Luc 2, 22-40 – Syméon et Anne

 

Pasteur Bernard Mourou

Dans l’évangile selon Luc, les premiers à reconnaître dans l’Enfant Jésus le Christ ne manquent pas de nous surprendre. Ce ne sont pas des religieux, mais en premier lieu des bergers, et puis maintenant deux vieillards : Syméon et Anne.

Avec les bergers, la Nativité a eu pour cadre un lieu périphérique : une crèche dans la campagne. Mais maintenant, avec Syméon et Anne la scène se déroule directement dans le haut-lieu de la vie religieuse juive, dans le Temple de Jérusalem.

Cet évangile se réfère souvent à ce lieu emblématique du judaïsme qui, rappelons-le, au moment de la rédaction, a disparu depuis une bonne dizaine d’années. Après la Passion, cette institution jouera encore un rôle central dans les récits qui évoquent la naissance de l’Eglise. En fait, le Temple est vu comme un lieu de départ, comme un tremplin pour la nouveauté qui va suivre.

Mais pour l’heure, dans ce récit nous sommes encore sous l’ancienne alliance, qui demande aux parents de tout premier-né de le racheter par un sacrifice au Temple.

C’est ce qui se passe dans notre récit : les parents de Jésus se conforment complètement aux prescriptions de la Loi.  Marie offre pour jésus un couple de tourterelles. C’est l’offrande des pauvres. Les plus riches offraient un agneau. Mais Jésus est déjà présenté comme l’agneau de Dieu qui rachètera Israël, alors ce serait redondant.

Ils vont même au-delà de ce que la Loi demande : non seulement ils offrent le sacrifice, mais ils amènent Jésus au Temple, ce qui n’était pas une obligation.

Contrairement aux bergers, Syméon et Anne sont donc complètement impliqués dans la vie religieuse et ils font preuve d’une remarquable ferveur religieuse.

Toute leur vie se concentre sur le Temple. Comme les parents de Jésus ou ceux de Jean-Baptiste, ils respectent fidèlement la tradition juive.

Que ce soient Syméon et Anne, ou Marie et Joseph, tous les protagonistes s’avèrent donc extrêmement zélés. Ils assurent ainsi la transition entre le monde de l’ancienne et celui de la nouvelle alliance. Dans le récit de Luc, Jésus est donné à voir dans le cœur de la vie religieuse juive.

Ce n’est pas par hasard si ces deux vieillards reconnaissent dans l’Enfant Jésus le Christ. Arrivés au terme de leur existence terrestre, ils ont encore une espérance : ils attendent un avenir meilleur pour leur peuple. Ceux qui ont une longue expérience de vie sont plus attentifs à ce qui peut survenir.

Le propre de l’attente, c’est qu’il ne se passe rien. Et alors l’espérance laisse parfois la place à la résignation. Mais au long des années l’espérance n’a jamais abandonné Syméon et Anne. Grâce à leur confiance, ils comprennent, au moment opportun, ce qui est en train d’arriver et ils reconnaissent le Christ.

Il ne s’agit pas ici d’une attente béate. Certes la prophétie de Syméon dévoile cette lumière qui se révèlera aux nations et donnera sa gloire, mais elle ne passe pas sous silence les difficultés à venir : le fait que l’Enfant sera un signe de contradiction, et que Marie ne sera pas exempte de souffrances.

Syméon comprend ce qui va se passer. Le Messie que le peuple attend ne fera pas l’unanimité. Il suscitera l’enthousiasme des uns, mais aussi l’opposition des autres.

Le pays ne pourra donc pas être uni sous l’autorité d’un chef incontesté, mais connaîtra la division. Une ère nouvelle est sur le point de commencer, dans laquelle l’espérance aura toujours sa place, parce que tout ne sera pas encore réalisé.

Cette espérance dépourvue d’illusions, annonce toute la suite. Jésus concentrera sur sa personne tous les enthousiasmes et toutes les oppositions. C’est ce que les évangiles appellent le jugement : tous ceux qui l’entendront seront amenés à se déterminer par rapport à lui.

Eh bien c’est un grand honneur qui est fait à Syméon et Anne, car ce jugement commence le jour où Jésus est présenté dans le Temple de Jérusalem.

Nous pensons parfois que les jeunes sont plus qualifiés que les aînés sur les questions d’avenir. Ce texte nous dit exactement le contraire : la maturité spirituelle de Syméon et d’Anne leur permet de comprendre ce qui vient.

Il est dommage que les personnes âgées soient de plus en plus déconsidérées. Leur expérience de vie leur donne un atout irremplaçable qui échappe aux jeunes et à tous ceux qui ont prônent le jeunisme. Il est stérile d’opposer les jeunes aux aînés alors que nous pourrions apprendre les uns des autres.

Dans nos Eglises historiques, la moyenne d’âge est plutôt élevée. Pourquoi ne pas voir cet état de fait comme un atout plutôt que de chercher frénétiquement des jeunes. Si certains d’entre eux nous rejoignent, tant mieux, nous nous en réjouirons et nous les accueillerons. Mais peut-être auront-ils besoin de faire d’autres expériences avant de trouver un intérêt dans notre vie d’Eglise.

Aujourd’hui, dans notre récit, l’espérance commence avec cet Enfant et ces deux vieillards qui, grâce à leur piété inscrite dans la vie religieuse juive et dans leur longue expérience de vie, se déterminent clairement par rapport à lui.

Syméon et Anne peuvent encore nous inspirer dans notre vie de foi, dans notre monde où tout n’est pas encore accompli, dans un monde où l’on peut discerner de véritables lueurs d’espoir, des marques d’amour et de solidarité, mais aussi des guerres, des épidémies, des problèmes économiques.

Le Royaume de Dieu n’est pas encore pleinement réalisé : il est à la fois là et pas encore là. Quel que soit notre âge, deux mille ans plus tard, l’expérience de Syméon et d’Anne et la confiance dont ils font preuve peuvent encore nous inspirer.

Amen

 

 

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