la constater et même la déplorer, mais prôner ou souhaiter sa disparition est inutile, et à mon avis un non sens puisqu’elle est la substance même d’Israël.

Conclusion

Impossible de ne pas lire ces trois livres qui sont réellement « bouleversants ». La lecture de ces trois ouvrages, d’autre part, conduit tout naturellement à la « très vieille » question : les FAITS contredisant une « RÉVÉLATION » (ou une « VÉRITÉ », ou simplement la « morale ambiante ») doivent ils être. révélés ? Pour nos frères aînés, la réponse était non, ce encore très récemment ; pour les réformés, la réponse est pratiquement oui. Pour les autres, je m’auto censurerai comme d’habitude.

En tout cas, pour le « correctement moral », la question est on ne peut plus d’actualité puisque très récemment Éric Zemmour a été condamné par tous les nombreux bien pensants pour avoir rappelé des faits matériellement exacts, connus de tous. mais qui ne doivent pas être publiquement révélées au vulgum pecus (comment ne pas penser à la fameuse phrase de Jean-Paul Sartre qui demandait de ne pas révéler les réalités du marxisme léninisme pour « ne pas désespérer Billancourt »).

Bertrand GALLAY

La foi que j’aime le mieux

de Michel LEPLAY – Éditions Salvator, 2009

Le titre est tiré d’une belle phrase de Charles Peguy : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance. » Pour Michel Leplay aussi. C’est un livre de réflexions sur le monde, sur le « mystère Jésus », sur le message biblique, sur l’unité chrétienne. 16 courts chapitres qui témoignent de son regard sur le christianisme actuel et passé et sur ses espérances œcuméniques. On peut les lire à la file, ou dans le désordre car, il le dit lui-même, ces chapitres « sont assez indépendants les uns des autres ». Michel Leplay, nous le savions déjà, est un homme de dialogues avec les autres Eglises, et en premier avec la sœur catholique. On perçoit dans son propos combien la « déchirure » entre chrétiens le heurte. Il aimerait que l’Eglise soit une et catholique. Non pas dans le sens romain, bien entendu, mais dans le sens originel du terme : plénitude et universalité. Sans esprit de chapelle ni parti pris, il s’interroge sur l’identité chrétienne, qu’il reconnaît à toutes les composantes de l’Eglise du Christ marquées par le baptême, et qu’il sépare de l’identité confessionnelle. On peut toujours rêver, « espérer contre toute espérance », car on ne peut imaginer une seule Eglise tant que l’Eglise romaine se comprend « comme celle en qui subsiste l’unique Eglise du Christ ». C’est pourquoi il met son espérance en une « catholicité évangélique » populaire et prophétique qui pourrait réunir tous les enfants de Dieu.

Il nous parle de la foi et de la norme de sa foi, « gardée par l’Ecriture », mais aussi de l’espérance et de l’amour, et pour clore son livre, il propose un « envoi », non une conclusion, qui est un message d’espoir parce que, dit-il, « si le christianisme de Jésus, plus que la chrétienté des Eglises, a une valeur universelle, c’est bien parce qu’en son centre, ce point crucial, Dieu, y rencontre l’homme, et l’homme y cherche Dieu ». Avec « La Foi que j’aime », Michel Leplay a écrit un livre /témoignage, un livre/testament dans lequel ressort la sagesse du penseur chrétien qu’il est à l’automne de sa vie.

Liliane CRÉTÉ

Où va-t-on après la mort ?

de Liliane CRÉTÉ – Editions Labor et Fidès, 2009

Où va-t-on après la mort ?
Le discours protestant sur l’au-delà : XVIe-XVIIIe siècles

« Où va-t-on après la mort ? ». Voilà le titre du dernier ouvrage de notre amie et paroissienne Liliane Crété. Dans ce livre, notre spécialiste de la littérature anglo-américaine analyse le discours protestant sur l’au-delà pendant une période particulièrement féconde : les 16e, 17e et 18e siècles. Et nous voilà plongés dans un univers qui apparaît à l’homme du 21e bien étrange pour ne pas dire étranger. En effet, les notions de Vie éternelle, de Paradis, de Jugement, du Mal, sans parler de Satan et des Anges, tout est passé au crible de la pensée des théologiens, philosophes et pasteurs de cette époque.

La question évidemment est ardue : comment penser le monde invisible ? Comment imaginer le Royaume de Dieu ? Et il est louable d’essayer de répondre avec les outils de son époque. Nous n’avons pas attendu le 16e siècle pour débattre sur ce sujet, mais on est surpris en lisant Liliane Crété de la manière avec laquelle les théologiens tentent de donner une réponse. Surpris de voir sous leurs plumes l’importance du péché et de la mort en liens avec la vie éternelle et l’au-delà. Et pourtant n’est-ce pas là justement l’originalité du christianisme qui à l’inverse de Platon ne sépare pas l’âme et le corps et garde toute son importance à la mort. N’est-ce pas là la conviction que péché et mort expriment en fait la différence entre Dieu et l’homme. N’est-ce pas là une conviction chevillée au corps que le Dieu de la Bible est aussi un Dieu des morts et pas seulement des vivants ? C’est la lecture chrétienne que nous pouvons faire du Nouveau Testament. Comment ? Non, en minimisant l’importance de la mort, non par un mouvement de l’homme vers Dieu, mais par le fait que Dieu qui est immortel se rapproche de l’homme jusqu’à subir dans son Fils lui-même la condition humaine – à savoir la mort. Cela change tout. S’il est vrai de dire que la mort est d’une certaine manière omni-puissante, qu’elle met fin à notre vie, que nous ne pouvons rien faire contre cela, il y a, selon la foi chrétienne, un moment où cette toute-puissance est brisée : c’est la croix du Christ sur laquelle un homme subit la mort pour les autres. L’idée (ou réalité) que c’est Dieu lui-même qui, en Jésus-Christ, a subi la mort, est le centre de notre foi chrétienne. La résurrection n’est rien d’autre que la confirmation de cela.

Calvin au 16e siècle, puis les puritains, les philosophes et théologiens ont essayé de dire à leur manière et avec les mots de leur temps ce « mystère ». Sans doute ont-ils « babillés » comme le disait Calvin, sans doute font-ils un usage excessif d’un langage qui est proche du « patois de Canaan », mais cet ouvrage a le mérite de mettre en lumière une pensée féconde sur un sujet aujourd’hui malheureusement délaissé. Alors que nous sommes de moins en moins prêts à laisser une place à la mort et à penser l’au-delà, le livre de Liliane Crété interroge notre foi.

Comme le dit l’auteur en épilogue : « de cette investigation dans le discours protestant des 16e, 17e, 18e siècles, c’est avant tout la richesse, et la variété des auteurs, poètes, théologiens, philosophes et scientifiques, l’imagination florissante dont ils font preuve touchant la vie dans l’au-delà, dont la Bible ne dit pourtant pas grand chose ».

Il est vrai que dans la Bible, il n’ y a aucune spéculation sur la manière dont tout va se passer dans l’au-delà. Mais est-ce une raison pour ne rien dire ? Comme le disait Richard Baxter (1615-1691) : « méditer sur la vie auprès de Dieu n’est pas seulement une consolation, mais un devoir auquel le chrétien devrait s’astreindre ».

Christian BARBÉRY

Les Églises protestantes et les juifs

de Michel LEPLAY – Éditions Olivétan, collection Convictions & société

En quelques pages passionnantes où tout est dit, avec des mots ciselés comme en un travail d’orfèvre, bref avec la maîtrise qu’on lui connaît, Michel Leplay retrace quatre siècles d’histoire d’amour entre les Protestants et les Juifs. Le livre est émaillé de comptes rendus officiels et de textes de théologiens, et s’il montre la fidélité souvent originale et parfois héroïque que les Protestants ont témoignée à leurs frères aînés, il ne passe sous silence ni «les insultes de Luther et les jugements de Calvin», ni quelques lâchetés aux heures sombres de Vichy. Tout est passé au peigne fin … et surtout le présent, fait à la fois d’amour inconditionnel pour le peuple juif et de vigilance quant à la politique de l’État d’Israël, une distinction que Chrétiens ou Juifs ne font pas toujours, et qui est cependant essentielle dans le combat que nous devons mener contre l’antisémitisme : la politique de l’état d’Israël n’es pas la pensée juive. Un livre juste écrit par «un Juste» (selon le nom que les Juifs donnent aux hommes de bonne volonté) et qui se termine par une belle lettre de Colette Kessler, petit cadeau d’une fille d’Israël à un fils de la Réforme dont la participation aux Amitiés judéo-chrétiennes a été et demeure marquante…

Si vous aimez l’Histoire et si (sait-on jamais…) vous voulez vous sentir encore plus fiers d’être protestants, ne manquez pas ce livre !

Jeanne CHAILLE

Les Protestantismes

de Michel LEPLAY – Paris, Armand Colin, 2004, 126 pages

Le dernier-né de la production littéraire de Michel Leplay a pour nom : Les Protestantismes. En 128 pages denses, il montre comment la Réforme s’est développée, structurée, diffusée. Il en présente les différents aspects, et donc présente les différentes dénominations issues de la réforme du christianisme commencée par Martin Luther en 1517. Il nous entraîne ce faisant d’une  » protestation contestée  » à une  » expansion réussie « . Il est notre guide dans cette aventure humaine autant que religieuse, car s’il fait la place à la théologie de la Réforme avec sa célèbre trilogie : Sola Fide, Sola Gratia, Sola Scriptura, il peint aussi les portraits des hommes auxquels le monde est redevable de la diversité du protestantisme : Luther et Calvin, bien sûr, mais encore Zwingli, Wesley, Karl Barth pour n’en citer que quelques uns.

L’ouvrage comprend quatre parties : les trois premières sont ponctuées par une réflexion sur la spiritualité protestante tout à fait remarquable. Bien sûr, étant donné le format de cet ouvrage, Michel Leplay a du faire des choix et trois paramètres l’ont guidé : la référence à l’Écriture, seule normative pour la foi et la vie du chrétien réformé ; la conception démocratique de la communauté, conséquence du sacerdoce universel des fidèles baptisés ; la présence dans le monde des protestants et le rapport positif du protestantisme à la modernité.

Sa présentation est claire. Michel Leplay court à travers les siècles d’un pas vif et entraînant et les aspects essentiels du protestantisme sont bien définis. Le seul regret est qu’il n’ait pas développé le phénomène de l’évangélisme, tellement présent à l’heure actuelle en Amérique, au Sud comme au Nord.

En plus du plaisir que l’on a toujours à lire Michel Leplay, avec son sens des mots et des formules, l’ouvrage présente une série d’annexes fort utiles dont un glossaire, une chronologie et des statistiques sur les protestants dans le monde. Bref, un ouvrage qui a sa place dans toutes les bibliothèques de ceux qui voudraient comprendre comment un mouvement de réforme parti au XVIe siècle de Wittenberg, petite ville de Saxe, a pu devenir la religion professée par 473 millions d’individus dans le monde.

Vers un christianisme virtuel – Enjeux et défis d’Internet

de Jérôme COTTIN et Jean-Nicolas BAZIN – Labor et Fides, 152 pages

Le développement est riche de conséquences pour l’avenir des communautés traditionnelles. À cet égard, l’expansion de cette nouvelle technologie doit être évaluée à l’aune des message humanistes et spirituels des Églises. Dans cet essai écrit par un théologien et un spécialiste d’Internet, sont mis en évidence les risques et les chances de la nouvelle donne communicationnelle.

Comment réduire la fracture numérique? La communication en réseaux suffit-elle à créer le sentiment communautaire? L’annonce de l’Évangile peut-elle profiter de l’abolition des frontières proposée par Internet? Plus fondamentalement, faut-il voir le rapprochement des internautes l’essor d’une nouvelle fraternité ou l’indice d’une confusion mortelle des discours sous couvert d’une unification de la parole – le web comme nouvelle tour de Babel ?

Cet ouvrage est l’un des premiers livres de fond écrit sur ces phénomènes. Pédagogique dans sa première partie, il prend position par la suite et donne ainsi à réfléchir sur le modèle possible d’un nouveau christianisme virtuel. Un annuaire sélectif de sites Internet complète fort utilement ce livre.

Moïse  » lui que Yahvé a connu face à face « 

de Thomas RÖMER – Découvertes Gallimard 424, Religions, 127 pages

Moïse un héros dépassé ? Le fondateur du Judaïsme serait-il à l’origine de l’antisémitisme ? Pourquoi Freud s’est-il évertué à en faire un égyptien plutôt qu’un israélite ?

Réponses avec Thomas Roëmer, professeur d’Ancien Testament à l’Université de Lausanne, qui signe le dernier titre de la collection Découvertes/Gallimard consacrée au premier prophète d’Israël dont le récit compte parmi les épopées les plus célèbres de l’humanité.

Atlas des Religions – Croyances, pratiques et territoires

de Brigitte DUMORTIER, préface de Jean BAUBÉROT – Éditions Autrement, Collection Atlas Monde, 63 pages

Une Synthèse sur les grandes religions du Monde, sur certains problèmes politiques liés aux questions religieuses et sur des phénomènes religieux anciens ou récents, en quatre grandes parties : un panorama géographique, une analyse de la complexité de la géographie religieuse, les relations entre états et religions, les fonds traditionnels et les pratiques nouvelles.

Grâce à plus de 50 cartes et graphiques, et avec le concours des meilleurs spécialistes, cet atlas offre une grille de lecture nouvelle et synthétique du fait religieux.

La Bible entre le culte et la culture

de Michel LEPLAY – Poliez-le-Grand, Suisse, Éditions Du Moulin 2002

Ce que notre ami Michel Leplay nous offre n’est pas une œuvre savante sur la formation de la Bible, mais plutôt une histoire de sa réception dans notre monde occidental. Le titre en dévoile d’ailleurs le contenu :  » La Bible entre le culte et la culture « . Michel Leplay lui-même chemine entre culte et culture, son érudition le montre. Il est pasteur, mais aussi poète et donc la Bible le touche tant par cette Parole  » ultime, profonde et éternelle  » qui s’adresse à nous que par la beauté qu’elle a fait jaillir de l’œuvre de musiciens, de peintres, de graveurs, de sculpteurs, de poètes.

Il nous entraîne dans un parcours culturel au gré de ses choix – car il faut bien faire des choix, surtout lorsque l’on est limité par l’espace. On y rencontre les personnages incontournables mais d’autres aussi, auxquels on ne penserait peut-être pas. Le talent d’écrivain de Michel Leplay ajoute au plaisir de la lecture : ainsi, à propos de la formidable expansion de la Bible au temps de la Réforme, il écrit :

 » …la Bible, livrée au plus grand nombre, va être mise en exploitation, comme on le dit d’une forêt. Les uns iront y chercher le bois des poutres pour construire des systèmes théologiques résistant à la tempête de toutes les polémiques. D’autres s’inspireront de la droite montée des fûts pour mieux comprendre l’ordonnance du monde et de la pensée rationnelle. Certains seront sensibles à l’harmonie des cimes ou au profond mystère des racines. Quelques uns enfin trouveront moyen de cacher leurs émois sous leurs verts ombrages.  »

Liliane CRÉTÉ

Mémoires d’un galérien du Roi-Soleil

de Jean MARTEILHE – Mercure de France, Paris 2001

Nul doute, la lecture de ces Mémoires d’un protestant condamné aux Galères de France vous fera passer un bon, un très bon moment. L’hiver approche, voici tout ce qu’il vous faut pour une veillée au coin du feu, bien calé(e) dans un fauteuil confortable. De prison en évasion, d’abordage en naufrage, vous aurez plaisir à suivre dans ses péripéties ce jeune homme huguenot de bonne famille, fougueux et attachant.

Dans une langue savoureuse, riche en malice, en humour, en naïveté, le conteur Marteilhe vous entraînera quelque part à mi-chemin entre Gil Blas de Sentillane et les Trois Mousquetaires, entre roman picaresque et roman de cape et d’épée.

Il vous sera également possible de lire Marteilhe sous l’angle du documentaire historique. Du fonctionnement de cette étrange société humaine connue sous le nom Galères, tout est consigné en détails : soin dans la description, authenticité des informations sur la vie à bord, été comme hiver, en mer comme à quai.

Claire-Lise LOMBARD

La France est-elle païenne ?

Sous la direction de Xavier DURAND – Les Éditions de l’Atelier, Collection les Cahiers de l’Atelier, 127 pages

Les analyses et les prises de position se multiplient sur la place des religions dans la société française. Qu’en est-il véritablement des différentes mutations ? Menacent-elles la cohésion de nos sociétés ?

Dix auteurs, politologues, historiens, philosophes et théologiens apportent leurs réponses dans cet ouvrage : Jean Baubérot, Guy Braibant, Arlette Fontan, Jean-Claude Guillebaud, Jean Joncheray, Laurent Laot, François Richard, Hippolyte Simon, Michel Simon et André Talabot.

La collection met en présence des auteurs aux opinions diverses, convergentes et divergentes, pour une libre discussion qui prend place au carrefour des pratiques religieuses concrètes et des débats d’idées.

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