Jean 6, 1-15 – Le quatrième signe

  Pasteur Bernard Mourou

Dimanche dernier, le texte de l’Evangile nous montrait Jésus qui répondait à la soif spirituelle de la foule venue à lui, en l’enseignant.

Le texte d’aujourd’hui met de nouveau en scène cette foule qui a fait passer les biens spirituels avant les biens matériels.

Dans les évangiles, la foule est rarement vue sous un jour positif. Cela n’apparaîtra jamais plus nettement qu’à Jérusalem, lorsqu’elle demandera à Pilate l’exécution de Jésus.

Mais ici ce n’est pas le cas : cette foule fait preuve d’une attitude remarquable. Après que Jésus et ses disciples ont traversé le lac de Galilée et se sont réfugiés sur une montagne, ces gens venus de loin ont escaladé eux aussi les pentes escarpées et ils se sont rassemblés autour de Jésus. Ils ont déployé toute cette énergie simplement parce qu’ils cherchaient les biens spirituels.

Ils ont écouté l’enseignement de Jésus, mais maintenant, la nuit va tomber. Ces gens sont loin de chez eux et ils n’ont quasiment rien à manger : Philippe constate que nourrir une telle foule est impossible. André recense pour toutes provisions seulement les cinq pains d’orge et les deux poissons d’un jeune garçon. Et il s’écrie : Qu’est-ce que cela pour tant de monde ?

Jésus ne va pas abandonner ces gens qui se sont mis dans une situation délicate pour une bonne cause : après avoir pourvu à leurs besoins spirituels, il va maintenant pourvoir à leurs besoins matériels.

Prendre de la nourriture est à la fois une source de plaisir et une nécessité vitale. Le thème de la nourriture et des repas traverse toutes les Ecritures.

En France, où l’art de la table est une fierté nationale, nous savons que le repas n’est pas seulement un moyen de se sustenter, mais qu’il est la plus belle manière d’être ensemble. Il symbolise la vie : la vie qui nous est donnée par la nourriture, et la vie qui naît de la convivialité entretenue par la conversation.

Ici, le repas va rassembler un très grand nombre de gens et, comme tout repas, il va créer cette communion entre toutes ces personnes animées d’une même soif.

Avant le repas, ainsi que les juifs avaient coutume de le faire, Jésus prie : il remercie  son Père pour la nourriture.

Et alors il se produit quelque chose d’inattendu : avec les cinq pains et les deux poissons du jeune garçon, tous ces gens peuvent manger à satiété, et il y a même des restes : 12 paniers !

Le récit nous fait passer sans transition d’une action de grâce habituelle à un repas copieux inattendu, sans que nous sachions exactement comment les choses se passent.

C’est Jésus qui est à l’initiative de tout, les disciples ne font ici absolument rien, ils restent au second plan. L’être humain n’est qu’un intermédiaire, il n’est pas en mesure de donner une nourriture spirituelle : seul le Christ peut le faire.

Alors que les évangiles synoptiques parlent de miracles, l’évangile de Jean utilise le mot « signes ». La multiplication des pains est le 4e signe dans cet évangile qui en compte 8.

Un signe a une signification. Il est destiné à nous faire comprendre quelque chose. Il parle d’une réalité matérielle – les cinq pains et les deux poissons – qui nous fait comprendre une réalité spirituelle.

En tant que signe, la multiplication des pains n’est pas seulement un miracle parmi d’autres : elle annonce ces rencontres hebdomadaires des premiers chrétiens, le jour de la Résurrection, le dimanche, autour d’un repas fraternel.

Ces repas prendront rapidement, comme en atteste la Première épître de Paul aux Corinthiens, un sens purement sacramentel, en devenant ce que nous connaissons aujourd’hui comme la Sainte-Cène : le seul partage du pain et du vin.

Oui, dimanche après dimanche, le sacrement de la sainte Cène perpétue pour nous le signe que constitue la multiplication des pains. Il ne s’agit plus s’une nourriture matérielle, mais d’une nourriture spirituelle. C’est pourquoi nous ne mangeons pas un véritable repas, mais seulement un morceau de pain et que nous ne buvons seulement une gorgée de vin.

Dans un monde qui se focalise de plus en plus sur les questions matérielles, la nourriture spirituelle de la Sainte-Cène nous est particulièrement nécessaire.

Un sacrement, par l’intermédiaire d’éléments matériels, parle des choses spirituelles. C’est pourquoi il doit faire l’objet du plus grand soin. Le choix des objets et leur disposition nous parleront alors de beauté et de dignité.

Ce 4e signe de l’évangile selon Jean est de la plus grande importance : il renvoie à ce qui est devenu pour nous un sacrement.

La sainte Cène que nous allons partager tout à l’heure est un signe aussi grand que la multiplication des pains, et même plus grand, parce la multiplication des pains a conduit la foule à reconnaître Jésus comme un prophète, mais la Sainte-Cène nous le fait reconnaître dans toute sa divinité, comme Fils de Dieu.

Au fil des jours, la Sainte-Cène soutient notre foi. Par le pain et le vin, dimanche après dimanche, elle nous rappelle que la véritable nourriture est d’abord spirituelle.

Tout à l’heure, c’est cette riche symbolique du repas qui nous rassemblera dans une communion avec Dieu et avec les autres.

Amen

 

 

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