Luc 9, 51-62 – Le feu du ciel

 

Pasteur Bernard Mourou

Veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? 

Cette demande est d’une rare violence. Pourtant elle vient de deux disciples de premier rang, qui seront par ailleurs appelés les fils du tonnerre : Jacques et Jean.

Cet épisode n’a été retenu que par cet évangile selon Luc, qui révèle sa douceur dans ses pages sur l’enfance de Jésus ou la figure de Marie.

Ceux que Jacques et Jean veulent réduire en cendres, ce sont des Samaritains qui refusent de les accueillir.

La parabole du « Bon Samaritain » risque de nous donner une image faussée de la réalité. A l’époque de Jésus, Samaritains et juifs se détestaient.

Les juifs regardaient les Samaritains avec condescendance à cause de leurs pratiques religieuses déviantes, et de leur côté les Samaritains avaient développé cette haine qui est le fait de tous les peuples méprisés.

Si ces Samaritains n’accueillent pas Jésus et ses disciples, ce n’est pas parce qu’ils refusent le message évangélique, mais en raison de l’hostilité qui divisait ces deux peuples. Les problèmes identitaires ne sont pas nouveau.

Mais Jésus refuse d’aborder ce problème sous cet angle. Il ne se range ni du côté des juifs, ni du côté des Samaritains. Il ne prône pas une réforme des mœurs ou de la société. Et finalement, ce ne sont pas les Samaritains qu’il réprimande, mais bien ses propres disciples Jacques et Jean.

Souvent les évangiles parlent du trio Pierre, Jacques et Jean. Ici, pour une fois, Pierre n’est pas cité. Et cela explique peut-être ce qui se passe ici.

En effet, Pierre vient de reconnaître Jésus comme le Messie et il a été complimenté pour cela.

Jacques et Jean se sentent-ils mis à l’écart ? Pensent-ils que Pierre a une supériorité sur eux. Profitent-ils des circonstances pour reprendre le dessus par une action d’éclat qui les réhabiliteraient devant Jésus et les autres disciples ?

En tous cas, ils s’inspirent d’Elie, cette grande figure prophétique qui avait marqué les esprits.

Dans un récit rapporté dans le second livre des Rois, Elie fait descendre du ciel un feu qui consume un officier et ses cinquante hommes. Cela arrive deux fois.

Dévorés par l’ambition, Jacques et Jean font trouvent en ce prophète Elie un modèle qui a montré sa puissance.

Mais c’est raté : non seulement Jacques et Jean ne sont pas loués pour leur initiative, mais ils sont vertement réprimandés.

Gardons-nous cependant de les condamner trop vite. N’avons-nous jamais regretté notre manque d’efficacité dans une société sécularisée ? L’erreur de Jacques et Jean peut être aussi la nôtre.

Jésus nous montre une autre voie, une voie diamétralement opposée à celle de Jacques et de Jean comme à celle du prophète Elie. Il ne répond pas à l’hostilité des Samaritains.

Pour autant, l’attitude de Jésus ne fait aucune place à la velléité. Au contraire, dans la seconde partie de notre passage, il se montre très radical.

Cela apparaît nettement dans les trois exemples qu’il choisit de soumettre à ses disciples, qui ont tous les trois un point commun :

  • dans le premier exemple, le disciple qui promet de suivre Jésus doit savoir ce que cela implique : être toujours en mouvement ;
  • dans le deuxième exemple, il doit faire l’impasse ne doit pas s’attarder sur l’enterrement de son père, et donc sur la mort ;
  • dans le troisième cas, il ne doit regarder résolument vers l’avant, au point de ne pas dire au revoir aux membres de sa famille.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de prendre ces trois injonctions au pied de la lettre, parce que la culture orientale aime l’exagération.

Mais ces trois exemples ont un point commun et c’est là qu’ils nous disent quelque chose. Ces trois exemples laissent toute la place à la vie.

Le disciple n’est pas enfermé dans un lieu, il n’a rien à faire avec la mort et il ne regarde pas en arrière. Il est libre dans l’espace et dans le temps.

Il ressort de ce passage que Jésus est sans concessions. Mais sa force ne repose pas sur la violence. Jacques et Jean sont là en contrepoint, pour faire mieux ressentir le contraste.

Il n’est pas moins radical que Jacques et Jean car son engagement est sans failles. Il leur fait comprendre que sa force ne repose pas sur des actes de puissance, mais sur l’engagement de toute sa personne.

Amen

 

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