L’exemple du samaritain

Prédication du dimanche 10 juillet 2016

Luc 10, 25-36

On entre dans la parabole du bon Samaritain par une porte, on en ressort par l’autre : Jésus la raconte pour répondre à la question « Qui est mon prochain » et nous voici propulsé dans la peau de l’homme blessé qui découvre avec stupeur que celui qui se porte à son secours n’est pas un des notables de son pays, un des saints hommes de sa religion mais un étranger, un presque païen, un samaritain… Si cette première porte d’entrée a le mérite de nous déplacer dans notre vision du prochain à aimer qui n’est pas celui qu’on croit, elle pourrait nous entraîner à une conclusion erronée : le prochain, celui que l’on doit aimer, c’est celui envers qui l’on est redevable… C’est déjà mieux que « le prochain, c’est celui qui est comme moi ». Mais ça n’est pas le message de Jésus : on est en effet loin de « aimez vos ennemis » « si vous ne saluez que ceux qui vous saluent, en quoi êtes vous différents des païens »… Et surtout, ce serait oublier par quelle porte Jésus nous fait ressortir de la parabole : « Va, et fais de même ». Et là, tout le monde comprend bien que cela signifie « va et agis comme le samaritain ».

Ainsi le Samaritain de la parabole, d’objet de l’amour, de figure à aimer devient sujet de l’amour et exemple à suivre…

Alors, puisque nous sommes invité à entrer dans la vie en imitant le samaritain, demandons nous en détail ce qu’il fait.

Le samaritain se porte au secours de celui qui est dans la détresse, il ne passe pas son chemin quand il voit un humain en danger de mort. Et c’est bien dans cette situation que nous sommes : nous voyons des hommes, des femmes, des enfants menacés par la guerre et le terrorisme, tellement désespérés qu’ils sont prêts à tout laisser, à tout tenter, à tout risquer pour fuir ces dangers.

Va et fais de même : va et porte toi au secours de l’humanité qui souffre.

Mais, ne rêvons pas, tout comme nous, le Samaritain avait de nombreuses raisons de ne pas se laisser conduire par sa pitié, de ne pas suivre son cœur. Et il est bon que nous nommions ces raisons, que nous écoutions nos réticences, nos peurs, nos révoltes, nos limites.

 Tout d’abord, le blessé était un étranger. Oui, on oublie souvent que si la parabole raconte l’histoire d’un homme secouru par un étranger, elle raconte en même temps l’histoire d’un homme qui secourt un étranger… La France accueille des étrangers mais quand les français partent à l’étranger, ils deviennent des expatriés. Comme disait Desproges, l’étranger est très bête, il croit que c’est nous l’étranger alors que c’est lui.  Or, il est toujours beaucoup plus facile de compatir avec celui qui nous ressemble qu’avec celui qui est différent de nous. Le Samaritain savait que la victime était un juif, mais il a préféré voir un homme.

Va et fais de même…

De plus, le Samaritain a pris un risque : les brigands auraient pu être encore dans le coin et doubler leur profit. Pire encore, cela aurait pu être un piège. Le soit disant blessé aurait pu être entouré d’hommes en embuscade… Le samaritain aurait pu jouer la carte de la prudence tout comme nous sommes aujourd’hui tenté d’écouter les voix qui osent parler de cheval de Troie, qui osent comparer une foule en détresse à une armée d’invasion. Et sans tomber dans cette paranoïa, nous savons bien que l’accueil n’est pas si simple, qu’il implique la rencontre de deux cultures, qu’il y aura des suites qu’il nous faudra gérer après avoir ouvert nos portes et nos cœurs.… Eh bien, le Samaritain a été confronté aux mêmes risques, aux mêmes enjeux, il aurait pu laisser parler sa peur mais il plutôt qu’un danger, il a vu un homme dans la détresse. Il a refusé d’écouter sa peur et de passer son chemin.

Va et fais de même.

Jésus nous montre le samaritain précédé par un prêtre et par un lévite…Le samaritain, en effet, aurait pu se dire que finalement, c’était aux coreligionnaires du blessé de lui venir en aide. Il aurait pu souligner l’inaction des autres juifs, tout comme nous nous justifions en dénonçant l’inaction des pays voisins de la Syrie et de l’Irak : après tout, pourquoi les pays musulmans ne font rien pour aider les musulmans en détresses. Plutôt que l’inaction du prêtre et du lévite, le Samaritain a vu un homme dans la détresse. Il a refusé de dénoncer les autres et de passer son chemin.

Va et fais de même.

Enfin, le Samaritain a pensé à la suite : il ne s’est pas contenté de suivre l’élan de son cœur et de panser les blessures de l’étranger et de reprendre son chemin. Il a assuré la suite et il ne l’a pas assurée seul. Il a confié le blessé à un autre, bref il a pris sa part de responsabilité, mais il a aussi osé la confiance, il a aussi accepté d’agir avec d’autres. Et ce n’est pas facile : agir avec d’autres sans se défausser sur eux, permettre aux autres d’avoir leurs propres idées, leurs propres initiatives dans le beau plan d’aide que nous mettons en place. Permettre à d’autres d’agir avec nous au nom d’autres intérêts, d’autres convictions. Là encore, la parabole nous rejoint dans notre actualité : il ne nous suffira pas de brandir le commandement d’accueil de l’étranger, il ne nous suffira pas d’interpeler les autorités de notre pays, il nous faudra agir avec d’autres, prendre nos responsabilités, accepter et respecter les convictions qui poussent nos partenaires sans jamais oublier notre propre moteur. Le samaritain a su penser le futur, il ne l’a pas pensé seul, il s’est associé à d’autres, sans se dédouaner de ses propres responsabilités..

Va et fais de même.

Frères et sœurs, Il est assez rare que l’on me demande ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle. Les protestants ont bien compris la grâce. Il est plus fréquent, en revanche, que nous nous demandions comment vivre l’amour auquel Jésus nous invite, comment entrer dans la vie nouvelle qu’il ouvre pour nous. Un exemple nous est donné : celui d’un samaritain qui a fait preuve de bonté envers un homme agonisant.

Va et fais de même.

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