Luc 24, 13-35 – Ils le reconnurent

 

Pasteur Bernard Mourou

Deux disciples reviennent de leur pèlerinage de Pâques à Jérusalem. Ils rentrent sans doute chez eux, dans un village qui porte le nom d’Emmaüs, mais qui n’a laissé aucune trace dans l’histoire.

En général, un pèlerinage est une expérience stimulante, surtout celui de Pâques, qui pour les juifs rappelle la sortie d’Egypte. On en revient en général dans une bonne forme spirituelle.

Mais ici, ce n’est pas le cas : comme nous, nos deux disciples sont gagnés par un sentiment de tristesse : leur maître, qui représentait tant pour eux, vient de mourir sur une croix à Jérusalem.

Et les voilà qui rentrent à pied chez eux. Ils ont une dizaine de kilomètres à parcourir, ce qui fait deux heures de marche.

Ils sont deux, comme aux jours où les disciples étaient envoyés en mission par leur maître. Sauf que là, il n’est plus question de mission. Tout ça, c’est bien fini.

Et ils ont peur aussi pour eux : ils peuvent rencontrer la même hostilité que leur maître.

C’est sûr, ils n’ont jamais vécu un retour de pèlerinage aussi triste.

Et pendant ces deux heures de marche, ils ont le temps de discuter, de ressasser les derniers événements. Ils se confient l’un à l’autre leur tristesse, ce qui accentue encore leur détresse.

Cet homme qui était proche des pauvres, des malades et des exclus, ils en avaient fait leur maître et il avait donné un sens à leur vie. Quelques jours plus tôt, tout le monde avait cru qu’il deviendrait le nouveau roi d’Israël. Mais les événements en ont décidé autrement.

Comme nous, ils n’ont jamais vécu une fête de pâques aussi triste.

Ils n’ont maintenant plus aucun espoir. Ils se confient mutuellement leur déception. Ils avaient vu en lui le Messie annoncé par les prophètes, celui qui devait libérer leur peuple des Romains pour inaugurer un règne de paix.

Mais cela ne s’est pas passé ainsi. Le plus triste, c’est qu’il ne s’est même pas défendu, il s’est laissé faire. Ils attendaient un libérateur, et ils ont vu un homme condamné à une mort infâmante, crucifié à coté de deux criminels.

Comme nous, ils n’ont jamais vécu une fête de pâques aussi triste.

Bien sûr, dans leur désespoir, ils repensent aussi à ce que des femmes leur ont dit ce matin-même : que son corps aurait disparu.

Et, pendant qu’ils discutent entre eux, quelqu’un marche à côtés d’eux et entend ce qu’ils disent. 

Mais eux ne se préoccupent pas de lui, ils ne le voient pas, ils ne lui parlent pas : ils se parlent entre eux, ils s’écoutent l’un l’autre.

Ils réfléchissent à tout cela, et puis au bout d’un moment, ils finissent par ne plus rien avoir à se dire et le silence s’installe.

Cet homme prend alors la parole. Il s’adresse à eux. Il leur expose qui il est vraiment. Il le fait en commentant les passages prophétiques des Ecritures. 

C’est une prédication, et elle les touche profondément.

Comme le soir tombe, nos deux disciples veulent faire continuer cette présence. Ils l’invitent à rester avec eux et à partager leur repas.

Lorsqu’il rompt le pain, ils le reconnaissent. Ils ont communié avec lui et leurs yeux se sont ouverts.

Jésus serait-il donc vivant, comme le tombeau vide pouvait le laisser imaginer ?

C’est au moment où cette question les effleure qu’il disparaît de leurs yeux.

Alors maintenant, pourquoi ne retourneraient-ils pas à Jérusalem ? Ne vaut-il pas mieux vaut revenir vers le groupe des disciples à Jérusalem. Ils ont soudain retrouvé le courage qui leur manquait. Ils vont pouvoir de nouveau affronter le danger. Et cela commence par le courage de refaire ces dix kilomètres en pleine nuit.

Ces deux disciples étaient revenus très tristes de leur pèlerinage à Jérusalem. Mais ils ont fait une expérience déterminante.

Ils savent qu’ils ne sont plus seuls. Leur intelligence a été illuminée et ils ont maintenant une nouvelle compréhension des Ecritures.

Cette nouvelle compréhension les encourage et ils sont maintenant capables de retourner à Jérusalem pour rejoindre l’Eglise naissante.

Ces deux disciples en route vers Emmaüs ont été rejoints.

Et nous, comment sommes-nous rejoints ?

Notre texte le dit : Jésus leur commente les Ecritures et qu’il mange avec eux.

Nous avons là les deux éléments qui constituent le culte dominical : la prédication et la Cène, ce que les Réformateurs appelaient la parole invisible et la parole visible.

Aujourd’hui pendant ce culte de Pâques, comme pendant tous les cultes de l’années, qui sont un rappel de la résurrection, nous sommes tous des disciples d’Emmaüs.

Jésus-Christ nous accompagne. Il nous rejoint dans notre tristesse et se rend présent à nous dans l’Eglise, par la prédication et par le sacrement de la sainte Cène.

Amen

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