13 janvier 2019 – Une rencontre bouleversante – Luc 7, v.36-50 – Ch. Hervaud

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Une rencontre bouleversante

Chaque fois que je lis ce texte, je suis émue jusqu’aux entrailles.

Chaque fois, le comportement de cette femme me bouleverse et me tire des larmes.

Car toute la personne de cette femme parle d’amour, montre l’amour :

sa posture au pied de Jésus, le parfum d’albâtre qu’elle verse sur ses pieds, ses pleurs, ses cheveux défaits avec lesquels elle essuie les pieds de Jésus, ses baisers. Elle dépose là tout son être, toute sa vie. Elle a saisi, mieux que quiconque que Jésus est là pour elle et pour ceux – celles qui lui ressemblent. Elle sait qu’elle peut oser se montrer devant lui. Elle a confiance .

Elle est prête pour une autre vie, consciemment ou non.

Cette scène nous l’avons vu souvent représentée dans des tableaux, ou nous l’imaginons :

Jésus qui a été invité chez un pharisien appelé Simon, pour un repas, est allongé, comme le veut la coutume, c’est pourquoi le texte nous dit qu’elle se tient derrière lui. Elle touche Jésus sans lui parler. Et d’ailleurs personne ne parle à ce moment là. Tous ces hommes sont stupéfaits de l’incroyable audace de cette femme. Ses cheveux défaits, son apparence, le parfum qu’elle utilise, disent sa condition :

peut être une prostituée, en tout cas, vraisemblablement, une femme connue pour sa vie dissolue, aux yeux de la société, une pécheresse, selon la loi juive de l’époque.

Simon la regarde et la reconnaît, il est étonné que Jésus, qu’il considère comme un prophète, laisse cette femme agir de la sorte.

Cette situation va être l’occasion pour Jésus d’annoncer à tous la grâce de Dieu pour chacun.

Il s’adresse tout d’abord à Simon, par une parabole. Celle ci raconte l’histoire d’un créancier qui annule la dette de 2 débiteurs. Simon comprend très bien cette histoire simple, mais il n’en voit pas la portée immédiate. Il faut que jésus lui explique ce que cette femme lui a donné à sa place : l’eau pour ses pieds, le baiser de salutation, d’affection et de respect, l’huile de l’onction. Tous ses gestes de tradition, que cette femme fait, elle, par amour.

Qu’est-ce que Jésus veut montrer à Simon ?

Tout d’abord, que Simon a des préjugés, comme les invités d’ailleurs :

« Si ce Jésus était un prophète, il saurait de quelle sorte est cette femme : une pécheresse ! » pense -t-il.

Simon ne dit rien : il pense, et il insinue. C’est une des caractéristiques du préjugé : avant de dire seulement un mot, on a déjà pensé et insinué un jugement.

On a préjugé, on a jugé en avance, avant de parler. Et on a jugé définitivement, en pensant que la personne concernée est incapable de faire autre chose que ce que je dis. Elle ne peut pas changer, évoluer, se convertir : cela était impossible !

Et Jésus dit à Simon, quelque chose comme : tu es un « type bien », correct, tu as de l’argent et tu es généreux. Mais tu ne m’as pas lavé les pieds, tu ne m’as pas donné un baiser d’accueil, tu ne m’as pas parfumé !

Mais elle, que tu dis pécheresse, elle m’a lavé les pieds de ses larmes, elle les a embrassés, et parfumés d’huile!

Simon découvre subitement ce contraste, et nous avec lui !

Pour nous, il y a ici une leçon : Combien souvent avons-nous des préjugés, nous tous ! Nous évaluons les gens, nous les classons, nous sommes sûrs de les connaître : celui-ci est un peu bête, celui-là plutôt voleur, celle-là certainement volage, ou menteuse, ces deux-là sont radins, et j’en passe.

La deuxième chose que Jésus veut montrer à Simon, c’est qu’il faut parler avec les gens.

Simon n’avait pas dit un mot, la femme n’a pas dit un mot, les convives n’ont pas dit un mot. Le seul qui a dit quelque chose est Jésus. En parlant, il force les autres à changer de pensée et d’action. De fait, à se convertir de leur préjugé.

Si Jésus n’avait rien dit, tout serait resté inchangé : Simon serait toujours un homme riche et généreux, la femme serait toujours une pécheresse, les invités seraient toujours des invités, et Jésus, un prophète qu’on invite pour l’honorer et se faire plaisir.

Mais Jésus prend l’initiative. Et oblige tout le monde à bouger, dans sa tête, dans son coeur, et même dans son corps par l’attitude d’attention que tous prennent.

Et Jésus nous oblige aussi à faire cela.

Jésus parle avec vérité à chacun, pas méchamment, avec gentillesse, mais clairement. Jésus veut que tous comprennent bien ce qu’il dit à la femme :

« Tes péchés te sont pardonnés : va en paix ! »

Brusquement tous découvrent, et nous avec eux, qu’ils sont des pécheurs, avant toute autre chose ! Et aussi que chacun avait mal pensé de cette femme : elle était avant tout quelqu’un qui a aimé, quelqu’un en mal d’amour, quelqu’un en recherche d’amour, du grand amour qui viendra combler sa vie.

Cet amour elle l’a découvert en Jésus.

Un autre type d’amour que celui qu’elle a connu jusqu’ici lui est offert.

Un amour qui passe par un regard qui traverse, et va au-delà des préjugés.

Un amour qui passe par la gratuité, le pardon, la grâce.

Un amour qui libère.

« Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour » dit Jésus à Simon.

Cette femme a montré beaucoup d’amour, et la conclusion vient aussitôt :

« Tes péchés ont (déjà) été pardonnés. »

Il n’y a qu’une réponse possible à la désespérance de l’humain : c’est la grâce de Dieu, cet amour inconditionnel qu’il nous offre en Christ. Il n’y a pas d’autre chemin de salut que d’accepter de recevoir ce cadeau, au lieu d’épuiser sa vie en vaines courses d’un bonheur limité parce qu’assujetti à des amours faillibles.

« Ta foi t’a sauvée » dit Jésus à la femme à la fin du texte. Elle qui est venue, telle qu’elle est, sans illusion sur elle-même, repart en paix, acceptant d’être remise de sa dette, libérée du poids de sa vie, et d’être aimé.

L’amour c’est la grande affaire de la vie, dit on souvent. Il n’y a rien d’autre que cela qui compte, finalement.

Et si l’affaire de la vie commençait d’abord par se laisser aimer par Dieu, ce tout Autre qui vient à notre rencontre.

Alors, oui, l’amour devient l’affaire d’une vie. D’une vie en abondance.

D’une vie relevée de la mort. D’une vie libérée. La foi n’est rien d’autre que cette acceptation : Ta foi t’a sauvée…

Alors, va.

Va en paix.

Et poursuis ta route, avec foi, avec la certitude d’être aimé, avec cette grâce qui t’accompagne sur le chemin de cette année nouvelle qui commence.

Je vous souhaite à chacun-e une belle année dans l’amour du Seigneur.

Amen.

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