Marc 7, 31-37 – L’écoute

 

Pasteur Bernard Mourou

En ce dimanche où nous avons eu la joie de baptiser Juliette, le texte proposé par la liturgie a pour thème l’écoute. Il se prête donc particulièrement bien à ce bel événement, car vivre en chrétien, c’est d’abord se mettre dans les dispositions qui nous permettront de pouvoir écouter Dieu.

Dans notre récit, Jésus et ses disciples sont en marche. Ils se déplacent sur une longue distance et passent les frontières du pays : ils quittent la Galilée pour se rendre dans une terre païenne appelée la Décapole.

La Décapole, c’est loin, et en plus, pour s’y rendre, Jésus et ses disciples n’ont pas pris le plus court chemin : ils ont fait un grand détour par la Phénicie, au Nord-Ouest, et ils sont d’abord passés par les villes de Tyr et de Sidon. La Décapole ne se trouve pas au Nord-Ouest, mais à l’Est de la Galilée, à l’intérieur des terres, de l’autre côté du Jourdain.

La Décapole a un point commun avec la Phénicie : c’est aussi un territoire païen. Peut-être Jésus, fatigué des oppositions rencontrées auprès de ses compatriotes, voulait-il prendre le large et respirer un peu.

Ces populations païennes font preuve, en effet, d’une fraîcheur stimulante. Dans ces terres vierges, il souffle comme un vent de liberté.

C’est dans ce contexte qu’e se place notre récit. Il raconte un miracle rapporté seulement dans cet Evangile selon Marc. C’est le deuxième miracle consenti en faveur de populations païennes, après l’épisode de la femme syro-phénicienne, dont Jésus a guéri la fille.

Dans notre récit, Jésus guérit un homme qui n’est pas juif, mais cette fois-ci sans aucune réticence. Ses voyages hors des frontières ont modifié sa compréhension de son ministère.

Il n’est pas très juste de parler ici d’un homme sourd et muet comme on le fait généralement. Cet homme est bien sourd, mais il parle. Il s’exprime juste avec difficulté, comme toutes les personnes sourdes. En fait, c’est parce qu’il n’entend pas que cet homme parle mal. Pour bien parler, il faut d’abord bien entendre.

Donc le problème de cet homme, ce n’est pas d’être muet, mais d’être sourd. D’ailleurs, Jésus porte bien son attention sur ses oreilles, pas sur sa langue.

Oui, tout notre texte tourne autour de cette question de l’écoute. L’écoute est centrale dans le judaïsme. L’écoute est le premier de tous les commandements : « Ecoute, Israël ». L’écoute vient avant ce que nous appelons les Dix commandements.

Jésus touche donc les oreilles de cet homme. Mais il fait plus encore : il crache dedans. Cela ne manque pas de nous surprendre. En plus de recourir au toucher, Jésus utilise donc aussi la salive.

Nous pouvons certes trouver cela répugnant mais, chez Marc exclusivement, il emploiera ce procédé une autre fois, pour la guérison d’un aveugle : il lui mettra de la salive sur les yeux. C’était la manière de procéder des guérisseurs à l’époque : ils utilisaient leur salive.

Nous voyons que les guérisons opérées par Jésus s’intègrent complètement dans la culture de son temps. Cela nous montre que Jésus sait s’adapter à ses contemporains. Il se met à leur portée, même si pour cela implique pour lui de changer ses méthodes.

Nous voyons que Jésus ne cherche pas à frapper les imaginations par des miracles extraordinaires. Non, il ne cherche pas à se faire passer pour un faiseur de miracles et cet évangile selon Marc est celui qui nous le montre le mieux.

Jésus guérit par des procédés variés, adaptés aux populations qu’il rencontre.

Bien sûr, il guérit d’abord par sa parole, parce que, comme le disait Luther, la force qui est dans la parole est plus grande que celle qui est dans le signe.

Mais il sait aussi s’adapter à ces populations païennes habituées aux pratiques magiques. Quand un procédé serait inopérant parce qu’il ne répond pas aux besoins du moment, comme c’est le cas ici, Jésus n’hésite pas à en changer.

Dans les récits selon Marc, Jésus ne montre aucun scrupule à adopter des procédés de guérisseurs. Il sait qu’ils ont plus de chance d’être compris par ces populations.

Et puis ce signe ne manque pas de renvoyer à l’essentiel, dans la mesure où la salive est liée à la parole. Son propos reste le même que d’ordinaire, il est juste exprimé autrement, pour la bonne raison que cet homme souffre de surdité. Jésus doit donc le rejoindre par un autre sens : ce sera celui du toucher.

Oui, pour atteindre cet homme sourd, Jésus s’adapte et recourt au langage des signes.

Comme cet homme sourd qui ne peut pas parler, les personnes qui n’entendent pas notre langage auront du mal à bien parler de Dieu, si tant est qu’il est possible d’en bien parler.

Aussi, lorsque nous sommes appelés à parler de notre foi, il est important de veiller à la manière dont nous nous exprimons. Cela suppose de connaître la culture des personnes à qui nous nous adressons.

Il ne s’agit pas d’adapter le message, mais d’adapter notre langage. Ce texte nous encourage donc à faire preuve de curiosité et d’inventivité lorsque notre culture d’Eglise n’est pas partagée, ce qui arrive de plus en plus souvent.

Juliette a la chance de grandir dans une famille chrétienne. Il lui reste à assimiler la culture de notre société pour être à l’aise où qu’elle se trouve.

Amen

 

 

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