Prédication du 18 octobre 2015 sur Marc 10

Prédication du dimanche 18 octobre 2015

Marc 10, 32 à 45

La demande de Jacques et Jean à Jésus et la leçon que celui-ci en profite pour donner aux Douze m’évoquent trois points : une question gênante, un problème de poids et travailler plus pour gagner rien…

Mais d’abord une petite remarque préalable…

Dans la cuisine des 12

Peut-être est-ce à cause de ma participation à différentes instances de notre Eglise, mais ce qui m’a le plus frappé dans ce texte, ce n’est pas qu’il y ait eu des conflits de pouvoir au sein des Douze, c’est que Marc nous les montre avec autant de franchise. Il y a des chamailleries, des disputes, des discussions animées dans tous les lieux de l’Eglise que j’ai pu fréquenter, on assiste même parfois à des luttes de pouvoir et d’influence… Mais ces disputes ne sont que rarement présentes dans les comptes rendus et absolument jamais dans les échos publics. On ne va tout de même pas montrer ce visage-là de l’Eglise et puis les autres n’ont pas envie de voir ça. Ce qui est d’ailleurs vrai : on n’a pas envie de voir ça, et si l’envie existe, elle n’a certainement rien à voir avec Jésus Christ…

Mais Marc lui, nous fait assister en toute clarté aux pires moments des 12… Pas pour le plaisir des ragots mais plutôt parce que les 12, finalement c’est nous, et que la leçon que Jésus leur donne s’adresse à nous

Une question gênante

Et tout commence par une question de deux des douze…. Enfin quand je dis une question, tout commence par les circonvolutions de Jacques et Jean, fils de Zébédée… « Nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander » Certains y voient de l’aplomb… Moi ça me rappelle surtout l’époque où ma fille commençait ses demandes par « Je voudrais te demander quelque chose mais je sais que tu vas pas vouloir »… Et c’est vrai que généralement les précautions dont nous entourons une question sont  inversement proportionnelles à la certitude que nous avons de la réponse… Du coup,  j’imagine un peu Jacques et Jean en train de se pousser du coude « Vas-y, demande lui – non, vas-y toi –allez »

Vu ma patience proverbiale, je crois qu’à la place de Jésus j’aurais fini par leur dire « bon allez-y, crachez le morceau » Mais non, Jésus va reprendre leur formulation. « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? »

Cela peut paraître redondant. Mais lorsque nous entendons Jacques et Jean demander « nous voudrions que tu fasses quelque chose pour nous », nous nous demandons ce qu’ils veulent. Mais quand nous entendons Jésus leur demander « que voulez-vous que je fasse pour vous », nous sommes poussés à nous demander « Et moi ? Moi, qu’est-ce que je veux que Jésus fasse pour moi ? » Ce n’est pas si simple comme question. Ça nous oblige à nous examiner nous-même, et finalement, nous comprenons mieux les circonvolutions des fils de Zébédée…

Vouloir avoir du poids

Alors que demandent Jacques et Jean : « Permets que nous soyons l’un a ta droite, l’autre à ta gauche,  quand tu seras assis dans ta gloire ». Jésus vient d’annoncer son arrestation, sa souffrance et sa mort, on peut comprendre que face à ce tourbillon, Jacques et Jean souhaitent ne pas être emportés. On peut comprendre qu’ils veuillent participer à la gloire, c’est-à-dire, dans la pensée sémitique, avoir du poids.

D’ailleurs, on peut s’interroger sur ce qui ne va pas dans la demande de Jacques et Jean. D’abord ils ne demandent pas le pouvoir, ils ne demandent pas de régner… Et c’est vrai que tous ne rêvent pas de pouvoir ou de puissance dans l’Eglise mais qu’en revanche, tous nous voudrions avoir un peu de poids, un peu de reconnaissance. Alors, la demande de Jacques et Jean nous la comprenons bien, et elle nous semble assez bénigne : l’Eglise de Jésus Christ, l’Eglise du message de la grâce et de l’amour de Dieu ne devrait-elle pas être justement ce lieu où je peux avoir un peu de gloire, un peu de poids, un peu de reconnaissance ? En plus,  Jacques et Jean savent que la gloire appartient à Jésus, ils ne la réclament même pas pour eux même ; ils veulent juste se tenir au plus près…

Alors qu’est ce qui ne va pas ? Pourquoi cette colère des dix autres ? pourquoi cette leçon donnée par Jésus

La colère des 10 autres ce n’est pas l’indignation des vertueux contre les deux pécheurs qui n’ont rien compris au message. Non la colère des dix autres c’est plutôt la fureur face à ces deux impudents qui osent revendiquer à voix haute un poste que je rêve d’avoir…

Et si j’en crois la réponse de Jésus, c’est bien là le cœur du problème : Jacques et Jean demandent du poids, de la reconnaissance pour eux et ne se soucient absolument pas du poids, de la reconnaissance, de la place accordée aux autres… Or finalement, la place que nous voulons occuper, la reconnaissance que nous réclamons, la gloire que nous demandons, nous finissons par les faire peser sur les autres… Les deux verbes que Jésus attribue aux prétendus pouvoirs de ce monde commencent avec le préfixe kata, qui indique un mouvement de haut en bas et ici clairement avec l’idée de peser sur… Et avec ces verbes, Jésus va montrer à Jacques et à Jean, aux dix autres et à nous-même que cette petite part de gloire que nous revendiquons, ce besoin de peser, relève en fait du même désir de domination que celui qui anime les grands de ce monde. Lorsque je veux peser plus, je veux peser sur…

Travailler plus pour gagner rien

Et Jésus va indiquer une voie nouvelle, une voie radicalement opposée à notre logique humaine. Faites-vous le serviteur de tous. Et pour que nous ne pensions pas à l’irremplaçable majordome, sans qui toute la maison s’effondre, ni à l’indispensable secrétaire sans qui personne ne peut rien faire, à toutes ces formes de services par lesquelles nous nous grandissons, nous nous rendons indispensables, Jésus va aller plus loin : « faites-vous l’esclave de tous ». Or l’esclave, c’est bien celui qui élève l’autre, qui donne du poids à l’autre sans considération pour sa propre élévation, pour sa propre gloire…

Et Jésus lui-même va se faire ce serviteur, cet esclave, lui qui va laver les pieds de ses disciples, lui qui va aller jusqu’à la croix pour des pécheurs. C’est sur ce chemin qu’il nous invite à le suivre.

Non pas pour gagner notre place. D’abord il prévient Jacques et Jean, « vous croyez pouvoir souffrir avec moi et en effet, cela va vous arriver mais les places ne vous seront pas garanties pour autant ». Et puis, puisque Dieu, en Jésus Christ, nous a tout donné, puisque par son amour, il nous a montré qu’à ses yeux, nous avons assez de poids pour qu’il se donne lui-même pour nous, que pourrait-il nous donner de plus ? Quel salaire pourrions-nous exiger d’un Dieu qui déjà nous a tout donné ?

Non, frères et sœurs, Jésus ici ne nous indique pas une loi à laquelle nous devons obéir, il nous montre ce qu’est concrètement cet amour dont nous sommes aimé, et auquel nous sommes appelés.

Nous prions

Seigneur

Nous voulons la gloire, nous voulons le poids

Et nous oublions le prix que nous avons à tes yeux

Le prix que tu as payé pour nous

Pardonne-nous.

Aide nous à renoncer

A la folle sagesse du monde

Donne-nous

D’être serviteur à ta suite

De donner du poids à nos frères et à nos sœurs

De leur montrer l’importance qu’ils ont

A tes yeux comme aux nôtres

 

Amen

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