29 septembre 2019 – La vie en partage – Luc 16, v.19-31 – Ch. Hervaud

La vie en partage

Quand je lis ce texte biblique, je suis toujours étonnée par cette histoire , que j’ai, il faut l’avouer, un peu de mal à apprécier à cause de son imagerie : les anges, le séjour des morts que l’on a associé pendant longtemps à l’enfer et au paradis, le châtiment, le jugement très sévère de Dieu envers nous.

Je ne sais pas si vous vous sentez comme moi à la lecture de ce texte, et s’il n’y a pas quelques restes en nous d’une certaine idée de l’au-delà, de la peur, un peu malgré nous, de cet enfer dont on parlait tant autrefois.

A première lecture, c’est à cela que l’on pense : Qu’y a t-il après la mort ? Où va t-on ? Et comment ça se passe dans le séjour des morts ? Est ce que Dieu me jugera digne d’être près de lui ? Et tant d’autres questions encore…

Et cette histoire fait froid dans le dos, à dire vrai.
Alors, que nous dit ce texte ? Il faut s’approcher et le décripter pour y voir ce que jésus veut nous dire aujourd’hui .
C’est une histoire, un conte, en quelque sorte, que Jésus emprunte à la tradition juive et qui s’est répété ensuite en Egypte et en Grèce, avec des variantes.

C’est donc une histoire imaginée par les hommes qui adoptaient l’idée que les âmes sont conduites à l’emplacement qui leur revenait, selon la conduite morale de leur vie terrestre, et pour ce qui concerne le judaisme, dans l’attente du jugement dernier et de la résurrection des morts. Car l’histoire a été imaginée comme se passant dans le séjour des morts, l’haddès, pas en enfer.

Cela donne à penser qu’il y a un lieu intermédiaire où nous pourrons régler nos dettes, nos fautes vécues sur la terre, avant le jugement final. C’est le dialogue avec la demande du riche.
Mais que sait on au juste du séjour des morts ? Rien! à part l’imagination des anciens essayant de s’accomoder avec leur vie d’ici bas.

Les 5 derniers versets nous éclairent sur le but de cette histoire reprise par Jésus. En effet, ces 5 versets ont été rajoutées à l’histoire initiale. La réponse d’ Abraham au riche nous montre que ce n’est pas dans l’au delà que l’on peut régler sa vie, ses dettes, c’est trop tard, c’est ici, et maintenant, sur cette terre, que nous avons à vivre, selon la loi, et en suivant Jésus – Christ.
De fait, cela nous dégage de l’angoisse de l’au delà et de la mort elle même.

Jésus nous appelle à vivre l’aujourd’hui qu’Il propose, avec ce qu’Il nous donne, la loi , les prophètes, ses témoins, sa Parole. Et ce que nous savons avec certitude : il est mort et ressuscité pour tous les hommes. Il nous offre son amour gratuitement, et son Esprit comme guide et consolateur. C’est beaucoup, et c’est bien suffisant.
Alors vivons pleinement !

Et comment ?
Revenons à l’histoire du riche et de Lazare.
Qui sont ils ?

Deux hommes, à l’opposé l’un de l’autre. Un fossé les sépare.
Le riche vit dans le luxe, s’habille de pourpre et de fin lin, fait la fête tous les jours, jouit d’une vie facile . Son attention n’est porté que sur lui – même. Il ne voit pas le pauvre à sa porte. Il est aveugle à ceux qui vivent autour de lui. Il plein de lui même, et croit être rempli, parce qu’il possède des richesses, mais sa vie est d’une grande pauvreté relationnelle.

La loi juive dénonçait l’ostentation et prônait la modération. Certes, il est bon de se le rappeler, mais il ne s’agit pas que d’une attitude face à la richesse dans ce texte, car on peut avoir de grands biens et avoir de la considération pour les faibles et les exclus. Et même si jésus nous rappelle le pouvoir de l’argent, l’égarement qu’il peut engendrer, puisqu’il continue en utilisant deux personnages : un riche et un pauvre, comme il l’a fait dans le chapitre précédent.

L’accent est mis ici sur le trop plein de ce riche, embourbé dans sa propre image, tellement qu’il ne voit plus son manque. C’est une vie en huis clos, solitaire, même s’il doit y avoir foule autour de lui. Une vie loin des autres différents de lui , et une vie loin de Dieu. C’est cela l’enfer : la négation des autres, la négation de Dieu.

Nous le voyons aussi bien dans sa vie sur la terre que celle dans l’au delà. Rien ne change. Il reste coincé dans la même logique, il poursuit le même schéma, celui qu’il s’est construit toute sa vie : nier l’autre, et se faire servir, par Lazare (le pauvre qui ne vaut rien) et par Abraham. Il négocie sa vie.

C’est le chemin que propose la société actuelle : une vie centrée sur soi, sa recherche de bonheur, les possessions, l’argent, l’étourdissement dans le bruit et la foule. Une vie de pauvreté spirituelle et relationnelle, sans véritable partage.

Aujourd’hui, nous devons lutter pour ne pas glisser vers ce que propose notre société, à nous, à nos enfants et petits enfants.
Jésus nous ouvre à un autre chemin, celui du partage.
Lazare est un homme rejeté par la société : à cause de sa maladie, de sa grande pauvreté, de son impureté aux yeux des hommes, il n’a pas de place.

Jésus nous donne la porte d’entrée d’un nouveau royaume. Il renverse les conceptions du monde. Il nous affirme qu’il est le Dieu des pauvres et des exclus.

Lazare, ici, est l’image du salut offert à tous.Il est l’image du Christ, pauvre et exclu, rejeté et souffrant qui nous permet d’entrer dans un autre Royaume, non pas en nous assurant une place dans l’au delà mais en nous donnant accès, ici et maintenant, à la « vraie vie ».

Nous qui appartenons à une société où l’on se construit sur ses propres forces, où le signe extérieur de richesse attise la quête de l’image, nous concentre sur notre bien propre et notre niveau de vie, jésus pointe du doigt la négligence fondamentale de la société humaine du « pour-soi et les autres on verra plus tard ».

Jésus nous parle d’une vie qui s’incarne dans la différence.
Il nous dit que notre salut est dans l’ouverture d’une vie que l’on acceptera au-delà d’un statut social, dans une autre manière d’être au monde.Et il n’est pas question de morale ou de nous bien conduire, de faire notre B.A, il est question de voir quel salut peut nous être donné par le pauvre qui est à notre porte.

Si le riche avait considéré Lazare, s’il l’avait reconnu, il aurait pu être aidé et avoir une autre vie, une nouvelle vie près de Dieu. Oui, Dieu lui venait en aide en plaçant sur sa route quelqu’un de différent.

Il en est de même pour nous : Dieu place sur notre route des pauvres, des exclus, des personnes si différentes de nous que nous ne savons pas toujours comment les regarder. Et pourtant ce sont elles, à l’image du Christ souffrant, qui peuvent être notre salut.

Aujourdhui Dieu nous donne l’occasion de lire notre histoire de vie à la lumière de celui que nous appelons : ‘le pauvre Lazare ‘, et dont le nom signifie : ‘ Dieu vient en aide’

Et si c’était ce pauvre à notre porte qui nous montrait le chemin du partage et du salut ?

Amen.

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