Texte de Christian Ginouvier pour BàBâR du 1 oct 21

BàBR 2021-2022

LIVRE DES ACTES /ACTES 2/14.36

  1. INTRODUCTION A LA BONNE NOUVELLE

Jésus à la synagogue de Nazareth > Luc 4/16-30

Pierre aux pèlerins de Jérusalem > Actes 2/14-36

Comment Luc introduit dans chacun des livres de son diptyque le projet de la Bonne Nouvelle par deux grandes tirades à caractère catéchétique.

 

Petit catalogue de ce quil me paraît utile de repréciser et de retenir

 

Pentecôte

Rappel de ce que c’est

– Dans le judaïsme – on ne l’appela comme cela que tardivement, c’est Shavouot, la fête des semaines, des sept semaines (de sept jours = quarante neuf, presque cinquante) que durent en moyenne les moissons, fête de reconnaissance lors de laquelle on offre les premiers fruits, occasion d’un pèlerinage à Jérusalem en résonance avec le pèlerinage pascal, augmenté plus tard par la célébration de l’Alliance au Sinaï. – Dans le christianisme, avant de perdre de vue cette acception juive, elle se double, cinquante jours après Pâques, d’une commémoration du don de l’Esprit saint qui inaugure l’Eglise et signe l’universalité de l’oeuvre de Dieu.

Puisqu’il est question du chiffre sept (indice d’aboutissement, d’accomplissement, de perfection) et de ses multiples, il n’est pas inutile de relever que Luc (4/16) précise que Jésus entra dans la synagogue le jour du sabbat, le septième jour donc, jour de fête.

 

Sites

-dans Actes 2 : au coeur du pays (à la jonction du Nord et du Sud) Jérusalem, le nombril de la Terre selon certaines légendes juives, la ville sainte écrin du Temple et prémices de la cité céleste, d’où tout rayonne et à laquelle on revient se recueillir, se ressourcer, se rassasier de (la présence de) Dieu. – dans Luc 4 : au nord du pays (pas loin de la frontière avec la Syro-Phénicie) Nazareth, petit village sans importance au sud-ouest du Lac de Tibériade dans les collines qui entourent le Mont Tabor, et dont on ne se met à parler que parce que Jésus y a grandi, y a été nourri dans l’entourage de ses proches dont Joseph le charpentier dont il a été peut-être l’apprenti.

 

Esprit saint

Je repandrai de mon Esprit sur toute chair, déclare Pierre citant le prophète Joël (3/1-5) au début de sa longue tirade (Actes 2/17)

Lesprit du Seigneur est sur moi, déclare Jésus au début de sa tirade (Luc 4/18).

Ces deux passages confirment ce que nous disions lors de notre précédente rencontre : l’Esprit Saint, à l’instar de la Parole, est ici, non pas un qualificatif de Dieu qui préciserait son être, sa nature, son statut (ce que fait le dogme trinitaire), mais bien une représentation, une façon à la fois explicite et synthétique de montrer, plus que l’action de Dieu, son plein engagement – sa présence – dans l’action qu’il mène – c’est lui­même qui intervient, qui s’investit, non pas qu’il se confonde tout entier avec son action (il est plus que ce qu’il fait) mais parce que quand il se donne, il s’y donne entièrement… comme l’atteste l’incarnation.

Nous l’avons déjà remarqué lors de notre précédente rencontre, l’Esprit Saint se distribue, non pas de manière générale, recouvrant indistinctement tout le monde, mais au contraire en distinguant chacun, chacune, se donnant à chacun, chacune, précisément, personnellement : ils virent des langues, comme de feu, se partager et se poser sur chacun deux (Actes 2/3).

C’est aussi ce que souligne Pierre citant ce passage du prophète Joël qui énumère les bénéficiaires à venir de l’Esprit : fils et filles, jeunes gens et aînés, serviteurs et servantes… (Actes 2/17-18) ; c’est aussi ce que fait Jésus à son propos : lEsprit du Seigneur est sur moi. (Luc 4/18), et ce que faisait déjà l’ange annonçant à Marie : lEsprit Saint surviendra sur toi… et te couvrira de sa nuée – ou de son ombre (Luc 1/35).

 

Universalité

Cette remarque sur le discernement de l’Esprit Saint éclaire ce que l’on peut dire de l’universalité, sinon de Dieu, de l’engagement de Dieu, de son action favorable, en mettant en évidence que Dieu tient à entamer et entretenir des relations personnelles avec des individus ou même des groupes précis. En choisissant de relater tous ces événements et en les relatant de cette façon, Luc suit une ligne très différente – et à certains égards en contradiction – avec celle qu’a suivi Matthieu, ou un rédacteur ultérieur si l’on s’étonne que Jésus ai pu utiliser la formule trinitaire et si l’on compare cette finale de l’évangile (Matthieu 28/16-20) avec ce qu’il rapporte par ailleurs (Cf. Matthieu 10/5-6). Mais qu’importe l’auteur, c’est dit et cela va grandement influencer la chrétienté dans ses convictions (doctrine) comme dans ses relations au monde (mission) :

Allez donc à toutes les nations, faites-en des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé.

Luc n’induit pas une lecture et une interprétation à la fois aussi impérieuse et impériale de l’universalisme, qui s’assortissent davantage au constantinisme et au césaro-papisme.

Je dirai même qu’il nous aide à avoir une lecture et une interprétation plus fines, plus nuancées de l’universalisme. Ce sont bien des gens venus du monde entier (tel qu’on se le représentait alors) qui se retrouvent à Jérusalem, mais essentiellement des gens de la Diaspora juive, des étrangers certes et parmi eux sans doute des goyims (païens) convertis, mais tous dûment répertoriés. Certes, ce rassemblement présage d’assemblées plus profuses encore, et ce que raconte Luc dans la suite de son Livre des Actes en témoigne.

 

Répétons-le, en mettant à ce point en évidence le mode d’action de l’Esprit Saint et en nous racontant avec ces précisions l’événement de la Pentecôte, Luc nous aide à lire et à interpréter l’universalisme que nous prêtons à Dieu, non comme une prétention à convertir tout le monde et à être le Dieu de l’Univers entier, ça c’est une prétention de la chrétienté et de ses succédanés, mais comme la traduction de ce que l’on appelle la grâce, un amour sans condition, sans mesure et sans fin, qui l’amène à accueillir quiconque et le porte vers quiconque, disposition qui, suivant les circonstances, les personnes, le rend heureux, reconnaissant, (osons ces anthropomorphismes) mais aussi attentif, attentionné, préoccupé, soucieux de quiconque dans tout le monde. Dieu ne s’impose pas, il se propose, éventuellement nous propose ; il est là, bien là, présent, Seigneur sans doute, mais du style serviteur. C’est également comme cela que l’on peut aujourd’hui à notre tour parler de l’universalisme, comme d’une ouverture (d’Esprit!) sur le monde, d’une disponibilité envers quiconque.

 

Catéchèse

-.dans Actes 2/14-36 : suite à un court message prophétique (2/16-21), qui sert à Luc d’introduction à la Bonne Nouvelle, le discours de Pierre se poursuit (2/22-36) avec, sous forme de tirade ce que l’on pourrait appeler un catéchisme, dans lequel, faisant référence à plusieurs Psaumes, à l’évangile de la résurrection (par deux fois : 2/24 et 31-32), l’apôtre argumente, explique la Bonne Nouvelle, – dans Luc 4/16-30 : suite à une allusion au fait que c’est lui-même qui est (porteur de) la Bonne Nouvelle, Jésus se lance, se référant aux Livres des Rois, dans ce qui ressemble à un court catéchisme, mais à rebours, une argumentation et une explication par l’absurde de la Bonne Nouvelle.

 

Remue-méninge

Les troubles qui entourent ces deux événements, que ce soit le jour de la Pentecôte avec l’irruption de l’Esprit Saint, que ce soit un jour de sabbat avec l’intervention de Jésus, oint de l’Esprit Saint, révèlent combien il est difficile d’accueillir, d’entendre et qui plus est – sans doute – de vivre la Bonne Nouvelle. Il est compréhensible qu’elle nous rende furieux (Luc 4128), tout au moins qu’elle nous bouleverse. Au demeurant, c’est l’une de ses vocations : certes, elle porte, elle incarne l’amour. Mais un amour qui nous met hors de nous-mêmes (Actes 2/7), qui défait nos idoles et nos idées toutes faites, puis qui nous aide à nous dépasser, à nous élever, un peu au moins.

 

Si nous pouvions déjà être de celles et ceux qui commence à dire non mais qui finisse par y aller !

 

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