1 Jean 4, 7à 21

1 Jean 4, 7-21

 

Nous entamons ici le 3è cycle, qui reprend les thèmes de l’amour et de la foi, étroitement imbriqués, en les reliant à l’idée que c’est Dieu qui est la source de tout – source de l’amour et source de la foi.

Jean vient d’exhorter ses lecteurs à « éprouver les esprits », à discerner entre ce qui ressort de « l’Esprit de vérité » et ce qui est de « l’esprit de l’erreur ». Il revient maintenant sur le thème de l’amour, pour rappeler ce qui est l’essentiel, le centre de la vie chrétienne.

Le seul chemin pour « connaître Dieu », c’est celui de l’amour, affirme Jean. C’est le sens biblique de ce verbe, qui ne signifie pas tant une « connaissance » intellectuelle, une acquisition de savoirs, qu’une relation personnelle. Contre les « prophètes de mensonge » qui prétendaient accéder à Dieu par une initiation et une fuite hors du monde, l’auteur de l’épître affirme que « connaître Dieu » se fait dans l’existence concrète : c’est vivre en bonne relation avec lui, lui être fidèle en vivant selon son alliance ; se comporter envers les autres comme lui-même le fait. Bref, aimer comme il nous aime. Refuser d’aimer, c’est s’exclure de la relation à Dieu, « car Dieu est amour ». *

C’est le mot grec « agapê » qui est utilisé par Jean. Ce mot avait été choisi par les auteurs de la Septante (la traduction en grec du Premier Testament, datant du 3è siècle avant notre ère) pour désigner la relation particulière de Dieu avec son peuple, qui se manifeste dans l’Alliance ; il n’exprime pas la passion ou l’amitié, mais la volonté de faire du bien à quelqu’un, de le rendre heureux.

Au début de l’épître, Jean a dit que Dieu « est lumière ». Cette lumière, qui éclaire et réchauffe, c’est son amour. Ce n’est pas une notion abstraite, il se « manifeste » très concrètement : « Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui ». Affirmer, comme le fait l’épître, « Dieu est amour », c’est confesser ce qui est le cœur de la foi chrétienne, ce que Jean a exposé tout au long de sa lettre : cet amour n’est pas une idée philosophique mais quelque chose de tangible, il s’est incarné dans la personne de Jésus Christ, il s’est montré de façon très concrète, « au milieu de nous », et « en victime d’expiation ».

Cette expression fait référence à ce qui se faisait au Temple de Jérusalem : à la fête de Kippour, des animaux étaient sacrifiés au Temple et leur sang versé dans le Saint des saints pour obtenir le pardon de Dieu : qu’il soit « propice » et « expie » (qu’il recouvre, efface) les péchés du peuple. Pour les chrétiens, cela est accompli par le sacrifice volontaire de Jésus : il enlève le péché des fidèles et leur communique la vie de Dieu. *

Ce qui est inconcevable pour la sagesse humaine est l’essence même de la foi chrétienne : Dieu est amour, donc il souffre. Derrière les bras étendus du Fils, il nous faut voir ceux du Père. (S. de Dietrich)

Dieu est amour, cela signifie qu’il vient à notre rencontre, il cherche à entrer en relation avec nous : « ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés » ; toute initiative vient de lui. Et cet amour dont il est la source est ce qui nous amène à aimer à notre tour.

« Dieu, nul ne l’a jamais contemplé » : tout le Premier Testament est l’écho de cette conviction, Dieu n’est pas accessible à nos sens, en particulier à la vue (« nul ne peut voir Dieu et rester en vie » Ex 33, v.20) et on ne doit pas chercher à le représenter (2nd commandement du Décalogue). La foi n’a pas besoin de la vue, comme le dit Jésus à Thomas, dans l’Evangile de Jean (Jn 20, v.29) « heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru ! » Chercher à voir Dieu est vain, il est au-delà de notre vue – pour autant il est tout proche, dans la manifestation de l’amour fraternel : il « demeure en nous » quand « nous nous aimons les uns les autres ». L’amour du frère est ce qui permet en quelque sorte de vérifier la validité de notre relation à Dieu.

On retrouve le verbe demeurer, répété à plusieurs reprises, qui évoque la grande proximité avec Dieu qu’offre la foi : nous ne pouvons pas voir Dieu mais nous sommes en lien avec lui, de façon très proche.

Cette proximité s’exprime dans le témoignage de l’apôtre (« nous témoignons, pour l’avoir contemplé… ») et dans la confession des croyants (« quiconque confesse que Jésus est le Fils de Dieu ») : il ne suffit pas de croire, il faut encore dire ce qu’on croit, le « confesser », l’affirmer devant les autres – ce n’est pas toujours facile, ça peut même être dangereux. C’est surtout une façon de se positionner face à ceux qui prétendent que Jésus n’était qu’un simple humain : affirmer sa foi, c’est permettre à Dieu de demeurer en nous, c’est se laisser habiter par Dieu.

Et c’est se laisser habiter par l’amour qui vient de Dieu. Pour Jean tout est lié : la foi exprime l’amour, l’amour est la signature de la foi…

Ce qui lui permet d’envisager de se trouver devant Dieu au « jour du jugement » sans éprouver de crainte : on trouve souvent ce terme de « crainte » dans la Bible, il évoque le sentiment de petitesse, de fragilité, de respect, qu’on peut ressentir devant la grandeur et la sainteté de Dieu. Ce n’est pas de cette crainte que parle Jean, mais de la peur que suscite une fausse image de Dieu. Ici il nous rappelle que Dieu veut nouer une relation de confiance avec nous, une relation qui ne laisse pas de place à la peur.

Et cette relation passe par le « frère » : prétendre aimer Dieu sans que cela se manifeste de façon concrète en faveur du frère, c’est se bercer d’illusion, c’est être « menteur ». « Celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère ».

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