La question de la place de Dieu dans le grand malheur

 

La question de la place de Dieu dans le grand malheur est si importante qu’un livre entier lui est consacré, celui de Job. Il se présente comme un conte oriental qui raconte l’histoire d’un homme qui avait tout pour être heureux. Job était riche, il avait une bonne santé et une grande famille, Job aimait Dieu et il ne manquait pas d’offrir des sacrifices de reconnaissance pour lui et ses enfants.

Le prologue rapporte une curieuse conversation entre Dieu et son adversaire appelé « le Satan ». Alors que ce dernier revient d’une promenade sur la Terre, Dieu lui demande s’il a remarqué la foi de son serviteur Job. Le Satan lui répond que ce n’est pas très difficile pour Job d’avoir la foi, vu la façon dont Dieu l’a béni. En suggérant l’idée que la foi de Job est intéressée, le Satan instille le venin du soupçon. Pour lui répondre, il n’est qu’une solution, éprouver Job en lui faisant perdre tout ce qu’il a. Les épreuves vont s’accumuler sur les épaules de Job : ses troupeaux sont décimés par les tempêtes et les voleurs, ses enfants périssent dans l’effondrement de la maison dans laquelle ils sont rassemblés pour festoyer. Il se trouve enfin atteint d’une maladie de peau. Il est désormais pauvre et malheureux, réduit à gratter ses croûtes avec un tesson de bouteille sur un tas de fumier. Job a-t-il tout perdu ? Non, car il lui reste trois amis qui ont entrepris un voyage pour lui rendre visite. Ils arrivent devant la maison de Job et compatissent à son malheur en déchirant leurs vêtements et en se couvrant la tête de cendre. Puis, ces amis vont témoigner de ce qui est peut-être la plus belle marque d’amitié que l’on trouve dans la Bible. Pendant sept jours et sept nuits, ils se taisent, ils sont simplement là, dans le silence et la cendre pour partager la peine de leur ami dans son épreuve. Job, le premier, prend la parole dans un discours qui est une plainte absolue et que l’on peut résumer en une phrase : « J’aimerais mieux ne pas être né ou être déjà mort. Pourquoi Dieu ne me laisse-t-il pas mourir ? » (Jb 3). Les amis ne supportent pas la radicalité de la plainte de Job et se lancent avec lui dans une dispute qui va s’étendre sur 34 chapitres.

Le premier à intervenir est Éliphaz de Témanite. Il dit deux choses : « Aucun humain n’est juste devant Dieu » (Jb 4,12-21), et : « Job doit accepter la punition de Dieu » (Jb 5,17-27). Le discours des amis est d’une haute valeur spirituelle, certaines de ses paroles rappellent les psaumes. La théologie qu’il reflète est naturelle, logique. Elle cherche une explication au malheur et conclut que si l’épreuve s’est abattue sur Job, c’est qu’il est puni de Dieu. Comme Dieu est juste, Job a dû commettre de lourdes fautes ; et comme Dieu est compatissant, Job doit se repentir pour être restauré.

Cette argumentation est cohérente. Au fond de nous, nous avons tous la tentation de vouloir poser une corrélation entre le mal et la faute. Nous la retrouvons aujourd’hui dans ceux qui font de l’épidémie du Covid-19 une conséquence de la mondialisation, du libéralisme économique, du réchauffement climatique… Le problème de cette théologie est qu’elle est un excellent commentaire de la pensée du Satan, lui qui avait posé la corrélation inverse entre la foi et la bénédiction. La grande leçon de la Bible est que le discours qui fait coïncider l’épreuve et la faute est le discours du Satan. À la limite, nous n’avons pas besoin de la Bible pour le savoir, il suffit d’ouvrir les yeux sur la situation du monde : l’agonie d’un enfant et la mort d’un innocent suffisent pour interdire une telle articulation.

Pasteur Antoine Nouis

Réforme N° 3848 du 30 Avril 2020   Lire la suite

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