Marc 10, 17-30 – Insatisfaction

 

Pasteur Bernard Mourou

Sur les chemins, Jésus a souvent affaire à des personnes en souffrance : des malades ou des pauvres, mais pas dans notre texte de ce dimanche : l’homme qu’il ici rencontre est riche, intelligent et en bonne santé ; il a grandi dans une famille religieuse et il s’est approprié cet héritage spirituel car il a toujours fait preuve de piété.

Cet homme est l’image même de la bénédiction divine telle que la concevait le judaïsme. Il a tout ce qui est nécessaire au bonheur, on pourrait donc penser qu’il ne ressent aucun manque dans sa vie.

Pourtant, il vient demander quelque chose à Jésus. Oui, malgré tous ses privilèges, il éprouve bien un manque, car cette vie si agréable, il aimerait qu’elle ne finisse jamais.

Je connaissais quelqu’un qui disait avec humour, quand il était encore de ce monde : « La vie, ça finit toujours mal. » Tout être humain sait qu’un jour ou l’autre il mourra. C’est une idée insupportable contre laquelle on se révolte ou que l’on cherche à oublier, surtout si la vie s’est montrée généreuse.

Face à cette perspective de la mort, cet homme croit en une résurrection et il place son espérance en Dieu. Cette croyance est apparue tardivement dans le judaïsme. A l’époque de Jésus, tous les juifs ne croyaient pas à une vie après la mort. Mais cet homme, lui, il y croit, et il cherche par tous les moyens à parvenir à cette vie qui ne finit pas. Il est convaincu que seul Dieu peut la lui donner, alors il cherche à le satisfaire et à mener une vie pieuse, ce qui pour lui se résume à observer les commandements.

C’est sur ce plan que Jésus se place quand il répond à sa question : Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? Il se met à son niveau, il adopte sa logique : puisque cet homme fait de la Loi et des commandements son seul critère, alors il le renvoie au Décalogue : Tu connais les commandements.

Jésus veut aller au bout de cette logique pour en faire apparaître les erreurs. Alors il lui présente la Loi dans toute son intransigeance.

Mais il en faut plus pour perturber cet homme sûr de lui et convaincu d’appliquer parfaitement les commandements : Tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse, répond-il avec assurance. 

Et Jésus fait preuve de respect à son égard en ne mettant pas sa parole en doute.

Il lui rappelle juste que la bonté provient de Dieu seul et non de l’être humain.

Puis il continue, toujours en suivant la logique de cet homme. Il pousse alors l’exigence plus loin : Vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, puis viens, suis-moi.

Cela, la Loi ne le demandait pas. Ici, Jésus pousse les choses à l’extrême.

C’est une manière de mettre en évidence un problème présent dans toutes les religions : certains fidèles veulent faire quelque chose pour Dieu.

Jésus met fin à ce malentendu :  Il posa son regard sur lui, et il l’aima.

Finalement, en suivant toujours la logique de cet homme, Jésus le place devant un choix :

  • soit il observera la Loi et gardera ses biens matériels ;
  • soit il vendra ses biens et suivra Jésus.

Mais que vaut la logique de cet homme ?

Cette question qu’il pose à Jésus : Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? est peut-être une mauvaise question, car ellesous-entend qu’il faut faire quelque chose pour avoir cette vie qui ne finit pas.  Or, il n’y a peut-être rien à faire.

La bonne nouvelle de l’Evangile, est-ce une question de pratique, de faire ou de ne pas faire ? ou bien est-ce autre chose ?

Que demande Jésus à cet homme ? Il lui demande de le suivre. S’il le suit, il restera dans sa présence.

Mais ce n’est pas ce que fait cet homme, du moins dans un premier temps.

Où cherchons-nous nos assurances d’une vie qui ne finit pas ?

Le jeune homme a pressenti que ni ses biens ni même sa piété ne lui donnait cette assurance. C’est pour cela qu’il vient vers Jésus avec cette question : Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? 

L’être humain a tendance à s’appuyer sur des assurances tangibles. Les biens matériels en font partie, ils donnent un sentiment de sécurité. Une vie pieuse aussi.

Mais notre texte montre que pour entrer dans la vie qui ne finit pas, la piété se révèle tout aussi illusoire que les biens matériels, dans la mesure où c’est Dieu qui pourvoit.

Jésus dit à ses disciples qu’il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille que d’entrer dans le Royaume de Dieu.

Certains pensent que Jésus parlait d’une porte qui s’appelait la porte de l’aiguille. Mais il est vain de prendre cette expression dans son sens littéral : ici l’évangéliste utilise le procédé de l’hyperbole, de l’exagération, qui était une forme de rhétorique, une manière courante de s’exprimer à l’époque dans cette partie du monde.  

Il est peut-être plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume, mais notre texte laisse entendre que Dieu est le Dieu de l’impossible.

Notre homme a fait preuve d’intelligence, il a pressenti que les assurances sur lesquelles il s’appuyait étaient illusoires. Mais à la fin de notre récit, il repart seul et triste. Cependant, nous ne connaissons pas la fin de cette histoire, et rien ne nous empêche d’être optimiste, car l’évangéliste nous dit que Jésus posa son regard sur lui et qu’il l’aima.

Amen

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