Texte de Christian avant la séance du 15 oct21

BàBR 2021-2022

LIVRE DES ACTES /ACTES 2/42-47 et 4/32-37

  1. LES DEBUTS DE L’EGLISE

A l’origine…  > Luc 5/11 et  32, Luc 6/12-16

Les premières communautés  > Actes 2/42-47, Actes 4/32-37

De l’appel originel aux premières communautés, ou comment la Bonne Nouvelle prend forme et vie au milieu d’un peuple désemparé  

 

Suite du petit catalogue de ce qu’il me paraît utile de préciser et de noter :

 

Le vocabulaire :

Le mot église, du grec ekklésia : assemblée politique du peuple, en grec biblique il traduit plusieurs termes hébraïques : qâhâl: la voix, ou ‘édâ : assemblée, qui ont également donné en grec synagôgé (synagogue) : pousser ensemble.

Le mot église est préféré au mot synagogue non seulement par besoin de se distinguer en tant que communautés qui reconnaissent Jésus comme messie, mais aussi à cause de l’assonance et de  l’étymologie de ce mot : ek-kaléô qui indique un double mouvement : appeler (kaléô) au-dehors (ek-) pour réunir, assembler, en quelque sorte c’est une convocation, soit un appel à venir faire commun(auté)

Le mot église est absent des quatre évangiles hormis deux allusions en Matthieu 16/18 et 18/17 (j’y reviens plus loin). Cependant cette acception y est implicitement présente, particulièrement avec les appels des disciples tels que nous en parle Luc dans son évangile, et avec les toutes premières assemblées des premiers convertis telles qu’il nous les décrit dans son Livre des Actes : voir les références ci-dessus.

Le mot église indique mieux que ceux d’assemblée, de communauté ou de synagogue, ce mouvement sous l’effet d’un appel, d’une vocation : les descriptions sans doute plus théâtrales que véridiques (il s’agit d’un témoignage, non d’un reportage) que ce soit de la réaction des disciples qui, sur le champs laissent leurs affaires et vont avec Jésus, ou que ce soit de la manière si fraternelle de vivre des premières communautés, montrent à l’envi que l’église est la réunion d’hommes et de femmes sortis de soi et de leurs accaparements pour aller vers et avec l’autre, les autres avec qui partager et agir pour d’autres encore, sans réserve ni limite.

Le mot église induit donc un mouvement « centrifuge » par lequel l’appelé.e  s’expose, sort de ses positions ; mouvement très différent, on le comprend vite, des mouvements « centripètes » induits par nombre d’églises et mouvements charismatiques, évangéliques mais aussi par nos églises dès lors qu’elles se replient  sur elles-mêmes, qu’elles prétendent surtout défendre ou attester leur identité.

             

L’usage :

C’est à cet endroit qu’il est nécessaire, à la suite des Réformateurs, en premier lieu Luther et Calvin, de distinguer au moins deux niveaux de l’Eglise, ou deux définitions de l’Eglise, non pas contraires ni exclusives mais complémentaires et  synergiques, voire inclusives :

  1. L’Eglise événement (on parle également d’Eglise de la Parole, d’Eglise spirituelle ou d’Eglise universelle) émanation de l’action de Dieu par le moyen de l’Esprit saint, par exemple qui advient lorsque l’on se réunit au nom de Jésus christ, pour prier, lire et méditer les Ecritures, mais aussi et tout autant lorsque l’on accueille autrui, que l’on défend ou que l’on s’engage au service d’autrui.

Donc une église sans mur, sans limite, sans dedans ni dehors, les croyants, ouverte et remuante, les témoins pouvant venir de (et être de) partout, des paroisses comme du monde. Sans la prétention non plus de se maintenir coûte que coûte, comme si elle pouvait vivre d’elle-même, alors qu’elle ne surgit et n’existe qu’en fonction et au moment de l’adresse d’une vocation extérieure, dont elle est, au mieux, la vivante expression.

  1. l’Eglise institution (on met aussi sous ce vocable les églises, les dénominations, les missions, les mouvements, les oeuvres, les paroisses, et autres organisations), émanation d’actions humaines, elle initie, défend et promeut autant faire se peut l’Incarnation, la matérialisation de l’Eglise événement mais qu’elle ne gouverne, ne contient, ni ne possède, mais de laquelle il lui faut se laisser gouverner, contenir et posséder.

Une pauvrette église selon l’heureuse formule de Calvin, humble cadre et support de l’Eglise événement que la chrétienté constantinienne et césaro-papiste, mais aussi protestante (eh oui), s’était depuis longtemps éloignée, en confondant l’Eglise institution avec l’Eglise événement, et en trahissant outrageusement sa mission de service et de témoignage.        

 

Les idoles et l’idéal :

Que les quatre évangiles ne parlent pas explicitement de l’église, comme je l’ai précédemment relevé, n’a rien d’étonnant, si l’on se souvient que Jésus, qui fréquente plutôt assidûment – et quelquefois anime – les synagogues de son pays, ne semble pourtant pas avoir eu l’intention de fonder une église, pas plus d’ailleurs qu’il ne semble avoir eu l’intention de fonder une religion. Ce qui n’empêche pas que les structures humaines – et parmi elles l’Eglise institution – soient bonnes et fort utiles, mais tant qu’elle s’en tiennent à mettre en oeuvre l’Eglise événement ! Sinon elles donnent dans l’idolâtrie dont elles sont elles-mêmes les idoles.

Et que Matthieu, puisqu’il y a souvent une exception à la règle, soit le seul des quatre évangélistes à employer le mot église, qui plus est à l’occasion de l’intronisation de son chef : Sur cette pierre je bâtirai mon église, n’est pas non plus anodin, quand on se souvient  que c’est le même Matthieu (ou peut-être l’un des rédacteurs de son évangile) qui, avec des formules d’allure très doctrinale et  institutionnelle, fait dire à Jésus : De toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit (Matthieu 28/38-39).

 

Dans les deux péricopes du Livre des Actes retenues pour cette rencontre (Actes 2/42-47et Actes 4/32-37), Luc nous présente un idéal d’Eglise, ou ce qui lui ressemble. Non point pour abuser de la crédulité de ses auditeurs et lecteurs sur ce qu’il en est vraiment de ces premières communautés. D’abord il est possible que l’espoir d’une Parousie imminente ait pu convaincre nombre de fidèles d’en vivre effectivement les promesses, c’est en tous les cas une hypothèse apocalyptique souvent admise. Et puis, si Luc nous en  brosse deux petits tableaux plutôt flatteurs, ce n’est que pour mettre le plus en valeur possible un exemple, une illustration, mieux encore un modèle aux traits concrets de ce que qu’est l’Eglise événement. Où l’on répond à sa vocation, où paroles et actes sont en cohérence, où la prédication de l’amour du prochain est mise en pratique, où la Bonne Nouvelle est vécue pour les autres comme pour soi. C’est la façon qu’a Luc de montrer – je veux dire : de nous faire voir – ce que Jean l’évangéliste a dit d’une phrase que les membres de nos églises d’aujourd’hui ne devraient avoir de cesse de se répéter : A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. (Jean 13/35).

 

Christian Ginouvier   

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