2 Chroniques 20, 1-30 – Des chantres à la place des soldats

 

Pasteur Bernard Mourou

Je vous propose aujourd’hui de méditer sur un récit original, mais peu connu, parce qu’il figure dans le Premier Testament, dans ce livre des Chroniques, qui n’est pas lu très souvent. Pourtant il serait dommage de l’ignorer.

L’histoire qu’il nous raconte remonte à une époque très reculée. Nous sommes dans les années 800 avant notre ère.

Josaphat est roi de Juda. Un jour, il est pris de frayeur devant les événements qui s’annoncent : voici qu’une coalition de plusieurs peuples monte contre son pays. Car les Moabites, les Ammonites et les Méounites se sont ligués pour fondre sur lui.

En plein désarroi, il ne peut que faire le constat de son impuissance et il soupire : Nous ne savons que faire !

Et le roi n’est pas le seul à prendre peur : ce sont tous les habitants de Juda qui redoutent la guerre à venir.

Leur terreur est légitime. La gravité des événements ne fait aucun doute. Face à ses ennemis, Juda est un tout petit pays, guère plus grand qu’un département français. La taille de son armée est proportionnelle à sa superficie. Que faire contre la supériorité numérique de ces trois peuples coalisés ?

Josaphat ne s’arrête pas à son désarroi, aussitôt il complète son constat par cette affirmation pleine de confiance : Nos yeux se tournent vers toi. 

En d’autres termes, il prend pleinement conscience de la situation, mais il n’en reste pas à son désespoir.

Quant au peuple, pour une fois il réagit remarquablement bien : il se rassemble devant le Temple de Jérusalem et cherche son aide auprès du Seigneur.

Et là, soudain dans la foule, Yahaziel prend la parole. C’est un lévite, c’est-à-dire un servant du Temple. Il rassure le peuple et l’invite à ne pas avoir peur.

C’est alors seulement que le roi Josaphat agit, mais il ne le fait pas dans la précipitation : il prend même le temps de chercher conseil auprès du peuple.

Cette attitude révèle un caractère prudent, dans le bon sens du terme.

Maintenant il se sent en condition pour prendre une décision. Et voici qu’il surprend tout le monde : il choisit de placer en tête de ses troupes non pas des soldats, mais des chantres, qui ne sont pas destinés à guerroyer, mais à célébrer la splendeur de Dieu.

Il s’agit d’une action liturgique, parce que la formule qui est retenue, Rendez grâce au Seigneur, éternel est son amour, est reprise d’un Psaume : le Psaume 136.

Cela signifie que pour affronter le danger, Josaphat ne mise pas sur son armée, de toutes façons trop faible, mais sur le chant et la liturgie, la seule force de son peuple.

Aucun stratège digne de ce nom n’aurait pu avoir cette idée bizarre.

Et voilà que, contre toute attente, la stratégie de Josaphat porte ses fruits. Les soldats judéens n’ont même pas à intervenir : les rangs de leurs ennemis sont tout-à-coup complètement désorganisés et ils se mettent à combattre entre eux. Bientôt il ne reste plus aucun soldat dans le camp adverse. Ils ont tous été décimés, et cela sans qu’il y ait eu aucun combat.

Pour souligner le bienfondé de cette décision, le récit biblique souligne que par la suite le règne de Josaphat fut calme et que Dieu lui donna le repos de tous côtés.

Ce récit nous enseigne deux leçons :

  • d’abord il nous amène à prendre conscience que la principale cause de la menace, ce qui a suscité la peur, cette coalition de plusieurs peuples, avait en elle-même le germe de sa faiblesse ; parce que les adversaire de Josaphat formaient une coalition, ils étaient plus fragiles ; en effet, des peuples différents peuvent plus facilement se désolidariser ;
  • ensuite il nous montre que la force de Josaphat, elle ne résidait pas dans son armée, mais dans la manière dont il a su rassembler son peuple autour de la liturgie ; il a compris qu’elle est une force d’unité et qu’elle concentre l’attention sur l’essentiel : la grandeur de Dieu.

Interrogeons-nous : qu’est-ce qui a permis la victoire ?

Incontestablement, c’est le rassemblement du peuple face à des adversaires désunis.

Eh bien il en va de même pour l’Eglise : ce qui peut faire sa force, c’est son unité, et tout ce qui la divise l’affaiblit.

Cette unité, Josaphat a compris qu’elle ne se manifeste jamais mieux que dans la célébration, autour de la liturgie.

Quant à nous, sommes-nous conscients que lors du culte la liturgie nous rassemble en Eglise ? Dans la société française, les chrétiens sont de moins en moins nombreux et ont de moins en moins de poids, mais ce texte nous encourage, parce qu’il nous montre que la force ne dépend pas des conditions matérielles, mais de la manière dont elle saura s’unir.

Alors, si l’enjeu est aussi important, cela doit nous encourager à porter une attention toute particulière à la liturgie. La liturgie doit faire l’objet d’un soin tout particulier.

Amen

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