Proverbes 8, 32-36 – La vie

 

Pasteur Bernard Mourou

Qui me trouve a trouvé la vie. C’est la Sagesse qui parle. Le livre des Proverbes l’identifie à Dieu.

Comme de nombreux autres passages du Premier et du Nouveau Testament, ce verset rappelle que le Dieu biblique est le Dieu de la vie.

Et quand Jésus soulignera sa divinité, il dira à Thomas, dans l’évangile selon Jean : Je suis le chemin, la vérité et la vie.

Il est logique de voir dans le Dieu biblique, en tant qu’il est le créateur de l’univers, celui en qui trouvent leur origine tous les êtres vivants.

C’est ce que rappellera l’apôtre Paul dans le livre des Actes, lorsque devant l’Aéropage d’Athènes il citera librement un auteur du IIIe siècle avant notre ère, le poète Aratos : C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être.

Mais dire cela ne suffit pas pour parler de la vie. Devant l’aéropage, l’apôtre Paul parle en fait de l’existence.

Et de fait, dans ce sens-là, tous les êtres humains sont effectivement vivants.

Mais cette manière de voir confond la vie et l’existence. Nous sommes tous dans l’existence. Mais sommes-nous pour autant tous vivants ?

Quand Jésus confie à Thomas : Je suis le chemin, la vérité et la vie, il ne veut pas simplement dire qu’il est en vie au même titre que tous les êtres de cette terre.

Il lui parle en fait de cette une vie plus intense qui peut être transmise à ses disciples.

L’écrivain d’origine chinoise François Cheng l’exprime à sa manière : La vraie vie, dit-il, est dans le désir même que chacun porte à la Vie, désir d’une vie ouverte en communion avec d’autres vies, dans une commune Présence où tout fait signe, tout prend sens. Si le temps doit venir où un dieu créera un nouvel ordre de vie, c’est avec les âmes gardant faim et soif de la vraie vie qu’il le fera. Et plus loin : […] la vraie vie n’est pas seulement ce qui a été donné comme existence ; elle est dans le désir même de vie, dans l’élan même vers la vie. Ce désir et cet élan étaient présents au premier jour de l’univers.

Dans ce que François Cheng appelle la vraie vie, comment ne pas voir celle qu’a vécue le Ressuscité, lorsque sur les chemins il s’ouvrait à la rencontre et apportait la guérison physique et spirituelle aux personnes qui venaient à lui ?

Cette vraie vie, cette vie plus intense, n’est-ce pas celle que nous cherchons tous plus ou moins consciemment, mais qui est souvent occultée par les soucis de l’existence et les multiples problèmes de chaque jour ?

Au quotidien, nous avons parfois davantage l’impression d’être juste dans l’existence que dans la vraie vie.

Cette situation n’est pas nouvelle. Déjà le récit de la Genèse attire notre attention sur le fait qu’à l’arbre de la vie, Adam et Eve ont préféré l’arbre de la connaissance. En cela ce texte nous révèle une vérité profonde sur l’être humain.

Et pourtant, la vie, celle dont parle Jésus, est le premier des biens, au point que dans sa correspondance Goethe écrira : Le but de la vie est la vie elle-même.

Jésus-Christ a permis la naissance d’une humanité nouvelle, destinée à faire de la vraie vie sa priorité.

C’est pourquoi l’écrivain Christian Bobin, si attentif à la manifestation de la spiritualité dans la banalité du quotidien, s’intéresse particulièrement à la manière dont chaque être humain montre sa plus ou moins grande aptitude à vivre cette réalité : Ce n’est pas sa beauté, sa force et son esprit que j’aime chez une personne, écrit-il, mais l’intelligence du lien qu’elle a su nouer avec la vie.

Il faut bien reconnaître que certaines personnes semblent plus douées que d’autres pour être en phase avec la vraie vie. Mais nous pouvons tous, à notre niveau et avec les capacités qui sont les nôtres, avancer dans ce sens.

Il s’agit bien en effet d’avancer, car l’être humain change au fil de son existence : il cherche à mieux comprendre ce qui lui arrive, il revoit souvent sa manière de voir les événements et il se rend parfois compte de ses erreurs.

Dans les évangiles, le déplacement est omniprésent. Jésus marche presque constamment. C’est en parcourant les chemins de la Galilée, mais aussi de la Judée, de la Samarie ou encore des territoires païens qu’il a délivré son message de libération.

Dès lors, en ce qui nous concerne, être vivant, n’est-ce pas simplement, comme lui et ses disciples, nous mettre en chemin, en nous inspirant de sa disponibilité pour les autres et de son ouverture à l’inattendu, selon ces propose éclairants : Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ?

Dans une société de plus en plus attachée à des sécurités de toutes sortes, il nous revient de veiller à ce que le refus de tout risque ne fasse pas de nous des personnes qui seront juste dans l’existence et qui passeront à côté d’une vie plus intense, de cette vraie vie à laquelle le Christ appelle chacun d’entre nous.

Amen

 

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