Actes 2, 1-11 – Naissance de l’Eglise

 

Pasteur Bernard Mourou

Le baptême de Chloé est pour nous un sujet de joie et de reconnaissance, comme la fête de la Pentecôte que nous célébrons aussi aujourd’hui.

A l’origine, dans le judaïsme, la fête de la Pentecôte ou fête des Semaines, Chavouoth, était une célébration qui, cinquante jours après Pessah, la Pâque, invitait le peuple à se réjouir pour la fertilité des champs.

Par la suite s’est ajouté un rappel de l’alliance que Dieu avait conclue avec son peuple par le don de la Loi à Moïse. Ainsi, Chavouoth venait compléter Pessah, qui célébrait la sortie d’Egypte. Après le rappel de la libération, elle permettait de bien vivre cette nouvelle liberté en l’encadrant par la Loi. 

Comme Chavouoth était une des trois fêtes annuelles de pèlerinage, on peut imaginer beaucoup de monde partout dans Jérusalem.

C’est lors de cette fête que le livre des Actes situe le surgissement du Saint-Esprit, qui constitue formellement la naissance de l’Eglise.

A Jérusalem, pour les pèlerins c’est un jour de fête, mais pas pour les disciples. Après la crucifixion de leur Maître, ils restent entre eux dans ce lieu de repli. On estime qu’ils sont une centaine, un nombre sans commune mesure avec la foule des pèlerins présents à Jérusalem ce jour-là. Ils ont peur et ils n’ont pas le cœur à la fête.

Ce contexte peu favorable va pourtant voir la naissance de cette Eglise, que Chloé par le baptême rejoint aujourd’hui.

Pour parler de cette naissance, Luc convoque deux éléments : le vent et le feu.

Mais, quand on lit le texte attentivement, ce vent et ce feu sont décrits de manière surprenante.

Le vent évoqué ici ne souffle pas horizontalement, mais de haut en bas. Il relie le ciel et la terre. Par-là, Luc met l’accent sur cette relation verticale qui est aussi nécessaire que la relation horizontale et qui nous manque aujourd’hui. Les deux vont ensemble. La qualité de notre relation à Dieu garantit la qualité de notre relation à autrui.

Quant au feu, celui dont il est question ici, il ne dévore pas tout sur son passage, mais il se partage en langues, il s’individualise. L’unité que donne le Saint-Esprit n’est pas synonyme d’uniformité, mais elle fait place à la diversité, comme ce panneau qui reprend notre thème de l’année pour notre paroisse « Tous différents, tous unis ».

Luc nous fait comprendre que la fête de la Pentecôte, cette année-là, déborde le pèlerinage traditionnel. C’est un nouveau commencement. Jusque-là le peuple avait la Loi de Dieu, désormais il a son Esprit.

Le récit met tout en œuvre pour montrer qu’il s’agit d’un événement exceptionnel. Ici, nous sommes loin de l’expérience du prophète Elie dans la grotte, dans le Premier livre des Rois.

Nous n’avons pas affaire à un face à face discret et intimiste avec Dieu, à une expérience mystique, mais à un événement qui doit marquer les imaginations pour égaler le don de la Loi à Moïse sur le Sinaï, qui s’était accompagné des éclairs et du tonnerre. La scène était si impressionnante que dans le camp en bas de la montagne, le peuple tremblait de peur.

Si l’on oublie que ce spectacle son et lumière n’est là que pour concurrencer le don de la Loi à Moïse sur le Sinaï, on risque de faire un contresens.

Le Saint-Esprit intervient dans le croyant avec une grande discrétion et dans l’intériorité. Il révèle ce qui est déjà déposé en nous en nous faisant nous ressouvenir de tout ce qui est important. Il fait une œuvre de clarification, en mettant à profit le temps et avec la plus grande discrétion.

Si l’on parle moins du Saint-Esprit que des deux autres personnes de la Trinité, c’est parce qu’on ne peut saisir que ses effets.

Ici, le vent et le feu du Saint-Esprit ne provoquent aucune destruction, ils ne détruisent que le mur des langues, la barrière d’incompréhension qui sépare les humains.

Et nous savons que ce ne sont pas seulement les étrangers que nous avons du mal à comprendre, mais souvent notre voisin, notre collègue de travail, notre frère ou notre sœur dans la foi, notre conjoint, notre enfant, parce que même si nous parlons la même langue, nous donnons souvent aux mêmes mots des significations différentes et nous avons notre propre grille de lecture.

Le Saint-Esprit est présent lorsque chacun exprime dans sa propre langue, c’est-à-dire à sa manière, l’amour de Dieu. Nous avons besoin des autres pour qu’ils nous parlent des facettes de Dieu qui nous ont échappé. Les autres nous évitent de nous enfermer en nous-mêmes.

L’autre effet du Saint-Esprit, c’est que ce jour-là, trois mille personnes se joignent aux disciples et sont baptisées. Le nombre des disciples été multiplié par trente : il est passé de cent à trois mille. Et le mouvement ne s’arrêtera plus. Depuis ce jour, l’Eglise n’a cessé de croître de par le monde.

Oui, il s’en est passé des choses dans l’histoire de l’Eglise, depuis ce moment où une centaine de disciples restaient ensemble dans la peur, jusqu’aux foules innombrables qu’elle rassemble aujourd’hui.

Et en ce dimanche de Pentecôte, deux mille ans après la première Pentecôte, Chloé entre par son baptême dans cette grande chaîne de témoins qui la relie à l’Eglise universelle. L’Esprit Saint l’aidera, et aidera chacun d’entre nous, à vivre sa vie chrétienne et à entretenir des relations harmonieuses avec les autres.

Amen

 

 

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