4 août 2019 – Colossiens 3, v.1-4 – F. Smyth

Cliquez ici pour télécharger la prédication 

Epître aux Colossiens chapitre 3, versets 1 à 4 :
« Si donc vous vous êtes réveillés avec le Christ, cherchez les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. Pensez à ce qui est en haut, et non pas à ce qui est sur la terre, car vous êtes morts et votre vie est cachée avec Christ en Dieu ».

———————–

« Cherchez les choses d’en haut », cela peut vouloir dire n’importe quoi, et justement ce dont Paul se méfie le plus.
Mais le texte continue « …parce que vous êtes morts et votre vie est cachée avec Christ en Dieu ». Voilà ce qu’ont lu avant nous, les Colossiens, membres d’une petite église, loin dans les terres de l’actuelle Turquie.

Pourquoi cette phrase tout d’un coup ? Pourquoi ce ton d’urgence presque brutal ? Le début de la lettre est clair : des sortes de missionnaires sont arrivés à Colosses pour y imposer un complément d’information sur tout ce qu’on doit faire, ne pas faire, pour être de bons chrétiens. Il s’agissait pour eux, qui sont des païens convertis, de s’approprier les rites, les lois de l’Ancien Testament ou du Judaïsme, tout ce qui dit l’attachement au passé de Jérusalem (circoncision, sabbat, interdits alimentaires…). Il s’agissait aussi et en même temps, de ce que l’épître appelle une philosophie, en réalité une philosophie du développement personnel qui se présente comme un gage d’avenir, en fait des idées du monde grec, peut-être venu d’Ephèse.

Alors l’épître est en colère, parce qu’il n’y a pas d’autre nécessité pour nous chrétiens, que faire CONFIANCE à QUI est Jésus-Christ. Et même si on méprise cette petite église de Colosses, en attendant de la persécuter, -« une bande de fous » pensent les Grecs, des « libertaires » pensent les Juifs et les Romains- même si elle est privée de la présence de son apôtre, qui est loin, ce jour-là, elle reçoit une lettre si clairement fondamentale pour tous, que nous la lisons encore ce matin.

Le seul fait qu’il faut savoir pour la recevoir ou la comprendre à notre tour, c’est que ceux à qui elle s’adresse ont été baptisés, ou l’ont confirmé, ou l’ont désiré.

Le choix qu’ils ont fait est décisif. Paul le dit aux Romains (6/3) : « ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés ?… Nous croyons que nous vivrons aussi avec lui » (6/8).

La même Epître a précisé : « Si vous êtes morts avec Christ aux éléments du monde, si vous ne dépendez plus de ces puissants du monde, pourquoi vous replacez-vous sous des prescriptions légales « ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas… » Ces commandements humains ont l’apparence de sagesse mais n’ont aucune valeur et ne contribuent qu’à notre propre satisfaction. »

Donc voilà pour la colère dans l’Epître.
« Votre mort est derrière vous » : vous êtes libres de tout le fatras religieux qu’on voit traîner partout. Vous êtes libres parce que la grande peur de la mort qui hante les hommes et les femmes, n’a plus de sens pour vous. Reste la douleur de la mort des autres, à porter dans les larmes de l’amour et la lutte pour le vivant, mais sans angoisse ni culpabilité. Comme les Hébreux à la sortie de la mer, vous êtes libres.

Mais l’Epître n’en reste pas là. (Le livre de l’Exode non plus).
Libérés pour quoi ? Pour vivre quoi ? Et comment ?
« Vous êtes morts et votre vie est CACHEE AVEC Christ en Dieu ».
– Nous prions –et nous avons raison- « que Dieu soit avec nous ». Cela pourrait résumer l’Ancien Testament et Matthieu introduit son évangile en donnant à Jésus son titre d’Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous ».

Mais ici, il s’agit de voir la réalité dans l’autre sens, à l’inverse : « VOTRE vie est cachée AVEC Christ ». Nous sommes morts et pourtant, il ne s’agit que de notre vie.
Elle est CACHEE avec Christ.

– Les Colossiens sont des gens inquiets, ils ont besoin d’être protégés. Mais pas besoin d’anges gardiens ni de règles de vie censées faire d’eux des athlètes ou des saints. Non leur vie est bien gardée par le berger avec qui ils vivent. Elle est cachée avec lui.
Et puis ce qui est caché de nos vies, ou n’apparaît qu’à nos très proches, c’est le réel de nos vies. C’est donc ce réel secret qui est avec Christ, le vrai de nos vies.
C’est un deuxième sens.

– Un troisième sens est là aussi :
Ce « mystère » de nos vies, comme le dit l’Epître, est discret : ni tapage, ni grands cris.
Tout est affaire de confiance. IL a confiance en nous, nous avons eu confiance dans sa confiance, c’est-à-dire en LUI. Alors il a emporté notre vie pour Lui et pour le Royaume.

– L’Eglise de Colosses était minuscule. Il fallait y regarder à deux fois pour la voir. Mais cachée là, elle aussi, elle était promise à la vie, elle était vie avec le Ressuscité. Le petit nombre de baptisés de l’évangile dans les replis de cette vieille terre, c’était l’église cachée avec le Christ, en Dieu, pour le monde.
Pour le monde, parce que être avec Jésus, pour chacun et chacune de nous, et aussi pour toute communauté, grande ou petite, c’est être avec celui dont toute la vie ne fut que pour les autres, celle que nous racontent les quatre Evangiles jusqu’à la Croix.

Vous vous souvenez : lorsque les premiers disciples se levaient et suivaient Jésus qui les voulaient avec lui, ils marchaient le long de son chemin qui allait sans cesse à la rencontre des autres. Jésus leur annonçait non pas la fin du monde –c’était déjà à la mode – mais que le royaume de Dieu était proche chaque fois que lui, Jésus, rendait la vie à ceux et celles qui mouraient de quelque chose (maladie, culpabilité, tristesse, exclusion…)

– Vivre avec Jésus aujourd’hui, ici, c’est vivre avec le même Jésus, c’est vivre contre tout ce qui fait mourir la terre de Dieu, l’humanité de Dieu, nos voisins, et nos voisines, , contre ce qui nous détruit nous-mêmes chaque fois que la colère , le désespoir, la défiance, les petits calculs – à chacun d’inventer !-, chaque fois que quelque chose est plus fort en nous que le désir en effet de VIVRE avec le Galiléen ; celui qui allait de villages en villages (Matthieu 9/35) parce qu’il était là, uniquement POUR les autres, devant Dieu, disant Dieu du même coup, c’est-à-dire en Dieu.

Il a fallu la Passion, et Pâques, pour que le Ressuscité puisse non pas seulement convoquer quelques disciples, mais faire dire aux Colossiens -ou aux Poitevins- ou à la multitude d’autres au long des siècles et partout : « voilà, votre vie est vraiment cachée avec moi, Jésus-Christ, EN DIEU ».

C’est en Dieu qu’est notre vie cachée avec Jésus-Christ. Ce sont les derniers mots de notre phrase, comme un sceau.
Que Jésus-Christ soit en Dieu, nous le croyons.
Que notre vie soit en Dieu un jour, nous l’espérons.

Mais l’Epître ne veut pas de cette logique de catéchisme prudent.
Quand Jésus le Ressuscité nous veut avec lui, vivant avec lui, c’est forcément avec Dieu, en lui ; surtout pour qu’à notre tour, à notre mesure, nous puissions vivre DEVANT DIEU, à ses côtés. On nous l’a dit, cela reste caché.

Pourtant il faut le vivre.
Sinon nous retombons très vite dans les recettes religieuses ou philosophiques où se débattent celles et ceux qui disent chercher Dieu, ou une vie meilleure, etc.…

Il faut croire que, tels que nous sommes, là où nous en sommes de notre parcours, notre petite vie, qui n’a rien de reluisant, notre église qui n’a rien de triomphant, sont déjà avec le Christ, en Dieu, bien cachées, bien emportées par celui qui les a réclamées au prix de sa propre victoire sur la mort, avec sa vie en Dieu, pour que la nôtre soit pour les autres, elle aussi.

A la lecture de la petite phrase de Paul, qui passe de la mort à la vie, comme tout l’évangile, « votre vie avec Jésus » est devenue pour nous « notre vie est cachée ». C’est ce qui se passe chaque fois que nous recevons un texte de la Bible. Il devient NOTRE texte.

A cause de la référence au baptême qui a donné un nom à chacun et chacune, nous entendons « tu es mort/e, TA vie est avec Jésus ». Et c’est juste.
Mais Paul s’est gardé de parler ainsi. Il dit : VOTRE vie.

Embrassés un à un à la première rencontre, nous avons été et nous sommes invités ENSEMBLE à vivre avec le Christ.

Nous n’avons pas, comme c’est la mode à recourir aux techniques du marché pour nous rassembler comme il faut.
Nous avons le privilège d’ETRE ensemble avec Jésus pour les autres.

Le monde autour de nous, tout près de nous, vit SANS DIEU. On vivait sans lui à Colosses, avec des petits dieux de remplacement.
On s’est ri de l’Eglise de Colosses ; on se rit ou on rira de notre Eglise. Parce que le monde a oublié que l’Eglise est née au pied de la Croix où l’on se moquait de Jésus qui n’avait rien d’un « roi des Juifs ».

La vie de l’Eglise est toujours la naissance, hors de la mort pour la vie.
C’est ce que nous célébrons depuis des siècles chaque fois que nous acceptons en nous-mêmes, chacun et chacune ensemble, d’être, comme nous sommes, cachés avec Christ, son Eglise ici, aujourd’hui, pour le cheminement qu’il voudra, pour trouver à dire Dieu au monde qui ne guérit pas d’être sans Dieu, ignorant qu’il est aimé, autant que nous sommes aimés.

Contact