Le témoignage de Xavier, lors de son baptême

Depuis quelques années, Xavier a participé aux cultes et aux partages bibliques de notre communauté, dimanche 2 octobre 2016, il a demandé le baptême. Voici, avec son autorisation, son témoignage.

            J’ai grandi dans une famille athée. Du moins dans une famille où la religion était secondaire. Pourtant tout le monde avait été baptisé, je crois bien être le premier si l’on remontait le long de mon aïna (je reviendrai sur cette notion) à ne pas avoir été baptisé. Une moitié de mes grands parents était catholique, moyennement pratiquante, l’autre moitié était non pratiquante et ne parlait jamais vraiment de son rapport avec le spirituel. Malgré tout la porte ne m’a jamais été fermée. Mes parents m’ont proposé de suivre un enseignement de catéchisme. Mais, à dire vrai, j’ai préféré aller faire du sport le mercredi matin.

 

            Mon éducation religieuse a été laïque. On ne m’a jamais imposé ce à quoi je devais croire. On ne m’a jamais dit que ceci ou cela était plus vrai qu’autre chose. On m’a informé que ceux-ci croyaient en cela, ceux-là en ceci. On m’expliquait que la science montrait ceci, mais qu’elle n’avait pas la réponse à cela. Par exemple, quand j’ai demandé à ma mère « quand a commencé le monde ? » Elle m’a expliqué que les scientifiques ont formulé la théorie du big-bang et que dans la Bible on expliquait que Dieu avait créé le Monde en 7 jours, puis il a créé Adam et Eve… Alors que les scientifiques tendent à montrer qu’il y a eu une évolution des espèces, jusqu’à l’apparition de l’homme. Cette démarche, plus ou moins agnostique, ne m’a jamais posé de soucis, aujourd’hui je suis même très heureux d’y avoir été initié.

 

            Dans mon enfance, il y a un bref moment où j’ai fait le choix d’être croyant. Motivé par mes grands parents maternels, surtout ma grand-mère. J’ai même porté une croix en pendentif, qu’elle m’avait offerte. Malgré tout, cette croix je ne l’ai guère portée et très vite je m’écartait de cette croyance, où la foi s’apparentait à un dogme qui ne souffrait aucun questionnement. En outre, je me suis mis moi même à percevoir les croyants d’une façon très stéréotypée. J’assumai pleinement mon athéisme. La représentation d’un Dieu omniscient duquel nous ne serions que des jouets ne me séduisait pas, à contrario même. D’ailleurs je n’adhère toujours pas à cette représentation simpliste et réductrice.

 

            Alors, pourquoi suis-je ici devant vous aujourd’hui ? Pourquoi est-ce que je demande à être baptisé et pourquoi le faire ici plutôt qu’ailleurs ?

 

            Si je peux me faire baptiser aujourd’hui, c’est parce que finalement on ne m’a pas baptisé auparavant, sans me demander mon avis. Je suis donc et je resterai éternellement reconnaissant envers mes parents qui m’offre cette opportunité et ce choix conscient. Ce dernier je tiens d’abord à l’expliquer. Mon parcours scientifique et humain – géographe spécialisé de géographie culturelle époux d’une femme croyante – m’a conduit à l’expérience de l’altérité. Une expérience m’ayant toujours attiré dois-je constater quand je regarde aujourd’hui en arrière, peut être en raison de l’éducation très ouverte dont j’ai pu bénéficier (mes parents ont vécu plusieurs mois au Mali et au Sénégal en 1972). Dans ce parcours la rencontre de l’autre et l’empathie étaient nécessaires. Intégrer la façon de voir le Monde de la part de mes interlocuteurs était un axiome méthodologique dont je ne pouvais me dispenser. Cela implique de reconnaître la légitimé, à ses yeux, du discours que peut produire l’autre ainsi qu’il puisse être pensé comme universel. Débarqué à Madagascar, pour les besoins d’une maîtrise qui sera suivie d’une thèse, j’ai du intégrer un modèle malgache, celui qui se dégageait des différents discours. Dans cette conception, pour faire simple, l’espace est habité à la fois par les vivants mais aussi leurs ancêtres, en tant qu’esprits. De ce modèle, cohabitant sans encombre avec une conception chrétienne, s’étant elle-même imposée en premier lieu par les missionnaires puis par la colonisation, il ressort que les vrais propriétaires de la terre sont les morts et non les vivants. Ces derniers n’en ont que l’usufruit. Je fus aussi marqué par une autre notion, celle d’aïna, dont je vous ai parlé tout à l’heure. L’aïna c’est une notion que l’on peut traduire par la vie. Mais en réalité c’est plus que cela, l’aïna c’est aussi le flux vital, à comprendre comme une chaîne d’individus reliant chacun des hommes à une chaîne ancestrale et donc à des forces créatrices. La notion même de vie est ainsi une notion collective. Chaque être vivant représente, d’une certaine façon, tous ses ancêtres. Mais il est aussi, dans une acception plus complexe à penser, tous ses ancêtres. Vous l’entendez peut-être dans ma façon de parler, mais cette dernière conception a gagné mon adhésion.

 

            Ce qui est intéressant, c’est le après… Comment après mes voyages de terrain, je redécouvrais l’univers dans lequel j’avais grandi en le soumettant à un nouveau filtre, un regard malgache. Tout cela avec d’autant plus de force parce que mon chemin m’avait conduit à croiser celui de Lydia en route et à nous marier. Dés lors, je ne voyais plus le christianisme, l’islam ou l’athéisme avec les mêmes lunettes (pour reprendre une expression employée par Eric, lors d’une précédente prédication). Mais cette différence forte, entre moi et Lydia, aurait aussi pu nous séparer. Nous devions nous comprendre pour améliorer notre vivre ensemble. Je l’ai ainsi suivi dans ses rencontres chrétiennes. Pourtant, si je comprenais son modèle, je n’arrivai pas à y adhérer. Il y avait toujours quelque chose contre quoi protester, quelque chose qui bloquait l’adhésion et mon total abandon. Est-ce pour cela que je me retrouve ici ? La posture est peut être téléologique… Mais, ma rencontre avec Eric et l’Église (ici dans le sens d’Ecclesia) m’a fait un bien fou. Dés lors, je n’ai plus vu Lydia comme une illuminée et ma compréhension de ce qu’était la foi changeait du tout au tout, notamment par la place qu’elle laisse au doute. Je peux ainsi faire mien l’adage selon lequel : « croire ce n’est pas savoir. »

 

            Au contact de l’Église j’ai participé aux études bibliques du mercredi soir. Étudier le texte dans son contexte historique, se livrer à son herméneutique a stimulé mon intellect. Cette religion là entrait en résonance avec mes aspirations, stimulait mon envie d’aller plus loin. Je n’avais pas besoin d’un Dieu faiseur de miracles, même si c’est commode et matériellement intéressant. L’idée d’un Dieu qui selon les époques n’est pas vu par les hommes avec les mêmes « lunettes » est autrement plus riche à mes yeux. Un Dieu qui se confond en Jésus Christ et son message en laissant de côté tout l’appareil clérical, un Dieu qui nous invite à remettre en cause ceux qui parlent en son nom et à se questionner sur leur message. Cette approche là a remporté mon assentiment. Dieu et Jésus Christ ainsi que l’esprit qui nous réunissait autour de la table devenaient ainsi un compagnon pour éclairer ma route et non un père fouettard m’obligeant à suivre un chemin tout tracé et coercitif.

 

            Avant je pensais que choisir une religion c’était s’enfermer dans un univers et rompre par là avec l’extérieur. Je pense aujourd’hui que choisir de devenir chrétien, à mes yeux, ce n’est pas faire cela. Sans doute parce que j’ai décidé de faire mien le discours d’amour transcendant de Jésus qu’ont relayé les hommes dans leur écriture des évangiles. Les évangiles invitent à l’amour de l’autre, de la différence, du moins c’est comme ça que j’entends des textes comme celui de Mathieu, lorsqu’il nous invite à aimer, y compris nos ennemis.

 

            Aujourd’hui, je prends devant vous l’engagement d’essayer de faire de l’amour la valeur ultime qui guidera la suite de mon chemin. Ce baptême est comme un premier col sur ce chemin. Je ne pense pas que ce baptême fera de moi un être supérieur, un être nouveau. Au fond de moi, je sais que je suis aujourd’hui le même qu’hier et que le chemin que je décide d’emprunter n’est que la continuité du chemin déjà parcouru. C’est ce à quoi j’aspire pour le monde et pour moi même qui s’affirme. Je pense que Jésus et son message contribuent à rendre le monde meilleur et à vaincre la mort. Cet amour j’ai grandit et j’ai baigné dedans (même si mes parents ne se présentent pas comme des chrétiens). Cet amour je sais qu’il existe, qu’il est là, alors que jamais on ne peut le toucher, le voir… Mais, j’ai foi en l’amour, et parce que j’ai foi en l’amour je peux croire librement en Dieu et en son amour inconditionnel pour chacun de nous, comme un père envers ses enfants. – cf Romain 8 (36 et 37) 

 

            Ce baptême, je ne le conçois pas comme un biais, un moyen d’accéder au paradis dans une démarche utilitaire et intéressée. La notion de vie éternelle, je dois le confesser, est une notion m’ayant toujours angoissée. Mais, je constate que l’amour est éternel et vivant. Je ne sais pas si le paradis existe tel qu’on se le représente usuellement. Mais je crois que l’amour est éternel et vivant et qu’il a le pouvoir de changer les hommes et les femmes de ce monde. Je souhaite pouvoir participer à l’inertie et à la diffusion de cet amour voué à lier les habitants de ce monde les uns aux autres comme frères dans leurs différences. Un Monde où la personne la plus insignifiante peu s’avérer la plus grande aux yeux de Jésus.

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