23 septembre 2018 – Une justice injuste ? – Jérémie 12, v.1-3 – B. Marchand

Texte biblique (Traduction Nouvelle Bible Segond)

Jérémie 12, v.1-3

1 Tu es trop juste, Seigneur, pour que je t’accuse ; je veux néanmoins te parler d’équité : pourquoi la voie des méchants est-elle celle de la réussite ? Pourquoi vivent-ils tranquillement, tous ceux qui trahissent ? 2 Tu les as plantés et ils ont pris racine ; ils progressent, ils portent du fruit ; tu es proche, dans leur bouche, mais tu es loin des profondeurs de leur être. 3 Toi, Seigneur, tu me connais, tu me vois ; tu sondes mon cœur : il est avec toi. Réserve-les comme des moutons pour l’abattoir et consacre-les pour le jour de la tuerie !

Prédication

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En regardant les textes bibliques du calendrier liturgique pour aujourd’hui, je me suis arrêté sur celui du livre de Jérémie. Jérémie se plaint à Dieu de ce que sa propre famille veuille le tuer. Il dénonce le fait que tous ont trahi l’alliance avec Dieu, mais sa prophétie dérange, déplaît. Alors, Jérémie se tourne vers Dieu, et c’est le texte que nous venons de lire.

“Tu es trop juste, Seigneur, pour que je t’accuse.” Voilà le problème de Jérémie. Il croit vraiment à la justice de Dieu, et ne voudrait pas la remettre en cause. Littéralement, Jérémie ne voudrait pas “dresser une embuscade” à Dieu. Toutefois, il ne comprend pas sa justice, et il ose s’adresser à Dieu en ces termes : “Je veux néanmoins te parler d’équité.” C’est plus fort que lui ! Jérémie croit savoir ce que devrait être la justice de Dieu. Ce n’est apparemment pas celle que Dieu pratique.

En effet, comment Dieu peut-il être juste alors que tout paraît aller à l’encontre de toute justice ? Dieu serait-il “tellement juste” qu’il n’agirait pas dans le monde ? Serait-il “tellement juste” qu’on n’en verrait aucun effet ? Mais, quelle est donc sa justice ?

Pour Jérémie, les “méchants” sont réservés pour l’abattoir, mis à part “pour le jour de la tuerie”. Mais ce jour tarde. Ce qu’observe Jérémie, c’est l’épanouissement des méchants, leur réussite, sans que rien ne vienne leur faire souci, alors que Dieu est “loin des profondeurs de leur être”. C’est ce que constate Jérémie, et qui est insupportable pour lui. Jérémie se voit menacé, en danger, alors qu’il est, lui, proche de Dieu : “Toi, Seigneur, tu me connais, tu me vois ; tu sondes mon cœur : il est avec toi.” Dieu est responsable de cette situation absurde où les méchants l’emportent sur les bons.

Je crois que le malaise de Jérémie est bien le nôtre aussi. Il nous vient parfois l’envie de devenir des justiciers. Pourtant, nous pouvons remarquer que, pour Jérémie, le rôle de justicier est bien celui de Dieu, pas le nôtre. Il s’en remet à Dieu, même si, dans son désarroi, il lui dicte ce qu’il devrait faire. Ce n’est pas Jérémie qui va opérer la tuerie désirée. Il attend de Dieu qu’il la mette en œuvre. Jérémie comprend ainsi que la justice lui échappe. Il ne la comprend pas et n’en est pas le maître.

Que faire alors face à l’injustice du monde ? Je dirais déjà peut-être : ne pas confondre sa propre justice avec celle de Dieu. Les paraboles de Jésus sur le règne de Dieu nous prennent souvent à contre-pied de ce que nous pourrions imaginer. Le fils aîné n’est pas plus juste que son frère ; c’est ce que conclut la parabole du fils perdu et retrouvé (Luc 15.11-32). Les ouvriers de la dernière heure reçoivent de Dieu la même grâce (Matthieu 20.1-16). Il s’agit donc toujours de se remettre en question pour prendre part au règne de Dieu. Qu’on ne se considère pas comme détenteur de la vérité de Dieu. Les textes bibliques viennent interroger nos pratiques, nos principes. Ils sont l’instance critique de nos vies, et viennent nous titiller, nous mettre en crise. Nous pouvons ainsi espérer y discerner ce qui fait sens pour nos vies aujourd’hui, là où nous sommes.

Ensuite seulement, nous pouvons agir en nous, modestement, à tâtons, pour nous-mêmes aimer les autres tel que Dieu nous y invite. Celui qui nécessite d’être transformé, c’est d’abord moi-même, en m’ouvrant toujours plus à l’esprit de Dieu en moi. La prière joue ici un rôle essentiel. La prière pose des mots sur ma vie et me met en éveil. Par la prière, je transforme mon regard sur Dieu, sur moi-même, sur les autres.

Enfin, comme Jérémie, il me reste à m’en remettre à Dieu, humblement. Je ne compte plus sur mes propres forces, mais sur celles de Dieu. Je ne m’érige plus en juge, mais laisse à Dieu le jugement. Je laisse Dieu se substituer à moi et me vide de la vengeance, de la condamnation, de la haine. La paix de Dieu me libère de mes violences et me rend témoin de sa paix et de son amour. J’y trouverai la vie. Amen.

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