Predication du 13 decembre à Evreux sur Luc 3, 7-18. – Les fruits de la conversion

Prédication de Marie Lise Riglet à Evreux. le 13/12/2015 sur Luc 3, 7-18

Les fruits de la conversion.

Quel accueil ! Imaginez que vous venez pour un baptême et que le pasteur vous accueille par ces mots : « engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? ». Moi, je ne resterais pas dans cette paroisse !

Les protestants sont toujours méfiants envers un appel si fort à produire les fruits de notre conversion par des actes, et mettent plus en avant le salut par la grâce et non par les œuvres.

C’est pourtant ce texte que Luc a choisi pour le début de son Evangile. Des 4 évangélistes, Luc est celui qui insiste le plus sur le pardon et la conversion. Il est le seul qui nous raconte l’histoire du Fils perdu et retrouvé (Luc 15, 11…), l’histoire de Zachée (Luc 19, 1…), la conversion du bon larron en croix (Luc 23, 39…).

 

Ce texte très riche de Luc nous offre de nombreuses pistes de méditations :

– L’annonce de la Bonne Nouvelle par Jean qui préfigure le rôle de l’Eglise. Elle sème la Bonne Nouvelle, mais il ne lui revient pas de moissonner.

– Que dois-faire ? Cette question et ces exigences nous posent la question du salut par la grâce ou par les œuvres.

– Les publicains, les soldats, ces exclus ou ces étrangers au temps de Luc nous invitent à méditer sur l’accueil des exclus etc…

– L’attente du Royaume, de Celui qui vient.

Nous méditerons plus particulièrement sur cette idée : L’attente du Royaume nous impose une conversion qui doit se traduire par des actes, rendus possibles et demandés par le Christ. 

Le texte de Luc nous invite d’abord à changer de vie, à nous convertir.

Changer de vie :

Notre texte d’aujourd’hui retentit comme un appel à la repentance…

La repentance ne se borne pas à avoir des regrets pour une peccadille mais il s’agit de la nécessité de changer de vie. On peut même dire de changer de direction.

 

Pour Jean Baptiste et pour Luc, la rencontre avec Dieu commence par cette prise de conscience. Nous sommes par nature livrés au désordre dans notre vie morale et spirituelle.  Notre conscience est obscurcie et elle se réveille et nous cherchons à sortir du mal.

 

Pour Luc la repentance est un retour à Dieu, le commencement d’un nouveau chemin.

En ce temps de l’Avent nous aurions tort de considérer qu’il ne s’agit là que d’un remords suscité par l’ambiance de la préparation à Noël. Il ne s’agit pas d’un vague regret mais d’une réponse à l’appel de Dieu.

 

Beaucoup de personnes avaient autrefois entendu l’appel de Jean lorsqu’il prêchait sur les rives de Jourdain. Sa voix prophétique exhortait ses compatriotes à revenir à Dieu en s’offrant tout entier à Lui.

 

Mais voilà qu’est-ce que changer de vie ? Qu’est-ce que se repentir ?

Est-il uniquement nécessaire de se faire baptiser, d’obtenir ainsi un sauf conduit ? Croyons-nous que Dieu nous accueillera à la porte du Royaume en nous demandant ce laisser-passer !

Non !  Jean Baptiste nous explique en quelques phrases ce que veut dire changer de vie. La repentance exige une conduite qui soit la conséquence d’une authentique conversion. Quelque chose de visible qui n’a rien à voir avec de la mise en scène mais qui est l’expression authentique d’un cœur transformé, orienté vers une nouvelle manière de vivre les relations aux autres. Elle exige une conduite qui  créée les bases d’une société nouvelle et fraternelle.

La repentance se présente ici à nous comme un mouvement articulé autour de trois moments :

·         Il y a d’abord la prise de conscience, le regret, de n’avoir  pas été sous le soleil et sous le regard de Dieu comme nous aurions dû être. Le psaume 51 évoquait déjà cette démarche d’un homme pour qui cette prise de conscience douloureuse se produit. La prise de conscience de nos erreurs, si elle est sincère, est salutaire et libératrice.

·         Ensuite vient l’aveu, la confession du péché qui nous permet de mesurer le mal produit et de commencer le travail de réconciliation avec Dieu, avec soi-même et avec les autres.

·         Enfin vient la réparation, l’abandon du mal et de toutes nos actions malsaines.

Que devons-nous faire ? :

Jean Baptiste invective ses auditeurs pressés de recevoir le baptême. « Engeance, race, de vipères, qui vous a appris à fuir ainsi la colère à venir ? »

Il leur reproche de vouloir fuir la colère de Dieu en ayant recourt à une sorte de parapluie protecteur : le baptême. Ils sont assez calculateurs pour fuir la colère de Dieu par ce petit arrangement… Et ils pensent que le Seigneur sera dupe !

Puisque Dieu demande le baptême, baptisons, faisons-nous baptiser, faisons lui plaisir. Il en restera toujours quelque chose ! Cela peut toujours servir ! On ne sait jamais…

Dieu ne nous demande pas uniquement des actes liturgiques. Il nous demande une conduite authentique.

 

C’est cela que Jean aborde face à la question de ses interlocuteurs.  « Que devons-nous faire ? ». Il est important de remarquer que ses auditeurs ne demandent pas « que faut-il croire » ou « qui faut-il croire pour être sauvés ? », mais ils lui disent : «  que devons-nous faire ? »

Ils ont compris que l’expression d’une foi authentique ne se cantonne pas à la déclamation de justes doctrines mais que le service de Dieu passe d’abord par des exigences pratiques.

 

Jean le baptiste s’adresse à trois catégories d’interlocuteurs. D’abord il s’adresse à la foule en général, puis il s’intéresse aux publicains (collecteurs d’impôts), enfin il se tourne vers les soldats.

La foule :

A la foule il propose le partage de leurs biens, vêtements et nourriture. Cet appel au partage n’est pas seulement un geste matériel mais il s’agit en vérité d’une lutte spirituelle contre l’égoïsme naturel, contre l’indifférence envers le voisin, le malheureux, l’étranger.

 

En cette fin d’année 2015, les média nous disent que les bénéficiaires des restos du cœur n’ont jamais été aussi nombreux, que le chômage augmente, que les riches sont toujours plus riches, et les pauvres toujours plus pauvres. Nous voyons abondamment des images de migrants fuyant leur pays, de gens dans la rue. Nous sommes abreuvés de constatations sur le réchauffement climatique qui engendrera des catastrophes naturelles.

 

Il n’y a aucun doute possible si l’on se veut fidèle à l’intention du texte. Le Seigneur nous adresse cette année encore cet appel, il nous demande de partager et d’agir. Le partage a eu lieu mais il a récompensé les mêmes, les plus riches qui en ont le moins besoin.

Jésus disait aux apôtres « des pauvres il y en aura toujours parmi vous » (Matthieu 26, 11), sa parole est malheureusement vraie et nous replace devant cet appel de Luc : « partagez votre nourriture et votre vêtement ». Mais l’on pourrait ajouter donnez un toit à celui qui n’en a pas, une couverture sociale et des soins à ceux qui en sont dépourvus.

Ce constat social nous conduit à remarquer combien le chemin proposé par l’Évangile est encore loin de la préoccupation de notre occident que l’on dit porteur des valeurs chrétiennes !

 

Nous n’avons certes pas les moyens en tant qu’individu isolé de faire changer notre monde en un instant mais la question nous est aussi adressée. A notre niveau, avec nos moyens, comment exprimons-nous notre attachement à ces paroles ?

Les collecteurs d’impôts :

Ensuite Luc s’en prend aux collecteurs d’impôts, ces personnages dans notre histoire sont riches, ils se servent bien aussi eux-mêmes au passage en rendant ce qui revient à César. Ce sont des trafiquants légaux et ils n’ont aucun scrupule à gonfler leurs comptes bancaires sur le dos des démunis. Tout cela est légal !!

Alors surgit la règle : « N’exigez rien de plus que ce qui doit être ». Cet appel nous est aussi adressé.

Au-delà des richesses de ce monde nous sommes invités à rechercher celles qui ne rouillent pas, inscrites dans le secret des cœurs ouverts et livrés à Dieu. Cet appel est adressé à tous ceux qui profitent de leur situation de leur richesse.

 

Les militaires :

Enfin Luc s’adresse aux militaires ou à la police auxiliaire et les exhorte à ne pas sombrer dans la violence aveugle et inhumaine. Cette question est difficile aujourd’hui : il suffit de penser aux conflits localisés, ethniques partout dans le monde, aux tensions dans certaines banlieues… Nous sommes invités à réfléchir à l’escalade de la violence, celle des terroristes, celle des guerres en Irak, en Syrie sur ce qu’elle produit, mais aussi à ses racines. Nous devons être ces acteurs qui au sein de leurs familles, de leurs communautés, associations, posent les actes d’une vie apaisée.

 

Je n’y arriverai pas !

Devant ces exigences de l’Evangile, par exemple dans le sermon sur la Montagne, la parabole du jeune homme riche etc…, nous sommes souvent un  peu sceptiques sur la venue du Royaume, ou bien tentés de rester passifs, de vivre simplement notre vie : « Que pouvons-nous faire » ? « Je n’y arriverai pas ! »

 

Cette période de l’Avent et cette lecture de Luc nous invitent à nous réveiller :

·         Il vient celui qui est plus fort que moi.

·         Il vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu.

 

 Jésus rend possible la venue du Royaume pour nous :

 

Nous ne devons pas nous tromper sur le Royaume qui vient et sur la manière dont nous aimerions qu’il vienne.

 

Généralement, quand nous parlons du Jésus que nous aimons, nous en parlons comme Jean Baptiste en parle : plus puissant, baptisant dans l’Esprit saint et dans le feu alors que nous nous contentons d’eau… Si nous ne pensons que cela, nous aurions fait fausse route.

Jésus est venu et n’a pas contredit Jean.

–          Comme lui, il a dit « partage avec celui qui n’a pas ».

–          Comme lui il a dit de faire aux autres ce qu’on aimerait recevoir.

–          Comme lui, il a appelé à se tenir droit et juste, sans chercher à traficoter de ci de là.

–          Comme lui, il a rappelé qu’on ne pouvait pas servir deux maîtres, Dieu et l’Argent

–          Comme lui, il a rappelé que la confiance en Dieu nous donnait ce qui est le plus précieux, le don suprême que nous recevons c’est un amour sans limites.

 

Pourtant Jésus a dépassé les désirs exprimés par Jean, qui ressemblent aux nôtres.

–       Il n’a pas baptisé d’Esprit saint ni de feu ! (Il n’a apparemment pas baptisé lui-même).

–       Comme Jean, Il a été courroucé par certaines pratiques infamantes pour Dieu.

–       Il s’en est alors pris au système du temple et des sacrifices sans s’en prendre aux marchands eux-mêmes.

–       Il a mangé aux tables des publicains. 

–       Il a parlé avec les femmes de mauvaise vie.

–       Il a dépassé les exigences des prescriptions de Moïse.

–       Il a nous a enseigné la prière et l’amour du prochain.

–       Il a donné sa vie pour nous sur la Croix.

 

Jean va disparaître pour laisser la place à Jésus. Le Christ ne se met pas à trier le bon grain de l’ivraie. Il n’utilise pas la fourche pour jeter au feu les mauvaises herbes. C’est le péché qu’il se propose de détruire et non pas les pécheurs.

 

Par Jésus, tout homme devient sympathique, puisque c’est son péché qui est haïssable et non pas lui-même. Et notre regard est tourné vers la compassion et non pas vers le jugement. Il est tourné vers le monde et non contre le monde.

 

Notre action est une réponse à l’appel de Jésus aux premiers disciples : « Viens et suis-moi ».

 

Si nous croyons en Jésus, alors sa grâce a pour nous un prix et appelle notre réponse. Je citerai ici Dietrich Bonhoeffer (Vivre en Disciple, le prix de la Grâce) :

« La grâce à bon marché c’est la grâce sans la marche à la suite de Jésus.

La grâce qui coûte c’est le trésor caché dans le champ, à cause de lui l’homme va et vend joyeusement tout ce qu’il a, … c’est l’appel de Jésus Christ : l’entendant, le disciple abandonne ses filets et le suit. »

 

Conclusion :

Le texte de Luc nous exhorte à nous convertir et à porter des fruits qui témoignent de notre conversion.

C’est plus que jamais important aujourd’hui, en cette période inquiète dans notre monde plein d’incertitudes politiques, de haine, de guerres et d’injustices. Nous sommes appelés à des actes ; en Église ici à Évreux et dans l’Eure, et individuellement !

 

Nous sommes toujours tentés de juger le péché, surtout celui des autres. La Bonne Nouvelle, c’est que Jésus est à nos côtés pour une vraie conversion par l’Esprit Saint, la prière et la lecture de la Bible.

 

Les suiveurs de Jean Baptiste, le monde d’aujourd’hui, seront toujours aux prises avec leurs questions : est-il vraiment Celui qui était attendu, le Royaume viendra-t-il ?

 

Jésus leur répond : « Allez dire à Jean que les aveugles voient, que les boiteux marchent ». Oui, Jean va disparaitre, il est l’homme du passé. Jésus est le futur et notre présent, il rend possible notre conversion.

 

Amen.

 

 

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