La crèche de Noël

Quand j’étais enfant, à la campagne, au temps de l’avent, nos voisins avaient l’habitude de monter une immense crèche. Tous les ans, j’avais le droit de la voir et parfois même de jouer avec les petits personnages.  Il y avait bien sûr l’enfant Jésus, Marie, Joseph, les bergers, les mages, l’âne, le bœuf  et les moutons, mais il y avait aussi toutes sortes d’animaux et de personnages qui ne sont pas du tout cités dans la Bible : un ramoneur, une cuisinière, un meunier et aussi d’autres artisans. Je me souviens qu’il y avait en particulier des figurines de mineurs : mes voisins étaient en effet originaires d’une région minière de l’Allemagne de l’Est.
Depuis 2000 ans, des générations de chrétiens  expriment à travers l’art populaire des crèches, une histoire merveilleuse et révolutionnaire en même temps : Dieu n’est pas comme un empereur qui dominerait le monde de sa puissance militaire. Dieu n’est pas un codex composé de lois et de commandements. Dieu n’est pas une instance de jugement qui déciderait du salut ou de la condamnation de chaque individu. Dieu n’est pas non plus le progrès ou la promesse de succès.   
Non, Dieu est toute fragilité, comme l’enfant de la crèche. Il est incarné en un bébé né dans la précarité d’une étable, au sein d’une famille égarée, déraciné, entouré de bergers, de pauvres gens de tous horizons qui, un instant, s’agenouillent devant cette merveilleuse fragilité. Et voilà que ces trois rois mages viennent offrir leur savoir et leurs richesses à cet enfant ! Voilà que l’Avoir se prosterne devant l’Etre.
L’égale admiration dans laquelle est plongée individuellement chacun des personnages réunis autour du petit Jésus et l’image d’un Dieu tout de fragilité a été très mal perçue par les représentants religieux de l’époque qui se croyaient représentants de Dieu sur terre.  Cette image de Jésus va contre tout pouvoir politique ou religieux qui s’exercerait dans la contrainte, par la puissance, la violence, et qui viserait la domination physique et morale et le conformisme des âmes.
Noël nous raconte l’humanité, la fragilité de Dieu et sa proximité, au cœur des hommes.  C’est le trésor le plus précieux de la religion chrétienne ; une révélation qui n’a pas fini d’inspirer les religions et les philosophies.  L’homme peut se laisser sauver par cet amour qui lui est offert et qui ne demande qu’à grandir en lui, comme l’enfant de la crèche qui deviendra Jésus le Christ.
Le symbole de la crèche, les images de Noël sont donc beaucoup plus qu’une simple décoration et qu’une coutume populaire. Elles illustrent un élan religieux qui veut nous ouvrir à des horizons plus humains. Appuyés par le message de Noël, nous autres chrétiens à travers la fragilité et la précarité de notre place dans ce monde,  pouvons témoigner d’une espérance misée non pas sur le progrès, la croissance, le succès, mais sur ce Dieu humain, cette étincelle d’un Dieu qui est amour  qui ne demande qu’à fleurir parmi nous.

Richard Taufer

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