Apocalypse 1, 9-19 – Comme un fils d’homme

 

Pasteur Bernard Mourou

Entre la fête de Pâques et celle de Pentecôte, la liturgie nous propose chaque dimanche un passage de l’Apocalypse.

Les textes retenus constituent une bonne introduction à ce livre. Pendant les prochains dimanches, nous nous pencherons donc chaque fois le texte de l’Apocalypse. Au terme de cette période, les six prédications seront réunies dans un livret. Vous en aurez donc l’intégralité.

D’ordinaire, on prêche rarement sur le livre de l’Apocalypse. Il y a plusieurs raisons à cela.

D’abord il se prête mal à la prédication. Les thèmes sont toujours imbriqués les uns dans les autres. Rien dans ce livre ne peut être pris isolément. Tout est interdépendant.

L’autre difficulté, c’est qu’une apocalypse fait se succéder des chiffres, des couleurs, des animaux, des personnages pour le symbole qu’ils représentent, sans se soucier de la cohérence de toutes ces images. Il nous revient de ne pas prendre ces tableaux au pied de la lettre, mais de les retraduire en idées. Une lecture littérale de ce livre serait encore plus dommageable que pour les autres textes bibliques.

Le genre apocalyptique est né dans le judaïsme. On en trouve déjà des traces dans le Premier Testament, par exemple dans les livres d’Ezéchiel, de Zacharie, et surtout de Daniel.

Le Nouveau Testament, pour sa part, ne compte qu’une apocalypse et c’est celle-ci. Elle provient des communautés johanniques.

De son auteur, qui de manière tout à fait logique se donne le nom de Jean, on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il représente la province d’Asie, un territoire situé dans la partie occidentale de l’Asie mineure, c’est-à-dire de la Turquie actuelle. Cette région a pour métropole la ville d’Ephèse, qui est une des sept villes auxquelles vont être adressées les lettres de l’Apocalypse.

En cette fin du premier siècle, la persécution s’est abattue sur cette province d’Asie et Jean a été exilé dans une petite île aujourd’hui en Grèce, Patmos, à une cinquantaine de kilomètres des côtes.

Si Jean partage sa détresse avec la communauté chrétienne, il partage aussi avec elle la royauté spirituelle du Christ, qu’il relie à la persévérance.

Il commence par rendre compte d’une extase qu’il a vécue le jour du Seigneur, c’est-à-dire un dimanche, le jour où la communauté chrétienne se rassemble pour célébrer l’eucharistie et la résurrection.  

A ce moment-là, bien que reclus sur cette petite île de Patmos, Jean est donc en communion avec toute la communauté chrétienne qu’il représente.

Dans un premier temps, il n’a pas de vision, mais il entend derrière lui une parole, prononcée d’une voix forte, pareille au son d’une trompette.

La trompette était utilisée dans le culte juif : il s’agit en fait du shofar, qui annonçait la venue du seigneur. Cette voix qui rappelle cet instrument puissant transmet une parole destinée aux communautés chrétiennes d’Ephèse, de Smyrne, de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie et de Laodicée, sept villes de cette province appelée l’Asie. Le chiffre sept met l’accent sur leur dimension universelle.

Comme cette voix vient de derrière lui, Jean se retourne et c’est seulement maintenant qu’il a une vision.

Il voit sept chandeliers d’or, qui évoquent deux choses : une réalité depuis une trentaine d’années appartient au passé, le Temple de Jérusalem, éclairé nuit et jour par un seul chandelier d’or, et une réalité nouvelle, les sept villes d’Asie, chacune éclairée par le Saint-Esprit.

Ce tableau reprend la tradition en la transformant, ce qui est le propre de toute transmission. Comme le Temple à Jérusalem, maintenant cette présence divine se manifeste dans chacune de ces villes de moindre importance. La présence divine s’est multipliée et atteint désormais l’universalité par le symbolisme du chiffre sept.

Avec ces sept chandeliers, l’auteur voit cet être qui ressemble à un fils d’homme. Pour en parler, il évite une formule qui serait trop limitative : cet être n’est pas un fils d’homme, il ressemble à un fils d’homme.

Si dans l’Apocalypse toutes les visions ont ce caractère approximatif, c’est parce que le langage reste insuffisant pour parler des réalités célestes et que seule leur multiplicité va permettre de l’évoquer. C’est pourquoi on ne peut pas représenter les scènes de l’Apocalypse sans trahir son message. Ce livre est irreprésentable sur le plan iconographique.

Trois caractéristiques distinguent cet être hors du commun :

  • la pureté (cette blancheur immaculée de la neige),
  • l’intensité (la flamme ardente et le soleil dans toute sa puissance)
  • la justice (l’épée acérée à double tranchant).

Sa longue tunique, d’une seule pièce, et sa ceinture d’or, sont des attributs sacerdotaux. Cet être d’exception reprend donc l’héritage du grand-prêtre qui officiait dans le Temple.

Devant cette manifestation du sacré, Jean est saisi de d’effroi. Il tombe alors à ses pieds, comme mort.

Mais lui, comme Jésus le faisait avec ses disciples, il lui adresse cette parole rassurante : Ne crains pas.

Car à côté de tous ces attributs qui évoquent la divinité, l’expression fils d’homme rappelle l’humanité. Celui qui se présente comme le premier et le dernier, ou l’alpha et l’oméga dont ce livre fait trois fois mention, évoque bien sûr la personne de Jésus, qui allie divinité et humanité.

Sa parole met d’ailleurs l’accent sur sa résurrection : J’étais mort et me voilà vivant pour les siècles des siècles. Je détiens les clefs de la mort et du séjour des morts.

Cet extrait de l’Apocalypse évoque donc clairement la résurrection et correspond parfaitement à la fête de Pâques rappelée chaque dimanche, et notamment tous les dimanches de Pâques jusqu’à la fête de Pentecôte.

Amen

 

 

Contact