Luc3, 10-18 – Réalisme

 

Pasteur Bernard Mourou

Aujourd’hui, en ce troisième dimanche de l’Avent, notre récit d’évangile nous laisse une nouvelle fois en compagnie de Jean-Baptiste.

Son ministère annonce la venue de Jésus, donc il est logique de nous intéresser à lui si nous voulons nous préparer à vivre la fête de Noël.

Par son appel à la repentance et le baptême qu’il dispense dans le Jourdain, Jean-Baptiste attire les foules. Ceux qui viennent à lui attendent la venue imminente du Messie. Pour s’y préparer au mieux, ils cherchent à se conformer à la volonté de Dieu et ils se posent une question existentielle : Que nous faut-il faire ?

L’évangéliste donne de l’importance à cette question, parce que dans son texte il la mentionne trois fois.

La première fois, elle est posée par la foule ; la deuxième fois par des collecteurs d’impôts, et la troisième fois par des soldats.

Dans la société de l’époque, les collecteurs d’impôts et les soldats représentent l’autorité romaine. Aux yeux du monde religieux, ces gens passent pour des traîtres et des ennemis de la nation.

On imagine bien que quelques-uns doivent avoir mauvaise conscience. Cela les conduit à une remise en question et à un retour sur soi, ce qu’en hébreu on appelle la teshouva.

Que nous faut-il faire ?

Jean-Baptiste est un homme rude qui vit dans la solitude du désert. Il a l’habitude d’employer un langage direct et sans détours. Et pourtant, de manière surprenante, à cette question Que nous faut-il faire ? il fait une réponse modérée, réaliste, équilibrée : il demande à ceux qu’il baptise de partager leurs vêtements et leur nourriture avec ceux qui n’ont rien, tout simplement.

Ici, nous sommes loin des prescriptions tatillonnes que posent les pharisiens, telles que les évangiles les rapportent.

Jean-Baptiste reste très peu exigeant. Ses demandes sont simples, réalistes et à la portée de tous : pour les foules qui viennent à lui, il s’agit simplement se soucier des plus pauvres.

En demandant aux gens juste ce qu’ils sont en mesure de faire, Jean-Baptiste montre qu’il sait prendre en compte leur situation réelle. Il leur donne une réponse de bon sens, en demandant seulement ce qui est à leur portée.

Il a le même souci avec les collecteurs d’impôts : il leur demande juste d’être honnêtes et de ne pas exiger plus que ce à quoi ils ont droit. Et c’est la même chose quand il s’adresse aux soldats : ils sont exhortés simplement à ne pas se livrer au pillage.

Ces gens n’ont pas besoin de quitter leurs fonctions pour répondre aux exigences de Jean-Baptiste.

Jean-Baptiste n’attend aucun bouleversement politique, mais il respecte l’ordre établi : il a compris que l’enjeu se situait ailleurs.

Finalement, contrairement aux pharisiens, Jean-Baptiste adapte la Loi à son public et il la met à la portée de tous.

Sur ce point il est beaucoup moins radical que Jésus : il suffit de relire le Sermon sur la montagne pour s’en rendre compte.

C’est une manière plus efficace de la défendre que celle des pharisiens. En ce sens, Jean-Baptiste est bien un personnage de la première alliance.

Une autre chose que nous pouvons remarquer, c’est que les demandes de Jean-Baptiste se placent sur un plan éthique et non sur un plan sacrificiel.

Pour nous après deux mille ans de christianisme, cela nous paraît normal, mais ce n’était pas si évident dans le contexte du judaïsme, qui reposait sur le système des sacrifices. Au moment où cet évangile a été rédigé, les sacrifices avaient cessé depuis peu : le Temple de Jérusalem avait été détruit par l’armée romaine une dizaine d’années auparavant.

Oui, le message de Jean-Baptiste interpelle les foules. Alors elles s’interrogent à son sujet : et si c’était le Messie que tous attendent ?

Mais Jean-Baptiste ne se sert pas de sa notoriété pour leur en tirer un quelconque profit. Il répond clairement qu’il n’est pas le Messie.

Jean-Baptiste ne se trompe pas sur son action. Il sait qu’il n’apporte aucune aide efficace à ceux qui viennent à lui, si ce n’est le signe visible de leur repentance sous la forme du baptême. Les foules ne sont pas plus en mesure d’observer la Loi qu’avant. Jean-Baptiste ne les aura pas délivrées du péché. Seul Jésus-Christ le fera.

Jésus-Christ aura un message radicalement différent : il ne demandera pas à ses disciples une application raisonnée de la Loi, mais il procédera au contraire à une radicalisation de la Loi, au point qu’elle ne sera plus à la portée de personne et qu’il se placera lui-même au-dessus d’elle. Il ne proposera aucune recette pour la mettre en pratique, mais il apportera une solution vraiment efficace à l’égard du péché : il accomplira lui-même le Loi pour nous.

Il y aura aussi un signe visible, inspiré de Jean : le signe du baptême chrétien.

Mais le baptême chrétien ne sera pas seulement un baptême de repentance : il sera un baptême purificateur, un baptême dans l’Esprit saint et dans le feu.

Que nous faut-il faire ?

Peut-être cette question est-elle la nôtre aujourd’hui. Est-ce que nous y répondrons en nous efforçant d’adopter un comportement moral, comme Jean-Baptiste le propose ? Ou bien irons-nous plus loin et accueillerons-nous la lumière du Christ ?

Ce n’est pas nous qui pouvons nous rendre justes : seul Dieu peut le faire. Ainsi la gloire n’en revient pas à nous-mêmes, mais à Dieu.

Amen

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