Luc 2, 15-20 – Mémoire et spiritualité

 

Pasteur Bernard Mourou

Nous voici déjà parvenus à la fin de l’année. C’est un temps qui nous incite à la fois à regarder derrière nous, pour faire le bilan, et devant nous, pour élaborer de nouveaux projets et écrire la suite de notre histoire, que ce soit sur le plan personnel ou sur le plan communautaire.

Dehors, la nuit est tombée. C’est la nuit de Noël. Au plus profond de l’hiver, la nuit donne à ce culte de Noël le caractère d’une veillée.

Il règne la nuit une ambiance particulière qui est propice aux songes et aux rêves. Elle favorise l’intériorité et la méditation.

C’est le moment où les artistes leur plus grande inspiration. Certaines professions continuent aussi d’être exercées la nuit. C’est le cas pour le métier de berger, car les bêtes ont besoin de protection à tout moment.

Les bergers devaient se plier à ces contraintes et ne pouvaient pas toujours participer pleinement à la vie cultuelle. Pourtant, les bergers de notre texte ont suffisamment de connaissances religieuses pour savoir que la ville de David, c’est Bethléem, et ils sont les premiers à trouver le Nouveau-né.

Marie comprend que leurs paroles auront un impact sur sa vie. Elle se souvient de ce que les bergers lui ont dit, comme le prophète Samuel, qui ne laissait tomber à terre aucune parole venue de Dieu.

La mémoire permet la vie de l’âme. Elle joue un rôle majeur dans la spiritualité.

Marie l’a bien compris. En faisant appel à sa mémoire pour conserver ce qui sera essentiel pour elle, elle fait preuve, malgré son jeune âge, d’une grande maturité.

Elle avait déjà montré que sa qualité principale était cette faculté d’accueil.

Marie a accueilli la visite de l’ange Gabriel, qui lui annonçait qu’elle enfanterait de manière surnaturelle le Fils du Très-Haut. Ici, elle garde cette même habitude en se souvenant des paroles qui compteront pour elle. Et quand Jésus, à douze ans, disparaîtra dans le Temple de Jérusalem, Marie adoptera encore une fois la même attitude : elle gardera ces choses dans son cœur. Cette attitude d’accueil est devenue naturelle pour elle.

Nous les protestants, nous mettons l’accent sur le fait que Dieu est toujours premier, alors nous pourrions nous intéresser davantage à elle.

Notre mémoire joue un rôle essentiel pour notre vie spirituelle. Elle nous donne notre identité. Elle est l’instrument que le Saint-Esprit utilise pour faire parler en nous les Ecritures. Elle opère en nous un travail de discernement en laissant de côté certains souvenirs et en en maintenant d’autres, selon des lois mystérieuses. 

Cette importance de la mémoire a été soulignée par la philosophe Hannah Arendt : elle disait que la profondeur ne pouvait être atteinte par l’homme autrement que par le souvenir.

Pour Marie, c’est une réalité. Dans notre texte, elle garde toutes les paroles des bergers dans sa mémoire et elle les repasse dans son cœur. Elle a vécu un événement aux conséquences vertigineuses. Ces paroles sont précieuses et elle veut se familiariser avec elles.

Plus nous avons une longue vie derrière nous, plus la mémoire devient un privilège qui enrichit notre présent.

Le peintre Balthus disait que la mémoire, c’était le temps vaincu et effectivement, notre mémoire supprime les effets du temps en nous permettant de revivre dans le présent des événements du passé. En cela, elle nous fait entrer dans la dimension de l’éternité.

C’est pourquoi saint Augustin disait que la mémoire était un sanctuaire, c’est-à-dire un lieu que Dieu habite.

Marie a bien compris cette réalité et son attitude est susceptible de nous inspirer.

Nous aussi, nous entendons parfois des paroles précieuses pour nos existences. Comme Marie, nous pouvons les garder dans notre mémoire et nous familiariser avec elles en les repassant dans notre cœur.

Alors, pour bien commencer l’année 2019, pourquoi ne pas faire comme elle et recourir à notre mémoire repasser dans nos cœurs ce qu’elle a gardé du passé ?

Et si la foi, plutôt que de perdre notre temps et notre énergie avec des soucis inutiles, c’était simplement savoir où diriger notre attention pour discerner ce qui va pouvoir donner un sens à nos existences ?

En cette fin d’année, nous pouvons nous remémorer les événements qui l’ont marquée, puis nous tourner résolument vers l’avenir. Nous ne partons pas de zéro : notre histoire nous suit, mais que nous l’aimions ou non, c’est elle qui nous donne notre identité. Grâce à elle, nous pourrons construire notre avenir avec Dieu.

Amen

 

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