23 février 2020 – La réalité de la vie vivante au-delà de la mort – Luc 24.13-35 – B. Marchand

Texte biblique (Trad. Nouvelle Bible Segond)

13 Or, ce même jour, deux d’entre eux se rendaient à un village du nom d’Emmaüs, à soixante stades de Jérusalem, 14 et ils s’entretenaient de tout ce qui s’était passé. 15 Pendant qu’ils s’entretenaient et débattaient, Jésus lui-même s’approcha et fit route avec eux. 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. 17 Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Ils s’arrêtèrent, l’air sombre. 18 L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s’y est produit ces jours-ci ? 19 – Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple, 20 comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour qu’il soit condamné à mort et l’ont crucifié. 21 Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël, mais avec tout cela, c’est aujourd’hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits. 22 Il est vrai que quelques femmes d’entre nous nous ont stupéfiés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et, 23 n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles avaient eu une vision d’anges qui le disaient vivant. 24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. 25 Alors il leur dit : Que vous êtes stupides ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! 26 Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte pour entrer dans sa gloire ? 27 Et, commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur fit l’interprétation de ce qui, dans toutes les Écritures, le concernait. 28 Lorsqu’ils approchèrent du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin. 29 Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour demeurer avec eux. 30 Une fois installé à table avec eux, il prit le pain et prononça la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna. 31 Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. 32 Et ils se dirent l’un à l’autre : Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Écritures ? 33 Ils se levèrent à ce moment même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les Onze et ceux qui étaient avec eux, 34 qui leur dirent : Le Seigneur s’est réellement réveillé, et il est apparu à Simon ! 35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment il s’était fait reconnaître d’eux en rompant le pain.

Prédication

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“Or, ce même jour, deux d’entre eux se rendaient à un village du nom d’Emmaüs […]” Deux d’entre eux. Les disciples, qui rencontrent Jésus sur le chemin entre Jérusalem et Emmaüs, étaient avec Jésus avant sa mort. Ils l’ont suivi, ils ont entendu son enseignement, ils ont vu ses actes. Ils étaient avec tous les autres disciples, à Jérusalem, ce jour même où les femmes, après s’être rendues au tombeau de Jésus pour lui faire les soins mortuaires, sont revenues du tombeau pour leur annoncer que le tombeau était vide. Ces femmes leur ont rapporté les paroles des messagers de Dieu qui les attendaient au tombeau : Jésus s’est réveillé, s’est relevé de la mort. Des paroles de niaiserie pour les apôtres…Les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs ont entendu, ce jour même, le témoignage de ces femmes.

Ils rencontrent un homme sur leur chemin, un homme qu’ils ne reconnaissent pas. Jésus ressuscité, revenu à la vie, serait-il méconnaissable ? Aurait-il pris une apparence tout autre ? “Leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.” Empêchés de le reconnaître. Par quoi ? L’idée qu’ils se faisaient du Christ, celui choisi par Dieu pour sauver le monde, est-elle tellement éloignée du témoignage de Jésus qu’ils sont incapables d’imaginer que Jésus pourrait être vivant ? De comprendre le tombeau vide et la résurrection ? Nos représentations de Dieu sont-elles tellement éloignées de la vérité de Dieu que nous ne pouvons pas croire à la résurrection, que nous ne pouvons pas avoir confiance en la puissance de vie et de relèvement de la mort qui est en Dieu ? Sommes-nous, nous aussi, empêchés par nous-mêmes de reconnaître que Dieu relève de la mort, véritablement ?

Les disciples avancent sur ce chemin et s’entretiennent, débattent entre eux. Ils sont comme pris dans un nœud d’incompréhension, prisonniers d’un vide de sens.

Jésus les rejoint physiquement. Il fait route avec eux. Jésus emprunte leur chemin. Ce chemin n’est pas seulement celui que parcourt leurs pieds. Ce chemin est aussi celui de leur pensée. Jésus les y rejoint en leur posant la question : “Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ?” Cette question les stoppe dans leur progression. Ils s’arrêtent. Oui, les disciples marchaient sans progresser, comme s’ils piétinaient sur place, intérieurement. Jésus réitère sa question : “Quoi ?”. Jésus leur dit : Oui, dites-moi donc ce que vous avez compris de ce qui s’est passé. Jésus nous rejoint dans nos vides de sens et se met à notre écoute.

Pour ces deux disciples, Jésus était “un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple”, nous dit le texte. La puissance du prophète Jésus semble sans avenir. C’est une figure du passé. “Nous espérions”, disent les disciples à Jésus. L’espoir est tombé avec la mort sur la croix. L’espoir n’est pas devenu espérance. Les disciples n’espéraient pas l’impossible — ce qui est de l’ordre de l’espérance —, mais ils espéraient simplement le possible, et le possible s’est arrêté à la mort. Ce qu’ils espéraient n’a aucune conséquence dans leur présent et leur futur. La puissance, pourtant reconnue, sombre avec la mort. Le témoignage des femmes revenues du tombeau vide est bien présent dans leur esprit, mais ce témoignage reste sans effet, stérile pour leurs vies. Il les laisse “stupides”, dit Jésus ; littéralement en grec : insensés, non guidés par le sens.

Et nous, sommes-nous insensés nous aussi ? Qu’espérons-nous ? Espérons-nous le possible, comme ces deux disciples — et alors nous n’avons pas besoin de faire confiance, puisque c’est possible — ou espérons-nous l’impossible qui, seul, demande de faire confiance à Dieu ?

Jésus vient au secours du manque de sens des disciples. Il relit et interprète le Premier Testament — Moïse et les prophètes — comme une annonce de sa venue dans le monde en tant que sauveur, choisi par Dieu par l’onction divine, c’est-à-dire en tant que Christ.

Cette relecture semble être ce qui a remis en marche. Les souvenirs des paroles du passé remettent en mouvement. Les disciples en reparlent à la fin de la rencontre : “Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Écritures ?” La relecture de Jésus ouvre le sens, et pourtant leurs yeux ne s’ouvrent pas encore. Ils poursuivent bien leur chemin, mais s’enfoncent dans la nuit. Les paroles de Jésus restent ancrées dans le passé. Elles n’ouvrent toujours pas, pour eux, sur le présent et l’avenir.

Peut-être avez-vous fait, vous aussi, cette expérience d’entendre une prédication — cette prédication, par exemple — ou de lire un texte biblique, et de ne pas sentir en vous une ouverture qui vous ferait entendre la parole de Dieu ? Mais quelques temps après, cette parole surgit, car elle rejoint votre expérience de vie.

C’est ce qui se produit pour ces deux disciples qui rencontrent Jésus. Lors du repas, quand Jésus rompt le pain, leurs yeux s’ouvrent. Ce geste de Jésus, de rompre le pain, est finalement assez banal, car il faut bien rompre le pain avant de le distribuer, mais Jésus l’a fait il y a peu de temps, en l’accompagnant de paroles particulières, dans le contexte très particulier de la veille (1) de sa mort. La mémoire des disciples en est marquée. Nous nous souvenons toujours de ce geste et de ces paroles, pendant la célébration de la cène. Ici, le jour même de la résurrection de Jésus, ce geste se remplit entièrement de sens. Il vient dire la réalité de la résurrection de Jésus. Oui, Jésus est bien vivant devant eux ! C’est ce qui brûlait en eux et qu’ils n’avaient pas reconnu.

Cette réalité de Jésus vivant transforme intérieurement. Les disciples sont arrivés chez eux au seuil de la nuit. Il en a fallu de peu qu’ils soient même plongés spirituellement dans la nuit. Mais la révélation du relèvement de Jésus hors de la mort illumine les disciples. La nuit, qui est maintenant tombée au-dehors, ne les atteint plus intérieurement, et ne les contraint plus à rester chez eux.

La disparition immédiate de Jésus, la nouvelle absence du corps de Jésus n’est pas plus une menace pour eux, car ils demeurent dans la plénitude du sens de la résurrection, qui est présence permanente de Jésus en eux. Les disciples se remettent en marche malgré la nuit, comme à nouveau éclairés intérieurement, prêts à affronter la nuit du dehors. Ils portent maintenant la bonne nouvelle du relèvement par Dieu de la mort.

Ce récit de rencontre nous invite à cueillir sur nos chemins les signes du Christ vivant, la réalité d’une vie vivante au cœur même de la mort, et au-delà de toute mort. Dans la confiance en cette bonne nouvelle, nous trouverons la vie. Amen !

(1) En fait, Jésus pose ce geste le jour même de sa mort, car pour les Juifs, le calendrier est lunaire, et la journée commence à la tombée de la nuit jusqu’à la nuit suivante.

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