15 septembre 2019 – Présences de Dieu – Exode 32, v.7-14 – Luc 15, v.11-32 – Ch. Hervaud

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Présences de Dieu

Et si Dieu ne comblait pas un manque, mais au contraire, creusait en nous le manque ? et si c’était ce manque qui nous construit et non sa satisfaction ?
C’est par un manque que commence l’histoire que nous venons de lire dans le livre de l’Exode.

Le peuple d’Israël est en route pour la terre promise dans une traversée du désert dont l’objectif est sa mise en liberté. Le peuple a du mal à quitter l’esclavage. Libéré par Dieu, il a tendance à regarder en arrière. Dans le désert, il se trouve en trop grande insécurité matérielle et spirituelle. Moïse est monté sur le Mont Sinaï pour recevoir les Tables de la loi de Dieu. Le peuple profite de l’absence de Moïse pour demander à son frère, Aaron, de construire un dieu qui puisse marcher devant eux.

A la lecture de ce texte, on voit bien que la demande du peuple est clairement celle d’avoir un dieu à la portée de la main. Une divinité qu’il comprend parce qu’il pourra la voir et dans laquelle il peut projeter toutes ses images de grandeur, de pouvoir, de certitude.

La construction de ce veau est moins un péché qu’une erreur d’interprétation fondamentale sur Dieu. Le peuple ne comprend pas bien que Dieu ne veut pas se donner à voir mais à lire. Les Tables de la loi, que Moïse apporte, n’ont pas de valeur en tant qu’objet mais parce qu’elles contiennent une parole. L’espace de la parole va s’opposer à l’espace du veau. Ce veau qui est une sorte de puissance totale sans interprétation mais qui se veut rassurante. Moïse va successivement détruire les Tables et le veau qu’il donne à boire au peuple.

Le veau d’or est construit sur une absence : celle de Moïse d’abord, mais surtout celle de Dieu. Le veau d’or, c’est la volonté de confondre dans une même entité Dieu et Moïse, rendre présent et visible ce qui ne l’était qu’à moitié. Le veau d’or veut annuler la distance entre Dieu et les hommes. Annuler la liberté de chacun: celle de Dieu qui donne librement à Moïse les Tables, et la liberté de Moïse qui les reçoit librement. Il reçoit librement cette parole qui s’adresse à son intelligence. Cette distance, on peut la nommer transcendance, transcendance qui s’oppose à l’immanence de l’idole, du tout fait, d’un dieu extension de notre propre monde. Le spirituel ne se donne pas comme une substance sensible mais par l’absence. L’absence et le manque qui posent l’homme dans une situation presque héroïque de l’homme adulte qui mesure sa propre faiblesse. Cela peut nous placer dans une frustration telle que nous cherchons à « remplacer » Dieu, plutôt que d’accepter le manque et l’absence qui posent en nous une recherche du Père dans un lien invisible.

Le peuple est dans la frustration, il cherche donc à combler son manque. Le peuple est insatisfait comme les 2 fils dans l’évangile de Luc.
Le fils cadet aspire à une autre vie : facilité, richesses. Il quitte le père pour tenter de trouver sa voie par lui même. Il se perd dans ses propres désirs, dans une auto satisfaction qui ne mène nulle part. Il perd sa vie.
Le fils ainé n’est pas plus satisfait que son frère, mail il pense être dans la vérité. Il s’est imposé des lois pour se satisfaire. Lui aussi est frustré. Il ne vit pas à la mesure de ce qu’Il a, de ce que son père lui a donné, tout, gratuitement. Sa vie se perd dans le mérite, et le devoir

Quelle est l’attitude de Dieu, du Père, dans ces 2 textes ?
Dans l’Exode, Dieu dit sa déception et sa colère : le livre de l’exode nous dit de façon toute humaine, l’impatience de Dieu face à un peuple qui ne le comprend pas, et le remplace par un objet bien visible, facile à diriger, selon ses propres désirs.
Ce dieu exigeant voudrait bien faire table rase de ce peuple inconstant, et versatile. Il faudra toute la diplomatie, la ténacité de Moise, dans la prière, pour inverser la situation. C’est le Dieu que les anciens nous ont transmis.
L’évangile nous montre un Père patient, qui attend le retour de son fils cadet, et qui supplie son fils ainé de venir se réjouir avec eux.
La venue de jésus le christ changerait elle le regard du Père sur les humains ?
Je le crois.
Je crois que Jésus, avec ce titre de Fils de l’homme, bien plus excellent que celui de Fils de Dieu, comble l’absence et le manque de tous les humains.
Quelle image de Dieu avons nous ?
Celle d’un Père intransigeant, qui ne peut pardonner ce que nous jugeons impardonnable ?
Ou celle d’un Père, attendant, espérant toujours ?
De qui sommes nous les enfants ?
Le Dieu de Moise est celui des évangiles, celle d’un Dieu proche des humains, qui a fait alliance avec son peuple, qui a promis sa présence, qui oublie les fautes, c’est un Dieu en mouvement, un Dieu vivant . Moise est enfant de la promesse.
Quant aux 2 fils, ils ont perdu le Dieu de Moise, ou ils le rejettent ou ils l’ont gardé figés, comme un veau d’or ( puissance, richesse, idolatrie)
Dans l’Exode, la foi de Moise se montre par le lien entre Dieu et Lui. Cette relation permet un dialogue d’égal à égal. Chacun s’écoute.
La liberté de Moise face à son Dieu nous impressionne. Ses paroles nous étonnent.
Elles disent la grande confiance mutuelle de l’un envers l’autre.
Moise parle à Dieu avec audace. Il prie Dieu de changer de voie. Il demande à Dieu de faire demi-tour et de reconsidérer la décision qu’il a prise. Bien loin d’une plainte ou d’un misérabilisme, il met Dieu devant ses responsabilités. C’est une relation d’adulte dans la foi.
Osons nous parler ainsi à Dieu ?
Osons nous le supplier d’agir, de convertir, de tenir ses promesses, de permettre le retour des fils perdus, d’ouvrir l’esprit des religieux enfermés dans leur certitude ?
La prière fait partie des nombreuses réalités d’une vie humaine qui ne nous paraissent pas naturelles et immédiates.
La prière, ça sert à quoi ? Voilà ce que l’on se dit souvent, au fond de soi .
Alors, on laisse tomber…de loin en loin, on s’habitue, on ne prie plus.
Pourtant ici, Moise nous dit aujourd’hui que cela sert à quelque chose de prier.
La prière peut changer notre situation, notre vie et du coup, le monde.
Avec ce texte, nous pouvons affirmer que la prière sert d’abord à DIRE, à expimer les problèmes, les soucis, les déceptions et trahisons. Notre foi n’invite pas au mutisme. Au contraire, il nous faut parler, articuler ce qui fait mal pour en sortir.
La prière est prise de conscience de ma situation face à Dieu, de la promesse et de la fidélité de Dieu.
A quoi sert la prière ?
La prière sert Dieu, la prière sert mon discernement et du coup mon bonheur et celui du monde.
Prier c’est se mettre en présence de celui sur qui je compte et pour qui je compte. Elle est dialogue, écoute, mots échangés qui soulagent et permettent une nouvelle route. Comme le fils cadet, qui prie, en son for intérieur :’ voilà j’irai vers mon Père et je lui dirai…’.
La prière n’est pas un temps de jugement, mais un temps où je me laisse ajuster à la bonté de Dieu.
Dans la prière, je me sens tout petite devant mon Dieu, mais je me sens pourtant libérée. Dans la prière, je me sens aimée.
Par la prière, je trouve ou retrouve le chemin vers le Père. Je ne suis plus perdue. Je peux porter la robe de fête que m’offre mon père, mettre l’anneau à mon doigt et mes sandales au pied, je peux manger et festoyer avec Lui parce qu’il m’ attend patiemment et il est toujours prêt à m’écouter, me parler, me donner bien au-delà de ce que je prie.
Dans les moments de manque, bien humain, dans les moments où nous ressentons un vide , comme les femmes devant le tombeau vide, cherchant le corps de Jésus, dans ces moments-là, il nous faut prêter attention à ne pas nous construire un dieu à notre façon, un dieu qui nous arrange, un dieu qui nous éloigne du vrai Dieu.
Pour s’approcher de Lui, nous avons sa Parole, à lire, écouter, méditer, et le dialogue par la prière. Ne nous en privons pas, car c’est ainsi qu’Il reste vivant en nous .

Amen.

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