Les instances

Prédication du dimanche 1er mai 2016

Vendredi, le nouveau Conseil Presbytéral de notre paroisse se  réunissait pour la première fois, jeudi prochain, commencera le synode national de l’Église Protestante Unie de France.

Conseil presbytéral, synode, ce sont des mots qui, au mieux,  nous semblent un peu loin, et au pire nous font un peu peur. Ils résonnent de manière froide, institutionnelle, hiérarchique.

En tout cas, si l’on vient au culte, ce n’est pas pour entendre parler des INSTANCES qui gouvernent notre Eglise, on vient pour élever nos âmes, on vient pour prier, pour chanter, pour entendre la Parole et la méditer.

Alors, oublions les INSTANCES et entendons la parole

Actes 15, 1 à 12

Au point de départ de ce concile, ou de ce synode, une question très pratique : faut-il imposer la circoncision aux païens qui se tournent vers Jésus Christ. Ceux qui ont assisté au culte célébré par les jeunes, hier, ont entendu la même question : pour témoigner de notre foi aujourd’hui, pouvons-nous rester dans notre quant à soi, dans nos langages et dans nos rites ? et jusqu’où pouvons-nous évoluer sans perdre notre identité ?

Pour répondre à cette question, les premiers chrétiens n’ont pas voulu répondre chacun de son côté, ils ont fait appel à une « INSTANCE ». Il est intéressant de remarquer que cette instance, ce ne sont pas les 12 que Jésus a appelés : Jacques, qui prend la parole n’est pas Jacques, frère de Jean, mais bien Jacques, frère de Jésus, qui ne faisait pas partie des Douze et a pourtant été considéré comme une colonne de l’Eglise. Plutôt que ceux qui ont été établis par Jésus, les anciens de Jérusalem semblent être ceux qui ont connu Jésus avant sa crucifixion…. Aujourd’hui,  ceux qui ont connu Jésus avant sa crucifixion sont moins nombreux, alors, nous avons trouvé d’autres modes de désignation de ces instances… (le silence de la Bible sur la manière exacte dont ces instances ont été désignées, laisse pas mal de marge de manœuvre aux Églises, du reste)

Mais ce matin, je voudrai que nous nous penchions particulièrement non pas sur les INSTANCES qui ont répondu à cette question, ni même sur la réponse qu’elles ont donné mais sur ce que Luc nous dit de la manière dont elles ont répondu.

 Tout d’abord, ce que nous pouvons voir, c’est que ce recours aux instances n’interrompt pas la mission de l’Eglise, l’évangélisation : tout au long de leur parcours, Paul et Barnabas continuent à annoncer la Bonne Nouvelle.

Ensuite, Luc nous indique quels sont les trois ressorts de cette décision : le témoignage, l’Écriture et l’humanité, beaucoup d’humanité.

D’abord, les anciens de Jérusalem prennent leur décision les yeux grands ouverts sur le monde : ils écoutent le témoignage de Pierre, de Paul et de Barnabas, ils prêtent attention à ce phénomène nouveau : des païens ont soif de Dieu et se tournent vers Jésus Christ. Les instances observent ce monde plus vaste que celui qu’ils connaissaient, ils veulent y discerner l’action de l’Esprit de Dieu. C’est d’abord le témoignage, le vécu des Eglises qu’entendent les anciens.

         Ensuite, il y a l’Écriture… Jacques, en effet cite Amos. Réécoutons la citation …

Je sais que parfois, il semble que les pasteurs, les théologiens tordent un peu  les textes pour leur faire dire des choses. Mais, en entendant ce passage d’Amos, j’avoue avoir eu un peu de mal à comprendre la conclusion que Jacques en tire : à savoir « n’imposons pas la circoncision aux frères d’origine païennes. »

Et puis, je me suis rappelé que pour Jacques, il existe une question que nous ne nous posons plus du tout… Cette question, c’est est-il bon que des païens, des non-juifs se tournent vers Jésus ? Nous, dès que quelqu’un fait mine de s’intéresser juste un brin à l’Évangile, nous nous écrions « Alleluïa !!!! » Mais ce n’est pas du tout évident pour les premiers chrétiens et ce que va chercher Jacques dans les textes, c’est une réponse à cette question : « les non-juifs peuvent ils se tourner vers Jésus, le Messie d’Israël ! Ensuite quand il découvre dans les textes que les nations sont appelées à se tourner vers Dieu, son attitude est logique : ne dressons surtout pas trop d’obstacle… Les Écritures ne sont pas évoquées pour défendre un statut quo, elle sont citées pour vérifier que l’on peut bousculer des habitudes, que l’on peut ouvrir des frontières. Les Écritures ne sont pas posées comme une muraille derrière laquelle on se réfugie mais comme un filet de sécurité, le seul acceptable, pour se lancer dans l’inconnu…

Enfin, dans cette décision, il y a surtout de l’humain.  Pas de l’humanisme, mais de la pâte humaine et Luc ne l’oublie jamais. Il nous le dit bien, avant d’être une question de témoignage, avant d’être une lecture des Écritures, la question de la circoncision est une question d’humains, d’origine. Des frères d’origine païenne arrivent dans l’Église et des frères d’origine juive voudraient leur imposer la circoncision. Paul, dans son humanité, justement, a vite fait de coller des étiquettes : « faux frères », mais Luc résiste a cette tentation, il n’y a pas pour lui les méchants conservateurs contre les gentils progressistes, les esclaves de l’erreur contre ceux que la liberté libère. Il y a des frères et des sœurs qui ont une origine, mais aussi une histoire : il leur est arrivé des choses, ils ont fait des rencontres et qui à cause de cette origine, de cette histoire, prennent des orientations, font des choix. Eh oui ! dans l’Église, nos choix, nos orientations ne viennent pas seulement du témoignage de l’Esprit Saint ou de la lecture de la Bible, mais, et peut-être d’abord, de notre origine, des évènements qui nous ont marqués, bref de notre histoire. Et ce texte nous montre bien que cet état de fait n’est pas une perversion, une déchéance de notre Eglise, sur ce point précis, l’Eglise est bien telle qu’elle était à l’origine, telle que Dieu nous l’a donnée.

La phrase qui résume le mieux cela c’est ce : « il a paru bon à l’Esprit saint et à nous-même » qu’ose Jacques et qui nous paraît parfois si prétentieux, que nous n’oserions plus aujourd’hui… Et pourtant, c’est peut-être la phrase la plus honnête dans nos choix d’Eglise.

Vaudrait-il mieux dire « Il nous a paru bon » ? et croire que ce qui compte dans l’Église, c’est notre analyse, notre choix, notre raisonnement, bref nous-même ? Quelle orgueilleuse modestie que celle qui nous pousserait à écarter l’Esprit de la conduite de notre Église ?

Ou pire, devrions nous dire « Il a paru bon à l’Esprit Saint » ? Et oublier que lorsque je parle ce n’est pas toujours l’Esprit Saint qui parle ?

Je crois vraiment qu’a chaque décision, chaque orientation, nous devrions dire « il a paru bon au Saint Esprit et à nous-même » : au saint Esprit parce que tout ne vient pas de nous, parce que nous recevons un souffle d’ailleurs. Et à nous même parce que, c’est aussi et toujours un « nous », ou « moi », qui s’exprime, qui pose dans les questions de toute l’Eglise, tout le poids de notre bagage, de notre histoire.

Et c’est bien, ou en tout cas, c’est comme ça que Dieu veut son Eglise.

Alors n’ayons pas trop honte de notre humanité quand nous servons l’Église, ne soyons pas trop complexés d’y arriver avec notre passé, nos convictions propres… Ne nous désespérons pas trop, ne nous agaçons pas trop de l’histoire, du passé, de l’humanité de celles et ceux qui nous sont donné comme Eglise, comme frères et sœurs et même comme INSTANCE….

Et surtout prions, prions pour nos conseils presbytéraux, régionaux, national, prions pour nos synode, prions pour tous ces frères et ces sœurs qui constituent notre Eglise, prions pour que l’Esprit, souffle du Dieu vivant vienne éclairer tous ces « nous-mêmes »

Amen

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