5 mai 2019 – M’aimes-tu ? – Jean 21,v.1-19 – Ch. Hervaud

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Après l’évènement de la résurrection, la vie reprend son cours dans le rythme quotidien des journées ordinaires.

Pierre et ses amis retournent à leurs occupations et leurs métiers de pêcheurs de poissons. Comme pour occuper leur esprit, ne plus penser, s’activer, car que faire après ces manifestations du ressuscité ? Il faut vivre. Mais vivre comment ? Comme avant ? Comme si rien ne s’était passé ?

On sent chez ces quelques disciples, du désarroi, des doutes peut être aussi. Ils ont bien vu jésus ressuscité, pourtant. On les sent dans un « entre deux ». Tout ce qu’ils ont vécu, avec Jésus, ce qu’ils ont compris , plus ou moins bien….à quoi ça sert finalement ? À rien d’autre qu’à retourner dans leur vie habituelle ? Que faire de tout ce qu’ils ont appris de leur maître ? Que faire de cet extraordinaire évènement de la résurrection ? Quel sens donner à tout cela ?

Des questions, ils devaient s’en poser, chaque jour, c’est sûr. Alors au lieu de tourner en rond, il valait mieux travailler. Malgré leur bonne volonté, leur travail a été un échec, cette nuit là. De retour, le matin, un homme les interpelle : avez vous à manger ? Non ? Alors jetez le filet à droite du bateau, et vous trouverez, leur dit il.
Oui, ils ont trouvé ! Du poisson, bien-sûr, mais pas seulement, car cette pêche leur en rappelle une autre, ou à bien y regarder, oui, cet homme , n’est autre que le Seigneur. Il faut la lumière de l’esprit saint pour que l’un des pêcheurs reconnaissent leur Seigneur. Alors ils vont se nourrir auprès du maître, qui les invite, qui a tout préparer pour eux. Le soin que jésus a mis à la préparation de la rencontre, montre l’attente qu’il a eu de les revoir, eux qu’il a choisi, le désir aussi de leur donner à manger, du pain, des poissons. C’est concrètement qu’Il prend soin d’eux. Souvent, c’est au cours d’un repas, par les échanges, l’amitié partagée que quelque chose se produit : la compréhension d’un vécu, l’expérience spirituelle de l’autre, l’ouverture à la connaissance, l’affection fraternelle. C’est parfois, après le repas, que l’on saisit le sens de ce que l’on a partagé. Jésus aimait se retrouver avec ses amis autour d’un repas. Il y a toujours accordé de l’importance.
Après la nourriture terrestre, la nourriture spirituelle.

C’est le moment d’un échange particulier avec Pierre. Etaient ils seuls à seuls pendant cette conversation ?

Pas si évident que ça pour Pierre, cette rencontre, n’est ce pas ?

Lui, qui avait tant affirmé sa fidélité à son maître, lui qui cependant l’a renié trois fois, le voilà en face de jésus dans une conversation intime, essentielle, qui va bouleverser sa vie.

« Simon, fils de jean, m’aimes tu ? »

Quelle question ! Je doute que nous osions la poser . Et quand nous l’osons, quelle peur de la réponse nous avons ! Mais quelle preuve de confiance, quelle preuve d’amour aussi que de la poser !
Est ce ainsi que Pierre l’a entendu ? Qu’a t-il perçu de la question de Jésus ?
Pierre affirme son amitié à jésus. Mais est ce que c’est ce que Jésus lui demande vraiment ?

Nous sommes pauvres en mot en français pour dire l’amour.

En grec, il y en a 4 : eros : désir, amour-passion,( physique), storgé : amour familial,(sentiment d’affection des parents pour leurs enfants), philia : amitié, et appartenance à un groupe social, agapé : amour de Dieu pour les humains, amour au dessus de l’amour, plus fort que philia, qui va jusqu’à l’amour pour ses ennemis.

Par trois fois, Jésus pose sa question, amenant ainsi Pierre à lui dire son amour.
Les 2 premières fois, jésus utilise le mot agapé. Et Pierre lui répond, avec philia : tu sais que j’ai de l’amitié pour toi .

Si jésus utilise le mot agapé, c’est à mon avis, pour montrer à Pierre l’importance de sa demande : Prends soin de mes agneaux, ou sois le berger de mes moutons. C’est à dire : je te confie les miens, prends soin d’eux. Tu es appelé à être berger et non plus pêcheur d’hommes. Jésus lui montre la mission qu’il lui confie et qui sera désormais la sienne.

La dernière fois qu’il questionne Pierre, jésus se met à son niveau de langage, il utilise le mot Philia. Il lui affirme ainsi que l’amitié est réciproque. «  tu es mon ami si tu es le serviteur des miens ».

Jésus pose sa question 3 fois. Pour plusieurs raisons, me semble t-il :

Parce qu’on ne peut pas répondre par un simple oui,comme ça, à la va -vite, sans penser profondément à sa réponse, à ce que ça engage.

Parce que Pierre doit prendre conscience de son amour, quel « sorte » d’amour il porte à Jésus.

Parce que cela peut être pour Pierre une affirmation de son pardon après les 3 affirmations de Pierre reniant jésus.

Est ce que c’est pour cela que Pierre devient triste ? Est ce qu’il repense à sa trahison ? Peut être. Peut être aussi qu’il se sent moins sûr de lui, il a appris l’humilité, il a compris qu’il n’a pas été capable d’aimer Jésus, au moment de sa crucifixion, il ne se sent plus si fort qu’avant. Mais il a encore confiance en Jésus  quand il dit : Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime.

Jésus ne pose pas 3 fois la question pour éprouver Pierre, ni pour le faire souffrir, ni pour lui faire honte en évoquant, par sous entendus, le passé de Pierre.

Au contraire, il lui affirme sa confiance, il lui prouve son pardon en lui donnant une mission où il va accompagner – guider – être le berger des siens.
Jésus lui montre ainsi sa grâce.

A la 3ème question, Pierre comprend que jésus lui demande un autre amour, un amour agapé, c’est un amour plus que les autres qu’il lui faudra pour accomplir sa mission. Jésus lui montre qu’il aura besoin d’un amour qui va au-delà des logiques humaines.

Au bout de la 3ème fois, Pierre est prêt à se laisser mener là où jésus le veut. Il accepte de vivre différemment, de vivre dans la dépendance de jésus.
Jésus a demandé à Pierre une mission particulière, il l’a convié à être le berger des siens. C’était sa mission à lui, et nous savons que grâce à Dieu,il l’a accompli.

A nous, ce matin c’est peut être une autre mission qu’il nous confie. A nous de la trouver. A chacun en particulier, mais aussi en église.

Ce matin, il nous dit son amour, son pardon et sa grâce, afin que nous aimions au-delà de toute logique humaine, d’un amour agapé.

Cet amour ne nous place pas au dessus des autres. Sur ce chemin, loin d’être facile, nous ne sommes pas parfaits, nous sommes comme Pierre.

Et comme à lui, Dieu nous pose aussi cette question : M’aimes tu ?
Est ce qu’il est le fondement de notre vie ? Est ce que nous voulons vivre sous sa dépendance ?

Si notre réponse est oui, soyons en sûr, il est avec nous sur le chemin.
Il nous aidera à accomplir ce qu’il nous demande.

Amen.

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