Apocalypse 22, 12-20 – Voici que je viens sans tarder

 

Pasteur Bernard Mourou

Depuis que nous avons commencé à nous pencher sur l’Apocalypse, nous avons constaté que ces textes faisaient une alterner la vue et la parole, les visions et les voix entendues.

Dimanche dernier le texte mettait sous nos yeux la vision de la Jérusalem céleste. A l’inverse, notre passage nous fait seulement entendre une voix, une parole.

L’origine de cette voix n’est pas tout de suite dévoilée. Au début de notre passage, elle reste mystérieuse. Le texte évoque une voix, sans autres précisions.

Serait-ce un ange, comme dans d’autres passages. 

C’est au fil du texte que nous apprenons qui parle. Cette voix vient de celui qui se présente comme l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Il ne s’agit donc pas d’un ange, mais du Christ lui-même.

Nous tenons là une des clefs de l’Apocalypse : ce livre ne nous parle pas des événements qui doivent advenir, comme on le croit trop souvent, mais du Christ et de son dévoilement déjà dans notre monde.

Que dit-elle, cette parole ?

Le but premier de ce livre, nous l’avons vu, c’est de réconforter des chrétiens aux prises avec des situations difficiles. Dans cette logique, notre passage commence par cette affirmation pleine d’espérance : Voici que je viens sans tarder.

Cette parole prend donc les allures d’une promesse. Et pour en montrer toute l’importance, notre auteur la répétera une seconde fois, à la fin de notre passage. Elle encadre ainsi l’ensemble de notre passage.

Voici que je viens sans tarder.

Deux mille ans plus tard, comment interpréter cette indication temporelle ?

Voici que je viens sans tarder.

En fait, dans nos vies nous constatons que le Christ est déjà là tout en n’y étant pas complètement. C’est par les yeux de la foi que nous le voyons. Pour le dire autrement, nous vivons entre ce qui est déjà là et ce qui n’est pas encore là.

Mais ce texte soulève encore d’autres questions.

Que penser de l’attente ? Est-ce finalement une attitude si positive, comme notre texte semble nous le laisser comprendre ? Attendre, n’est-pas passer à côté de la vie ?

Une autre question est celle de la rétribution.

J’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait.

La notion de salaire est-il compatible avec celle de la grâce gratuite, à laquelle nous sommes tous attachés ? Avons-nous affaire ici à un retour à la théologie des œuvres, comme Luther n’était pas loin de le penser ?

En fait, lorsque nous lisons l’Apocalypse, nous devons toujours éviter d’isoler, d’absolutiser un seul élément, sans tenir compte de tous les autres. Dans ce livre, aucun passage ne peut être pris isolément au détriment des autres. Tous les tableaux qu’il nous propose sont relatifs. Ils s’équilibrent mutuellement. Aucun n’est à même de rendre compte à lui seul d’une réalité qui échappera toujours au langage.

Quand le Christ se présente comme l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin, il se situe hors du temps. Et dans la mesure où le temps fait partie de la création, au même titre que l’espace, il se situe aussi hors de la création.

C’est une manière de dire qu’il est aussi Dieu et pas seulement homme.

L’affirmation d’un Christ à la fois pleinement Dieu et pleinement homme a toujours été la marque de l’orthodoxie chrétienne.

Au contraire des hérésies qui penchaient soit d’un côté soit de l’autre, insistant tour à tour sur la divinité du Christ ou sur son humanité, l’orthodoxie chrétienne a toujours cherché à garder cette position d’équilibre, à tenir ensemble ces deux affirmations opposées.

Tenir ensemble des affirmations extrêmes, c’est ce qui caractérise tout particulièrement le christianisme. Ainsi, un peu plus loin dans notre texte, le Christ sera présenté comme le descendant de David et l’étoile du matin, une manière de mettre ensemble un passé glorieux et une aube nouvelle porteuse de lumière et d’espérance.

Cette espérance repose sur le fait que le Christ redonne à l’être humain l’accès à l’arbre de la vie, dont Adam et Eve, dans le livre de la Genèse, avaient été privés après avoir mangé le fruit de l’arbre interdit.

Après la promesse que le Christ viendra sans tarder, notre passage se termine par cette injonction : Viens, Seigneur Jésus.

Elle rappelle notre aspiration profonde à une autre vie. Notre attente n’est donc pas passive : elle met en jeu notre volonté.

Viens, Seigneur Jésus ! Cette expression traduit une expression araméenne bien connue parce qu’elle est restée dans la liturgie de nos Eglise : Maranatha !

Dieu, désigné par l’Esprit, et l’Eglise, désignée par l’épouse, s’attirent mutuellement, de sorte que chacun dit Viens ! Par cette rencontre désirée avec ferveur, toute personne qui a soif de la vraie vie la recevra de Dieu.

Amen

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