Le Vieux Temple : Histoire, Architecture…

(Mino Randria, 17 septembre 2019)

Histoire

Le Registre des Délibérations du Consistoire particulier de Toulouse, ancienne dénomination de l’église protestante de la ville à sa reprise après le Désert (clandestinité durant la période de la persécution et de la non-reconnaissance par le royaume de France), atteste que celle-ci existe dès 1789.

Mais elle n’est réunie « officiellement » pour la première fois que le 12 floréal an XIII (1er mai 1805), dans les locaux de la mairie, puisqu’elle n’avait pas de lieu attitré, les anciens lieux de culte protestant calviniste du XVIe siècle n’existant plus. Le Vieux Temple leur sera alors affecté par Napoléon lui-même.

Mais d’où vient donc ce bâtiment ?

Avant 1804

En 1229, à la suite du traité de Meaux-Paris, le comte de Toulouse, Raymond VII, accepte les conditions du roi de France et du pape pour mettre fin à la croisade qui ravageait ses terres.

L’une de ces conditions consiste à créer une Université de théologie (puis de droit) afin d’éviter les hérésies comme le catharisme. D’après le livre de Jules de Lahondès sur Les monuments de Toulouse (1920), c’est en 1327 que les Capitouls firent construire dans ce quartier un bâtiment pour l’enseignement de la théologie, à l’angle de la rue des Cordeliers, devenue rue Deville, et de la rue des Tierçaires ou rue Pargaminières.

Alexandre du Mège raconte l’existence (en 1846), sur une porte, de l’inscription suivante : « Collegium nobilibus patribus nuper institutum, anno bis decies septem ter saecula quinque nobiliumque decus extulit ordo patrum. » (École que les nobles pères établirent, en l’an 1327,  pour la gloire des pères).

Pierre Salies confirme, dans son Dictionnaire des rues de Toulouse (1989), qu’une « université de théologie » se trouvait au n°70 rue Pargaminières dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Après 1804

Après la Révolution, le bâtiment de l’école de théologie devient bien national. D’après Pierre Salies, le culte protestant y était célébré à partir du 7 février 1804.

Lors de sa première réunion officielle du 1er mai 1805, le Consistoire protestant de Toulouse décide d’écrire au maire pour que le « gouvernement leur donne jouissance de l’immeuble nommé Schola Matrix pour célébrer leur culte ». Le maire répond, le 15 prairial an XIII (3 juin 1805), qu’un arrêté préfectoral du 8 prairial (27 mai 1805) met « à la disposition des membres du Consistoire de l’église de Toulouse le bâtiment national connu sous le nom de Schola Matrix. » La Commune subvient en grande partie aux frais des travaux de restauration.

De nouveaux travaux sont apportés par l’Église Réformée de Toulouse en 2013.

D’après Bernard Reymond, l’architecture protestante réformée privilégie la fonctionnalité à la sacralité, puisque Dieu seul est saint, et aucun autre objet ne peut l’enclore ni le localiser.

L’appellation « temple » ne convient pas puisque ce n’est pas l’habitation d’aucune divinité. La fonction du lieu de culte consiste à ramener l’humain à l’essentiel : reconnaître le fondement de sa vie pour pouvoir en vivre, en évitant de s’attarder sur ce qui est secondaire.

Notre protestantisme est plus idolophobe (se méfiant de tout ce qui risque de défigurer Dieu ou de prendre sa place : objet, pensée, idée, vérité, institution, personne, etc.) qu’iconoclaste (qui brise les images).

M.R.

Le Consistoire protestant célèbre une cérémonie solennelle le 24 novembre 1805. Le pasteur Jean-Pierre Pradel Vernezobre (fils du pasteur du Désert, Jean Pradel dit Vernezobre, et frère de Jean-Frédéric Pradel Vernezobre qui fut doyen de la Faculté de théologie protestante de Montauban) y prononce une allocution :

« Sans doute que vos pasteurs saisiront avec empressement cette nouvelle occasion de rappeler aux Réformés de ces contrées tout ce qu’ils doivent d’amour, de respect, de fidélité à leur légitime souverain ; sans doute qu’ils aimeront à redire tout ce que Napoléon fit en faveur de nos institutions si longtemps dédaignées ; tout ce qu’il fit pour nos sanctuaires dévastés, pour notre culte proscrit, pour nos lévites frappés du sceau de la réprobation… »

L’édifice restauré et aménagé est inauguré et dédicacé liturgiquement au culte protestant réformé zwinglien-calviniste rendu à Dieu le 1er janvier 1806.

David-César Chabrand (1780-1861), pasteur revivaliste formé à Lausanne, nommé en 1807 dans une église toulousaine qui attend de la philosophie, organise une cérémonie de rencontre avec l’Empereur Napoléon. Le 25 juillet 1808, les anciens du Consistoire se présentent devant l’Empereur, et Chabrand « fait l’éloge des bienfaits que son règne accorde aux protestants, qui sont publiquement présentés comme légitimes et dignes enfants de la Patrie » (Sarah Davidson, 1994). Le  27 juillet 1808, Napoléon affecte définitivement aux Protestants le bâtiment de la Schola Matrix. C’est une reconnaissance officielle de l’église protestante de Toulouse par les autorités. Mais c’est aussi le signe public de l’abandon de l’indépendance pour cette église.

En 1913, le pasteur Edmond Lengereau (1864-1942) négocie avec l’Administration des domaines le droit de jouissance perpétuelle de ce bâtiment, appelé désormais « le Vieux Temple » après l’achat du Temple du Salin (en 1906) (Edmond Lengereau était pasteur à Toulouse de 1895 à 1936. Son père, François Lengereau, fils de maçon, était missionnaire en Nouvelle-Calédonie et aux Îles Loyautés après 1886 et jusqu’en 1903, et y a contribué à l’organisation de l’institution ecclésiale et à la construction d’édifices religieux).

Contact