Rivalisez d’estime réciproque…

Prédication par le pasteur Yves Noyer, à l’occasion de la reconnaissance du ministère du conseil presbytéral de l’Eglise Protestante Unie à Evreux.

Romains 12, 3 à 16, Éphésiens 2, 11 à 17, Éphésiens 4, 7 à 13

 Nous allons vivre aujourd’hui le culte de reconnaissance du ministère du Conseil presbytéral. Et j’ai pensé qu’il était utile non seulement d’en profiter pour nous mettre ensemble à l’écoute de la parole de Dieu mais ceci afin de recevoir l’appel à vivre la diversité des ministères dans un état d’esprit adapté et cohérent par rapport à l’Évangile tel qu’il nous est confié par l’apôtre Paul en cette expression quelque peu paradoxale : « …rivalisez d’estime réciproque. » (Romains 12, 10).

Ecouter la parole de Dieu, c’est pour nous, chrétiens, accueillir l’Évangile du Christ Sauveur et Vivant. C’est le premier point qu’il me semble important de mettre en lumière pour ce temps de reconnaissance du ministère du Conseil presbytéral. Car avant d’être mis en mouvement pour réaliser des actions, le Conseil est d’abord un collège qui se met à l’écoute de l’Évangile ; j’ai même donné une précision qui me semble déterminante en parlant de l’Évangile du Christ Sauveur et Vivant. Cela signifie que l’Évangile est Bonne nouvelle pour notre vie dans la mesure où il est relié avec ce que Jésus de Nazareth a vécu et accompli en étant serviteur de son Père et ainsi des êtres humains ; il a cherché tout au long de ses prises de paroles, de ses regards portés sur ses prochains ainsi que de ses actions en leur faveur, à montrer que Dieu les appelait à accueillir son œuvre de libération et de salut, en montrant en particulier que la violence, le pouvoir exercé sur autrui et la haine étaient destructeurs de tout être humain qui les subissait et même de ceux qui les exerçaient et qu’il était donc largement profitable pour les êtres humains d’accueillir cette œuvre de libération, de guérison et de renouvellement total en acceptant de vivre ce renouveau dans la vie de tous les jours. De plus, par la proclamation de sa résurrection par ses disciples, Jésus était manifesté pour leur foi et celle de leurs auditeurs comme le Vivant et celui qui rend capable tout être humain mis en mouvement par la foi et l’espérance de se redresser et de tenir debout, non par sa propre force mais bien par celle de Dieu, et de tenir debout malgré tous ses échecs, toutes ses chutes et toutes les tragédies humaines ainsi que tous les deuils.

Ainsi tous les ministères ont donc besoin de vivre le plus régulièrement possible dans cette écoute de l’Évangile du Christ Sauveur et Vivant, ne serait-ce que pour entendre cet appel à être au service et donc à vivre dans la reconnaissance et l’humilité véritable, celle qui naît et se développe précisément en raison de cet acte de reconnaissance exprimé à l’égard du donateur de toute grâce. Le ministère de gouvernement de l’Église qui est tout particulièrement la charge qui est confiée au Conseil presbytéral doit être pratiquement vécu à la fois dans un engagement véritable de chacun de ses membres, d’autant plus original que chacun d’entre eux n’est pas pour autant ministre mais bien plutôt qu’ ensemble ils exercent un ministère collégial, ce qui suppose et exige qu’ils forment bien une équipe, dont les membres ne mettent pas en avant d’abord leur égo, qui plus est surdimensionné mais bien tout au contraire l’estime réciproque dont j’évoquais l’utilité pour tout ministère. Il y a également un autre point que je veux mettre en lumière, celui qui est exprimé dans la liturgie de reconnaissance, et que j’ai entendu avec une particulière attention, durant ces trois décennies de ministère pastoral, sous la forme de cette expression : « Dans la soumission mutuelle, vous travaillerez fraternellement avec tous ceux qui ont part à l’œuvre du Seigneur. » Cela traduit très concrètement cet état d’esprit voire cette conviction qui devraient être pleinement les nôtres, que nous soyons conseillers, prédicateurs, catéchètes, visiteurs ou diacres, professeurs de théologie, et même encore plus, que nous soyons pasteurs, à savoir qu’il n’y a pas une multitude de chefs dans l’Église du Christ mais qu’il n’y en a qu’un, Jésus de Nazareth, et que de plus, il s’est comporté tout à la fois comme celui qui recevait de Dieu une grande autorité, mais que celle-ci consistait à tout faire pour faire grandir l’autre, en venant concrètement le servir et en devenant ainsi auprès de lui comme une figure réelle de « bon Samaritain », par un amour concret, un amour vécu en actes, jusques et y compris en lavant les pieds de ses disciples !

Pour continuer sur cette notion essentielle du service, non plus au plan biblique ni au plan liturgique, mais bien sur un troisième plan auquel je suis également sensible, comme ancien étudiant en … droit. Je crois utile de vous rendre attentifs à un effet de miroir contenu dans la Constitution de notre Église protestante unie de France, mais qui était déjà présent dans la Discipline de l’Église réformée de France ; cet effet de miroir consiste dans la reprise du même terme pour décrire la responsabilité des membres de l’Association cultuelle comme celle des membres du Conseil presbytéral, celui de gouvernement. Je vous lis ainsi les deux phrases qui le manifestent clairement ; enfin, je l’espère : « Au sein des Églises locales ou paroisses sont constituées des associations cultuelles, chacune se gouvernant par l’intermédiaire d’un comité qui porte le nom de Conseil presbytéral…Ceux qui sont inscrits sur la liste des membres de l’association cultuelle sont appelés à participer fidèlement au service de l’Évangile et à la vie matérielle et financière de l’Église ainsi qu’à son gouvernement. » Tout ceci est inscrit noir sur blanc dans l’article 2 de la Constitution. Qu’est-ce que cela exprime, sinon l’idée que nous avons à vivre ce ministère, comme tout ministère dans l’Église, comme un service, certes, mais que nous avons à le vivre dans une communion fraternelle, même et surtout quand nous vivons un conflit, fut-il particulièrement important et marqué par des propos où s’expriment de fortes oppositions ?

Voilà pourquoi je me permets d’insister, avec cette triple casquette de juriste, de pasteur et d’animateur théologique, sur l’importance de vivre les différents lieux de vie de l’Église comme autant d’endroits où doivent être vécus l’attention aux plus faibles, ceux que nous ne pouvons pas faire tomber, et l’estime réciproque, celle qui nous permet de reconnaître dans l’autre frère ou l’autre sœur, non pas un être à jalouser mais bien tout au contraire un être qui a reçu des talents, dont au moins l’un d’entre eux n’est pas mis en valeur parce qu’il n’en a tout simplement pas encore pris conscience. Grâce à cette estime réciproque, c’est toute l’Église, comprise comme communion fraternelle d’êtres grandissant au point de former toujours plus l’homme nouveau, l’homme vivant dans une communion toujours plus grande avec le Christ notre paix, oui, c’est toute l’Église qui peut connaître sa croissance selon cette double parole de l’épître aux Éphésiens que je vous livre en conclusion : « Le Christ est notre paix. Il a voulu ainsi, à partir du Juif et du païen , créer en lui un seul homme nouveau, en établissant la paix et les réconcilier tous les deux en un seul corps, au moyen de la croix : là, il a tué la haine… Et les dons qu’il a faits, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des bergers et catéchètes, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude. » (Respectivement Éphésiens 2, 14 et 15-16 et 4, 11 à 13).

 

                                      Chers frères et sœurs, membres du Conseil presbytéral et membres de l’Association cultuelle, puissiez-vous vivre vos services propres, chacun en vivant mutuellement dans l’estime réciproque, vous stimulant dans une égale attention à l’égard des talents des uns et des autres. Ainsi connaîtrez-vous la croissance propre à l’Église, corps du Christ ; ainsi vivrez-vous l’Évangile, Bonne Nouvelle pour votre vie et pour celle de tous vos prochains, c’est-à-dire de tous ceux dont vous vous approcherez par amour, suivant ainsi le bon Samaritain !

 

 

Amen.

 

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