Eglises ou mosquées ?

En un temps où l’Islam est de plus en plus perçu comme une puissance hostile, maléfique, génératrice de meurtres de masse , détournant nos enfants pour en faire de la chair à canon, la proposition du recteur de la mosquée de Paris, D. Boubakeur, de permettre aux musulmans de France de se réunir pour prier dans les églises ou les temples désertés par les chrétiens est passée pour une provocation, une tentative de « revenir sur la victoire de Poitiers », etc…

Des pétitions circulent, pour ou contre, et s’affrontent sur la toile. Qu’ils soient de droite ou de gauche, les hommes politiques voient dans cette controverse l’occasion de faire parler d’eux, de venir (ou de revenir) au premier plan de l’actualité médiatique, la seule qui compte.

Les signataires de pétitions anti-Boubakeur seraient plus crédibles s’il leur arrivait, le dimanche, de mettre les pieds à l’église ou au temple… Ils y entendraient que le devoir d’accueil de l’étranger revient sans cesse dans la Bible, que ce soit dans l’ancien ou dans le nouveau testament. Mais comme ils n’y vont pas…

 

En fait que révèle cette proposition ?

À vrai dire, rien que nous ne sachions déjà : les Français « de souche », issus d’une « vieille terre de tradition chrétienne » (etc…), se désintéressent dans leur très grande majorité de leurs églises, de leurs temples et de ce qui s’y passe.

En revanche les lieux de prière musulmans sont pleins chaque vendredi.

Telle est la situation. Au Havre il est « chic » de se dire protestant : c’est se rattacher à la période glorieuse de la ville, mais de là à venir au temple en dehors de Noël, de Pâques ou de son enterrement (parfois, de moins en moins fréquemment, de son mariage), il y a un pas !

Ainsi, n’en déplaise à ses détracteurs, la proposition de M. Boubakeur est-elle une pensée bien française, qui s’inscrit dans cette logique cartésienne qui est, paraît-il, l’une des caractéristiques de notre nation : les temples, les églises, maisons de Dieu, doivent être utilisés par des gens qui s’intéressent à Dieu, qui croient en Lui, qui veulent se réunir pour Le louer et Le prier.

C’est d’ailleurs ce que dit la loi française : les édifices religieux, propriété de l’État, sont « mis à la disposition des fidèles ». Or qui sont les « fidèles » aujourd’hui ? De moins en moins de chrétiens, de plus en plus de musulmans.

Si, pour notre plus grande tristesse, la transformation de nos temples et de nos églises devait se concrétiser, et nous en sommes encore loin, il faudrait y voir non pas la conséquence de l’ « invasion islamique », mais celle de l’abandon des « valeurs chrétiennes » par ceux même qui s’en réclament.

Certes nous savons qu’un temple ou une église ne sont pas indispensables pour vivre sa foi : les ermites du désert l’ont montré, de même que nos ancêtres camisards. Pour nous, aucun lieu, aucun bâtiment, n’est sacré ou consacré : c’est en plein air que Jésus rassemblait autour de lui des milliers de fidèles ou qu’Il s’isolait sur une montagne pour prier. Il ne dédaignait pas pour autant d’aller dans les synagogues pour y prêcher et y enseigner. En chassant les marchands du Temple, Il a voulu lui restituer sa vraie dimension de lieu de rencontre et d’adoration communautaire, lui rendre sa vocation de « Maison de prière ». La foi, qui touche l’individu dans son intimité, se vit et s’exprime au sein d’une communauté. C’est cette foi communautaire qui fait aujourd’hui la force de l’islam et qui manque de plus en plus à ceux qui se réclament du christianisme.

Si nous voulons que nos églises et nos temples restent des lieux où s’exprime la foi chrétienne, il convient tout d’abord de faire en sorte qu’ils soient pleins… de chrétiens.

Jacques Beurier

 

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