Jean 6, 41-51 – Récriminations

 

Pasteur Bernard Mourou

Il n’est pas donné à tout le monde de croire. Nous sommes parfois pris par le doute, car la marche du monde et nos vies elles-mêmes nos vies ne sont pas exemptes de difficultés.

Les difficultés, les Israélites en font l’expérience dans le désert. Ils ont quitté l’Egypte dans la joie, mais très vite ils rencontrent les difficultés propres au désert, au point qu’ils regrettent leur vie d’avant, quand ils vivaient dans l’esclavage avant leur exode. Dans cette traversée périlleuse, Dieu ne les abandonne pas, il leur donne la manne. Mais les Israélites la trouvent vite insipide. Ils trouvent que rien ne va et ils récriminent contre Dieu.

Le prophète Elie, dans notre premier texte, fait la même expérience lorsqu’il est confronté lui aussi aux difficultés du désert. Fatigué du chemin et de la solitude, comme les Israélites il finit par récriminer en prononçant cette prière pleine de désespoir : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères ! »

Et cette difficulté de croire n’épargne les contemporains de Jésus. Pourtant, ils  l’ont sous les yeux, ils peuvent lui parler, ils voient les miracles qu’il fait, que notre évangéliste appelle des signes.

Pourquoi même les contemporains de Jésus rencontrent-ils cette difficulté ?

Eh bien, leur problème, c’est justement qu’ils le connaissaient trop bien, ou du moins qu’ils croient le connaître.

Tout le monde, dans la région de Nazareth, l’a côtoyé et a côtoyé sa famille, à commencer par son père Joseph. Joseph est le charpentier du lieu. Le charpentier est un personnage incontournable : c’est à lui qu’on fait appelle chaque fois que l’on veut construire une maison.

Jusque-là, ces gens ont fait appel aux services de Joseph. Ils imaginent que Jésus va prendre sa relève.

Ils l’ont connu dans son humanité pendant une trentaine d’années. Vont-ils pouvoir découvrir qui il est vraiment ? Vont-ils  pouvoir le reconnaître maintenant dans sa divinité ?

Ils ont entendu récemment parler de ces signes : les guérisons et les miracles qu’il opère partout où il passe. Mais ces gens jugent d’après les apparences. Pour eux Jésus est le fils du charpentier, pas le Fils de Dieu. Il est celui qu’ils ont côtoyé pendant une trentaine d’années.

Leur vision superficielle les empêche de voir qui est vraiment Jésus.

Dans ces conditions, Jésus peut-il encore leur dire quelque chose de neuf ?

Alors quand il affirme : je suis le pain qui est descendu du ciel, ils ne comprennent tout simplement pas le sens de ses paroles. Dans leur propension à tout niveler, ils sont incapables de reconnaître sa différence.

Ils sont devant une énigme : l’écart entre la familiarité qu’ils éprouvent à son égard en raison des trente années passées dans sa présence, et la nouveauté radicale de son message.

Ils auraient pu voir que Jésus était certes l’un d’entre eux, mais qu’il montrait avec ses miracles et ses guérisons des signes qui renvoyaient à une réalité différente. Mais par le simple fait qu’il est l’un des leurs, il est disqualifié.

Jésus le comprend et il remet les choses au point : Ne récriminez pas entre vous !

Ces gens veulent rester dans cet entre-soi où ils ne seront pas remis en question. Ils se ferment et refusent ce que Jésus pourrait leur apporter. Ce n’est pas ainsi qu’ils peuvent parvenir à la foi.

Jésus ne répond pas directement à leurs objections, mais il les invite à entrer dans une démarche de foi.

Il n’est pas donné à tout le monde de croire. Qu’est-ce qui fait la différence entre les uns et les autres ? Qu’est-ce qui fait que les uns croient et les autres pas ?

C’est là que Jésus amorce une tentative d’explication, en citant un passage des Ecritures : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même

Instruit par Dieu lui-même. Vraiment ? Mais comment cela se passe-t-il ?Regardons les derniers mots de notre passage : Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde.

L’évangéliste fait bien sûr allusion ici à la Sainte-Cène, la commémoration du dernier repas de Jésus avec ses disciples, qui était célébrée depuis plusieurs décennies comme un sacrement à part entière lorsque cet évangile a été rédigé.

Oui, c’est la Sainte-Cène qui va jouer ce rôle de rappel : le rappel de ce que Jésus a fait, sa mort sur la croix qui a permis le don du Saint-Esprit.

Nul ne peut venir à Jésus si le Père ne l’attire vers lui.

La foi n’est pas le résultat d’efforts pour se rapprocher de Dieu, que ce soit par une spéculation sur les questions spirituelles ou par une obéissance scrupuleuse à la Loi.

La foi n’est rien d’autre qu’une réponse de l’être humain à l’initiative de Dieu.

Nous le voyons, c’est on-ne-peut plus simple, et pourtant, cela ne semble pas à la portée de tous, puisque ceux qui étaient le plus proches de Jésus, ceux qui l’avaient côtoyé, sont passés à côté.

Quant à nous, nous sommes au bénéfice de cette promesse : Le pain qui descend du ciel est tel 
que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. 

Amen

 

 

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