Matthieu 5, 13-16 – Le sel et la lumière

 

Pasteur Bernard Mourou

Notre texte d’aujourd’hui juxtapose deux courtes paraboles. L’une convoque l’image du sel, l’autre celle de la lumière.

Ces deux paraboles figurent aussi chez Marc et Luc, mais séparément. L’originalité de Matthieu est de les réunir.

Car elles se rejoignent, même si, dans un premier temps, nous pouvons avoir du mal à discerner le point commun entre le sel et la lumière.

Alors voyons ce qui se cache derrière ces deux images.

A propos du sel, nous pouvons retenir trois choses.

D’abord bien sûr celle qui est évidente pour chacun d’entre nous : le sel donne de la saveur à ce que nous mangeons.

Mais le sel a d’autres vertus. Il aussi un rôle purificateur, fort utile dans une époque sans réfrigérateurs : il empêchait les aliments de pourrir pour que l’on puisse les garder plus longtemps. Aujourd’hui encore, il conserve la charcuterie ou le poisson.

Et puis le sel était aussi utilisé dans le culte : on salait les offrandes, pour bien signifier qu’elles défiaient le temps. Et dans la Bible hébraïque, quand on voulait dire d’une alliance qu’elle était à l’épreuve du temps, on parlait d’une « alliance de sel ».

Notre première parabole évoque du sel qui perd sa saveur. Est-ce possible ?

Le sel défie le temps et il ne peut pas perdre sa saveur. Même après des années, le sel garde ses propriétés.

Alors comment faut-il comprendre cette affirmation de Jésus ?

En fait, à l’époque, dans la mer Morte on pouvait trouver un sel de mauvaise qualité. Il était mélangé à d’autres cristaux qui eux pouvaient se modifier. Quand on exposait ce sel à la pluie ou au soleil, il perdait alors effectivement sa saveur. Mais il en était ainsi parce qu’au départ ce n’était pas du sel véritable.

On répandait ce sel sur le sol du Temple pour empêcher les gens de glisser. C’est pourquoi notre texte dit qu’il est piétiné par les gens. Il ne pouvait pas servir à autre chose, parce que si l’on jette du sel dans la terre, il la rend stérile. Quand les Israélites détruisaient une ville ennemie, ils y répandaient du sel pour qu’elles ne se relèvent jamais.

Comme le sel donne de la saveur aux aliments et prolonge leur vie, les chrétiens ont sur ceux qui les entourent un effet bénéfique. Encore faut-il qu’ils soient véritablement eux-mêmes.

Ici les mots sont importants et chaque détail compte.

Jésus parle à la deuxième personne du pluriel, il dit vous êtes le sel de la terre. Il adresse cette parole non au croyant isolé dans son coin, mais à l’Eglise.

Et puis il emploie l’indicatif et non l’impératif, il dit vous êtes le sel de la terre, et non pas soyez le sel de la terre. Il ne s’agit pas de déployer tous ses efforts pour obtenir un résultat, mais juste de savoir accueillir cette réalité.

Passons maintenant à la seconde image : celle de la lumière.

La lumière permet de voir ce qui nous entoure. De sa qualité dépend la beauté des paysages.

Dans la Bible hébraïque, la lumière était aussi assimilée à Dieu et à sa Parole. Ainsi, le psalmiste dit que la parole est la lumière de ses pas, la lampe de sa route.

Comme dans la première parabole, pour la lumière Jésus parle à la deuxième personne du pluriel, il dit vous êtes la lumière du monde. Là aussi, c’est l’Eglise qui porte cette lumière et non l’individu isolé.

De même, Jésus emploie aussi l’indicatif et non l’impératif, il dit vous êtes la lumière du monde, et non pas soyez la lumière du monde. Là aussi, tout ce qui est demandé aux croyants, c’est de ne pas cacher cette lumière.

De même qu’un sel de mauvaise qualité s’avère inefficace, ainsi la lampe remisée sous un boisseau, l’endroit où l’on rangeait les lampes.

Le sel et la lumière sont deux éléments qui ont un effet sur leur environnement. Le sel révèle le goût des aliments et la lumière la couleur des objets. Le sel permet de goûter la saveur des choses, et la lumière la beauté des choses.

Qu’est-ce que cela signifie pour nous ?

Simplement que nous-mêmes et que nos lieux de culte doivent être visibles.

L’Eglise n’a pas sa fin en elle-même : sa raison d’être est juste de transmettre le message libérateur de l’Evangile qu’attendent inconsciemment tous ceux qui ne se satisfont pas d’une existence prosaïque.

Mais comment pourrions-nous aider tus ces chercheurs de sens s’ils ne nous trouvent pas ?

L’Eglise n’est pas un cercle ou un club fermé. Elle doit chercher le plus possible visibilité et lisibilité, c’est-à-dire donner d’elle-même l’image la plus juste qui soit.

Amen

 

 

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