Écologie: quelle(s) conversion(s) ?

Prédication de la pasteurs Angelika Krause, le 7 avril 2019  

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CULTE DU 7 AVRIL 2019 À BARBEZIEUX

EN PRÉPARATION DU SYNODE RÉGIONAL 2019 ET DU (SYNODE) NATIONAL 2020 :

ECOLOGIE : QUELLE(S) CONVERSION(S) ?

Pasteure Angelika Krause

Parlons de conversions, celle de Jonas, celle à laquelle Jean le Baptiste invite… et probablement de la nôtre !

Lectures bibliques : Jonas 4 et Luc 3, 1 à 14

Faites demi-tour ! Faites demi-tour ! Vous vous souvenez probablement de ce temps, pas si lointain, quand nos GPS avec leur technique encore balbutiante, nous sommaient à un changement de direction radical.

Moi, je me rappelle bien d’une de ces situations : j’avais guidé un groupe de visiteurs de l’Église de Bordeaux en Dordogne. Fatigués, nous rentrions dans nos pénates à Bordeaux. Légèrement assoupis. Quand le panneau lumineux annonçait : Pont d’Aquitaine fermé. Prenez la déviation…

Mal indiquée, elle nous a largués, dans notre grand car de tourisme, sur la mauvaise rive de la Garonne. J’étais la seule Bordelaise, si je puis dire ainsi.

Il fallait bien que quelqu’un indique la direction. …et évite de nous égarer dans les ruelles étroites de la vieille ville que je connaissais bien, étant une habituée de leurs méandres sur mon vélo. Mais en car ?

Faites demi-tour. Faites demi-tour, annonçait le GPS avec obstination. Avec un peu de sang froid de la part du conducteur, avec un peu de clairvoyance de ma part, nous sommes arrivés à bon port, malgré quelques frayeurs.

Faites demi-tour ! Faites demi-tour !

C’est ce que dit Jean le Baptiste aux gens qui viennent vers lui dans le désert. Convertissez-vous, traduisent nos bibles. La conversion, c’est un terme tout de même rassurant. Spirituel. Nous pouvons y aller ou nous abstenir. Si on se convertit, on est bon pour un petit plus intérieur… c’est au moins ce que certains veulent nous faire croire. Mais si nous ne nous convertissons pas, cela n’est pas bien grave. Nous pouvons continuer dans nos voies habituelles comme si de rien n’était. Mais au fond, à la base diraient les jeunes actuellement, ce mot métanoïa, est un terme grec qui indique un demi-tour radical. Si vous êtes déjà allés en Grèce, vous pouvez le voir écrit sur les panneaux routiers, indiquant qu’il est, par exemple, interdit, de faire demi-tour.

Alors : à quoi invite Jean dans son désert ? Est-ce un petit ajustage qu’il propose ? A des personnes fatiguées et confortablement installées dans leurs sièges ? Ou est-ce un demi-tour en pleine quatrevoies, manœuvre un peu délicate, mais qui s’impose car la voie habituelle est devenue impraticable ?

Quand on suit le prédicateur Jean, il n’y a pas de doute : il invite à une manœuvre assez radicale. Probablement pas de sorte à retourner exactement dans la direction d’où l’on est venu. Mais tout de même : il ne s’agit pas, loin de là, d’un petit élan spirituel qui nous rendrait la vie plus douce auprès de Dieu. Il s’agit d’une « re-programmation » de la vie dans toutes les dimensions. Les métiers sont qnommés. Les conditions concrètes de la vie sont en jeu. Certaines exigences du temps de Jean ne résonnent probablement plus pareil à nos oreilles. Quels seraient les champs où nous serions sommés à nous convertir ? Vaste question !

Quelle(s) conversion(s) ? C’est exactement cette question, ces questions, que notre Eglise Protestante Unie de France soumet cette année à toutes les Églises locales. « Écologie : quelle(s) conversion(s) ? ». J’étais assez intriguée par la démarche. Car vous comme moi, nous cherchons, déjà, à être sur une voie qui nous semble parfois compliquée, parfois nous sommes un peu perdus, parfois nous avons l’impression que les donneurs de conseil tâtonnent autant que nous. Néanmoins la plupart d’entre nous cherchent à utiliser les transports de manière raisonnable, à ne pas accumuler des montagnes de déchets, de ne pas gaspiller la nourriture… et j’en passe. Mais là , la question n’est pas posée en terme d’action, mais en terme de conversion. C’est pour cette raison que je me suis mise à interroger des récits de conversion.

Vous l’avez entendu : les différents acteurs disent « Comment vais-je faire, moi, dans ma situation ? » Quelle direction vais-je pouvoir imprimer à ma vie ? La réponse n’est pas standardisée. Elle n’est pas pareille pour tous. Le terme de « métanoïa » dit bien qu’il s’agit d’un mouvement, mais qu’il est marqué par un changement qui nécessite la réflexion.

Ce terme de « métanoïa » contient le nom « nous » ; c’est notre capacité de raisonner. Ce qui veut bien dire qu’il ne s’agit pas simplement d’agir, de bien agir, d’être irréprochable. Mais qu’il s’agit de mettre en cohérence notre raisonnement et notre vie pratique. Un changement radical dans une cohérence de vie.

Pour revenir à notre car, brusquement stoppé devant le pont d’Aquitaine. Comment va-t-il arriver à destination ? Avancer, plus que périlleux. Revenir en arrière. Certainement pas. Alors, on y va. Prendre un chemin radicalement différent. Inconnu, mais nécessaire. En impliquant toutes nos capacités.

Parfois on pense pouvoir se passer du changement. Mais des prophètes de bonne augure, la Bible se méfie assez souvent. Aujourd’hui ceux qui nous chantent les louanges des solutions techniques qui vont s’ouvrir devant nous… nous avons envie d’avancer. De ne pas changer de sens.

Toutefois la plupart d’entre nous savent que, même si nous sommes fatigués, habitués, même si nous somnolons dans la nuit et que nous espérons que le conducteur connaisse la direction, oui, la plupart d’entre nous sait que notre véhicule doit emprunter de voies nouvelles. Au prix de nous égarer, de ne pas trouver les bonnes rues, de nous embourber sur des chemins trop étroits.

Mais cela, c’est une affaire de bon sens. Chrétiens et non-chrétiens le partagent. Chrétiens, et nonchrétiens ferment parfois les yeux devant cette traversée qui n’est probablement plus possible comme elle avait été envisagée auparavant.

Mais nous pourrions penser que le demi-tour en question est un demi-tour comme un autre, une réorientation comme une autre. Pourquoi la conversion nous concernerait, nous chrétiens, en premier lieu ? Pourquoi l’écologie incite les Églises à nous exposer de manière primordiale à cette question de société ?

Un théologien , que la plupart d’entre vous connaissent bien, Dany Nocquet, l’a formulé il y a quelques semaines dans le journal « Ressources ». Il avance la constatation que l’appel de Dieu par les prophètes est toujours, et encore, un appel de justice. Dieu appelle car la justice est en péril. C’est là où la question de l’écologie -qui est une question citoyenne comme une autre- devient une affaire de Dieu.

Car beaucoup de domaines que nous regroupons aujourd’hui sous « écologie » ne sont pas simplement une affaire de jolies fleurs et d’arbres qui nous abritent sous leur ombre. Non, la plupart des questions écologiques ont une face, parfois cachée, qui touche à la justice.

Deux exemples : Quand la surface des mers va monter, un peu ou beaucoup, les sociétés aisées vont pouvoir endiguer leur côtes ou construire sur pontons et pilotis, bien à l’abri. Des maisons d’architectes. En même temps, d’autres états avec leurs populations risquent de se trouver bien en dessous du niveau de la mer. C’est nous qui avons produit et qui consommons. Allons nous leur donner refuge en retour ? Et surtout, pourquoi seraient-ils contraints de quitter leurs terres ?

Et puis : parlons de semences. Elles risquent d’être de plus en plus standardisées, et ainsi de plus en plus exposées aux ravageurs. Néanmoins, les sociétés , dites développées , vont pouvoir produire ou acheter leur nourriture en contre-partie de leurs richesses. Mais les populations marginalisées du sud du globe auront de moins en moins accès aux vivres, ne parlons pas des sécheresses qui s’abattront chez eux. La faim qui avait régressé ira en augmentant.

Oups, … ces questions sont tellement complexes que nous n’avons souvent aucune envie de nous y frotter. Nous nous sentons incompétents. Dépassés.

Je pense aux personnes qui viennent voir Jean le Baptiste. Ils lui disent : Et moi, je suis soldat. Que vais-je faire ?? Quel choix s’ouvre à moi ? Et Jean, loin de les inviter à manger du miel et des sauterelles avec lui dans le désert, loin de là, il les invite au baptême comme geste de purification. Et puis, il les invite à retourner dans leur quotidien en changeant de vie. Radicalement. En mettant en jeu leur intelligence.

Vivre dans le monde. Courageusement. Au risque nous tromper. En comptant sur le Christ qui nous relève quand nous nous perdons. C’est là tout l’enjeu de la réflexion dans nos Églises : il s’agit de nous questionner. Il s’agit de nous tromper parfois.

Il ne s’agit certainement pas d’avoir les solutions. D’être irréprochables. Mais en nous laissant interpeller par les questions de justice, nous allons avancer, en pesant nos arguments, nos craintes… et nos élans.

La question, telle qu’elle est posée par l’Eglice Protestante Unie de France, ne nous renvoie pas simplement à nos petits comportements individuels, à notre agir. Elle nous indique une voie communautaire en interrogeant « Eglise : quelle(s) conversion(s) ? » Prenons le temps, ensemble, en confiance, de nous poser cette question.

Et puis, comme les gens qui viennent voir Jean le Baptiste, rentrons à Jérusalem, pardon, …à Guimps, Baignes, Jonzac et Barbezieux. Vivons là où nous vivons.

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