Matthieu 3, 13-17 – Le baptême de Jésus

 

Pasteur Bernard Mourou

Jean prêche la repentance et baptise dans le Jourdain.

Le rite qu’il instaure ici diffère du baptême chrétien que nous connaissons aujourd’hui. Jean veut cristalliser la volonté de repentance de ses adeptes dans un signe caractéristique.

En effet, à ce moment de son histoire le peuple d’Israël croit imminente la venue d’un roi sauveur et chacun se prépare pour cet événement. Ceux qui viennent se faire baptiser par Jean sont nombreux.

Et voici que, parmi tous ces gens, Jésus s’approche.

Car il fait lui aussi cette démarche auprès de Jean-Baptiste. Il vient depuis la lointaine Galilée jusqu’au Jourdain pour se faire baptiser.

Oui, avant de commencer son ministère, Jésus était un disciple de Jean-Baptiste parmi d’autres.

Pourquoi Jésus, qui était sans péché, a-t-il éprouvé le besoin de se faire baptiser ?

Le premier acte que pose Jésus nous interroge. Nous percevons bien aussi la perplexité de l’évangéliste, qui insiste sur le fait que Jean aussi s’en étonne.

En fait, Jésus se conforme en tous points à ce que font nombre de ses contemporains. Rien ne le distingue de ce mouvement de fond. Il devient un parmi d’autres.

Si plus tard Jésus frappera les imaginations avec des actes de guérison ou d’autres prodiges, ici il nous surprend par un acte finalement complètement anodin. Il semble même mettre un point d’honneur à ne se distinguer en rien du peuple.

Et c’est justement ce manque d’originalité qui nous interroge.

Oui, parfois, c’est le refus de l’originalité qui est la démarche la plus subversive.

Mais si l’on réfléchit, son attitude est tout à fait cohérente avec le reste de son ministère.

Dimanche dernier, avec l’Epiphanie nous avons fêté la manifestation de Jésus au monde. Eh bien son baptême s’inscrit complètement dans cette dynamique : Jésus est venu rejoindre l’humanité au point de s’identifier à elle, y compris dans ce nouveau rite.

Jésus rejoint le peuple dans sa démarche de repentance. Il se déclare ouvertement solidaire avec lui, même pour ce qui concerne le péché. C’est en tous cas ainsi que l’évangéliste choisit de présenter le baptême de Jésus.

L’évangile selon Matthieu insiste du début à la fin sur le fait que Jésus, c’est Dieu avec nous. Il commence en lui donnant ce nom d’Emmanuel, en écho au livre d’Esaïe, et il finit en citant cette promesse : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

La solidarité sera bien le fil directeur de tout son ministère. Jésus se montrera solidaire des malades, qu’il touchera et guérira, comme des gens de mauvaise vie, dont il partagera les repas. Comme le prédit le texte d’Esaïe que nous avons pris en première lecture : Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, il ne fera pas entendre sa voix au-dehors. Il ne brisera pas le roseau qui fléchit, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit.

Mais nous pouvons aller plus loin. Ce souhait étonnant de Jésus de se faire baptiser trouve son commentaire dans notre texte même. L’évangéliste fait dire à Jésus : Il convient que nous accomplissions ainsi toute justice.

Cette parole nous donne deux indications importantes :

  • D’abord elle présente cet acte est comme relevant de la justice, c’est-à-dire la réponse parfaite de l’être humain à l’amour de Dieu pour une vie ordonnée. Lorsque cette harmonie était mise à mal, les prêtres intervenaient pour réparer ;
  • ensuite, en disant nous, Il convient que nous accomplissions, elle associe Jésus à la démarche de Jean, elle vient le confirmer, lui donner du poids et faire ainsi de son baptême un passage obligé. Jésus rejoint donc tous ceux qui viennent au Jourdain, et aussi Jean-Baptiste lui-même, par la reconnaissance et la confirmation de son ministère.

Mais avec ce texte nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Car c’est à ce moment précis où Jésus vient confirmer le ministère de Jean qu’il est lui-même confirmé par son Père.

Il l’est de deux manières :

  • d’abord avec une parole, Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie ;
  • et ensuite avec cette image d’une colombe qui vient se poser sur lui, un rappel du Déluge, lorsque Noé fait s’envoler une colombe qui reviendra avec un rameau d’olivier, symbole d’un nouveau départ et d’une harmonie retrouvée.

Jésus ne nous rejoint pas seulement là où nous nous sentons bien, pas seulement dans ce dont nous sommes fiers, pas seulement dans tout ce que nous faisons pour plaire à Dieu, mais aussi dans ce qui nous gêne et nous entrave.

Son baptême était-il nécessaire ?

Non, bien sûr, mais en même temps pas inutile non plus. Car il nous dit quelque chose d’essentiel : à savoir que Jésus rejoint tous les domaines de nos vies sans aucune exception.

Amen

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