Texte de Christian Ginouvier pour BàBâR du 24 Sept 21

BàBR 2021-2022

LIVRE DES ACTES /ACTES 2/1.13

        1. AUX DEBUTS, L’ESPRIT SAINT

Annonciation et Nativité > Luc 1/26-35 et 2/1-20

Pentecôte > Actes 2/1-13

Les humbles mais extraordinaires débuts de l’épopée de la Bonne Nouvelle

Deux moments différents et très comparables, ou comment l’histoire commence et  rebondit .

 

Aussi connu soit-il, le récit de la Pentecôte mérite toujours d’être étudié, approfondi.

Suivant notre intention de découvrir le message central du Livre des Actes trop souvent estimé comme un document historique en appendice des évangiles ou des épîtres, nous considérerons aujourd’hui moins l’événement dans son ensemble, que ce qu’il nous dit de l’Esprit ou plus exactement de l’ Esprit Saint. puisque telle est la formule utilisée.

Luc (ou l’école de Luc) ayant composé de manière parallèle les deux livres (ce que nous avons mis en évidence lors de notre première rencontre), il semble judicieux à cet endroit de rapprocher du récit de la Pentecôte le récit de l’Annonciation en Luc 1/26-35, surtout le verset 35a :

L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de sa nuée.

 

Il ressort que Luc – le grec, d’origine ou de culture – entend (que ce soit dans l’évangile comme dans les Actes) le mot Esprit .dans sa version grecque, pneuma un mot grammaticalement neutre*, qui, lui semble-t-il, ne prête pas d’emblée à confusion comme la version hébraïque, rûah (souffle), qui est du féminin, et la version latine, spiritus, qui est du masculin ; en effet :

– une femme ou un esprit féminin ne saurait mettre enceinte une femme, Marie en l’occurrence (voir à ce sujet  l’Evangile de Philippe 55/23-36 du 2e siècle qui va jusqu’à remettre en cause le fait que ce soit l’Esprit Saint qui en soit l’auteur puisque le milieux sémitique d’où sort cet écrit entend l’Esprit  Saint au féminin),

– un homme ou un esprit masculin, là c’est logique, et l’on peut penser à Joseph et c’est  peut-être ce que pense le docteur Luc, mais c’est moins logique pour l’évangéliste Luc qui tient à expliciter la nature du lien Dieu-Jésus. Parce que, si Jésus a un genre, Dieu qui s’incarne** en lui, n’a pas de genre. Tout comme les anges (Il est étonnant à cet égard que celui de l’Annonciation soit nommé : Gabriel, Force de Dieu, à moins d’entendre ou de lire de façon inclusive : Gabriel.le !)

Et là Luc, pour expliciter l’intervention concrète du Dieu neutre et sa rencontre avec du féminin-masculin genrés choisit – tout naturellement pour lui, le grec (d’origine ou de culture) – d’évoquer l’Esprit Saint dans sa version grecque qui est neutre.

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Montrer que Luc utilise – dans les Actes comme dans son Evangile – la formule Esprit Saint dans son acception grecque (neutre), est instructif en ce sens que cela nous permet alors de comprendre qu’au-delà d’une démonstration sur la nature non physique de la conception de Jésus,

Luc (ce qu’il a fait par ailleurs en donnant une place centrale à l’Ascension***) tient fermement à témoigner que Dieu est universaliste : il transcende les genres et autres caractéristiques humaines. Universaliste, ce qui veut dire qu’il est concerné, intéressé, préoccupé, passionné par l’univers, le monde entier, vers qui il vient, pour qu’en christ, comme l’a dit son maître l’apôtre Paul, il n’y ait désormais  (entre autres) …plus l’homme et la femme  (Galates 3/28b), non qu’il les annule mais parce qu’en lui, avec lui, sont annulées toutes oppositions et déchirures.

 

De ces propos sur l’usage par Luc de l’Esprit Saint à l’Annonciation et à la Pentecôte dont il est le seul à avoir fait de (tels) récits, on peut aussi déduire comment il le considère : non pas comme une personne, ni non plus comme la figure d’un dogme (la Trinité), mais davantage comme une épiphanie, une manifestation de l’action de Dieu, qui pareillement à sa Parole par exemple est, non pas seulement un geste de Dieu mais je dirai un mouvement, je veux dire une action par et en laquelle Dieu s’engage totalement.

Cette acception de l’Esprit Saint, me semble-t-il est parfaitement illustrée par la forme sous laquelle il est représenté : des langues, comme de feu, se partageaient et se posaient sur chacun deux, écrit-il dans le Livre des Actes, comme il écrit dans son évangile : lEsprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de sa nuée. Deux images qui rappellent ce que disait de la présence active de Dieu auprès de son peuple dans le désert Exode 13/21-22 : Le Seigneur lui-même marchait à leur tête, colonne de nuée le jour, pour leur ouvrir la route, colonne de feu la nuit, pour les éclairer.

 

 

* Voir Gregory J. Riley : One Jesus, many  Christs, Harper, San Francisco 1997

** Luc est avec Jean le grand théologien de l’Incarnation

*** Ce que nous avons relevé lors notre deuxième rencontre.

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