Apocalypse 7, 9-17 – Une foule immense

 

Pasteur Bernard Mourou

Comme les passages des dimanches précédents, cet extrait convoque la vue et l’ouïe, en ce sens qu’il fait intervenir à la fois une vision et l’écoute d’une voix, celle d’un Ancien, c’est-à-dire d’un personnage qui peut faire penser aux responsables entourant l’évêque lors de certains offices.

Dans ce passage, il est question d’une grande foule.

A un moment ou un autre, il vous est probablement arrivé de participer à un important rassemblement chrétien. Certains d’entre nous ont participé au grand rassemblement régional l’année dernière à la Castille près de Toulon.

De tels événements dynamisent la foi, surtout si nous la vivons au quotidien dans une petite paroisse.

Les effets du grand nombre retentissaient sur les chrétiens du premier siècle de la même manière que sur nous aujourd’hui, d’autant plus qu’ils subissaient des persécutions.

C’est pourquoi notre passage brosse le tableau d’une foule si nombreuse qu’elle est impossible à compter, une foule cosmopolite, dans laquelle tous les peuples ont trouvé leur place.

L’Eglise se caractérise par son caractère universel. Nous le rappelons chaque fois que nous confessons notre foi et que nous disons : Nous croyons l’Eglise universelle. Les premiers chrétiens utilisaient le mot catholique, mais comme il a fini par désigner l’Eglise romaine nous lui préférons aujourd’hui ce terme universel.

Ce caractère d’universalité parcourt tout le livre de l’Apocalypse.

Ce n’est plus cette vaine tentative de construire la tour de Babel, symbole de l’uniformité qui naît d’une langue et d’une culture uniques, mais c’est la naissance d’une nouvelle société, qui fait droit à la différence et à la diversité.

C’est pourquoi notre paroisse a choisi comme thème de cette année « Tous différents, tous unis » et l’a illustré par ce panneau que vous voyez dans le temple. Aujourd’hui, dans tous les pays du monde, l’Eglise prend le visage des divers peuples. Chacun d’eux inscrit la foi dans sa propre culture. A ce propos, nous allons bientôt avoir une conférence et une exposition sur la manière dont les Kanaks ont inscrit le christianisme dans leur propre culture.

Cette universalité de l’Eglise permet ce que nous appelons la communion des saints, c’est-à-dire le fait que, par la foi, nous sommes en communion avec les chrétiens de toutes les régions du monde, mais aussi de toutes les époques, qu’elles soient passées ou à venir. Ainsi, la communion des saints fait tenir ensemble l’espace et le temps, les deux dimensions de la création.

Dans nos petites paroisses, nous trouvons un encouragement et un réconfort dans cette idée que nous sommes en communion spirituelle avec l’ensemble de l’Eglise, sans acception de lieu ou de temps. A une époque où l’on cherche à créer de nouvelles frontières pour enfermer de nouveau les peuples, cet article de foi nous rappelle qu’en tant qu’Eglise, nous n’avons pas à être à être influencés par les travers de l’endroit ou du temps dans lequel nous vivons.

Dans les passages précédents nous avions vu que l’Apocalypse réservait aux vêtements une attention particulière. Comme les autres détails retenus dans ce livre, ils ont une valeur symbolique.

Devant le trône, les gens qui constituent cette foule portent des robes blanches. Elles évoquent les robes de baptême. Elles symbolisent la pureté que procure le sacrifice de l’Agneau.

Ces gens témoignent de leur respect en étant debout devant le trône et en tenant à la main des palmes. Elles renvoient à la liturgie. Elles rappellent la fête juive des Tentes et, en prolongement, la fête chrétienne des Rameaux. Au moment où le peuple acclamait Jésus qui entrait à Jérusalem, il ne savait pas qu’il accueillait un futur crucifié. Maintenant c’est différent : cette foule en a pleinement conscience, il n’y a donc plus de malentendu.

Les gens qui constituent cette foule ont entre eux un point commun : ils ont subi la grande épreuve et ils ont été plus fort : Ceux-là viennent de la grande épreuve, ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau, ils ont triomphé.

Quelle est cette grande épreuve ?

Est-ce l’épreuve de la vie, celle que nous traversons tous ? Est-ce une épreuve particulière ?

Il est difficile de répondre à cette question. Mais en tous cas il faut garder à l’esprit que l’Apocalypse a été écrite dans une période troublée pour les chrétiens habitant cette province d’Asie. Comme toute apocalypse, ce livre vise d’abord à réconforter ceux auxquels il est adressé.

En tous cas, ce qui est sûr, c’est que toute épreuve est maintenant arrivée à son terme et que les souffrances ont définitivement disparu. Ceux qui ont survécu ne subiront plus ni la faim ni la soif ni la chaleur du soleil. Plus rien désormais ne les accablera. Ils ne pleureront plus. Le dernier verset de notre passage reprend une phrase qui figure dans le livre d’Esaïe : Dieu essuiera toute larme de leurs yeux[1].

Comme ils sont sortis victorieux de cette grande épreuve, ils ont maintenant le privilège de servir Dieu et de rester dans sa présence.

Ils accéderont ainsi aux sources de la vie. Ils y seront conduit par l’Agneau, qui dans un renversement paradoxal est devenu berger. Il se tient au milieu du trône, si bien qu’il se confond avec celui qui siège sur ce trône. Comme dans le texte de dimanche dernier, nous avons affaire ici à un Christ en majesté.

Choisis la vie ! Cette injonction du Deutéronome est le fil conducteur de toute la Bible. Pour Maurice Bellet, la foi consiste à rester du côté de la vie et des vivants. Ce passage de l’Apocalypse nous rappelle que nous sommes invités, en toutes circonstances,  à faire le choix de la vie.

Amen

 

 

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