Une fois le grain tombé en terre

Prédication pour le service d’action de grâce pour Philippe

Actes 15, 5 à 7

Cette première lecture, j’ai souhaité vous la partager comme mon souvenir de Philippe, en effet, j’y trouve trois aspects de la manière dont Philippe vivait l’Eglise : une question importante, la discussion et la place de l’Ecriture. En effet, la parole que prend Pierre et que je n’ai pas lue, c’est le rappel des Ecritures. Or Philippe aimait la Bible : la dernière fois que je l’ai vu, quelques jours avant sa mort, ses premiers mots ont été « je suis désolé, je n’ai rien préparé ». Nous avons entendu aussi que pour les premiers chrétiens, il pouvait y avoir des désaccords et même que la discussion pouvait être vive. Quand Philippe n’était pas d’accord, c’était, je le cite : « je préfère le dire ». Philippe n’aimait pas les conflits, c’est certain, mais il aimait assez l’Eglise pour pouvoir dire ses désaccords. Enfin surtout, la question qui animait ici la discussion de la première Eglise, c’était la question de l’accueil des non-juifs dans la communauté. L’accueil, c’était pour Philippe une question centrale dans l’Eglise, une question qui valait qu’on y consacre toute les énergies, qu’on se lance dans des débats : non pas sur « faut-il ou non accueillir » mais sur « comment accueillir au mieux », comment faire en sorte que chacun se sente membre d’un corps vivant ? comment accueillir avec toutes les responsabilités que cela implique pour les accueillants comme pour les accueillis, c’est dans ce goût de l’accueil que Philippe a rencontré notre paroisse d’Evreux.

Voilà, ça c’est mon souvenir de pasteur, la manière dont je relis l’implication de Philippe dans l’Eglise

Mais nous avons également souhaité, avec Marie-Lise vous partager cette parabole

Matthieu 13, 3 à 9

Qu’y-a-t-il après la mort ? Il y a deux ans, les jeunes du caté avaient posé la question au conseil et chaque conseiller avait donné, de manière anonyme, sa réponse. Parmi toutes ses réponses, il nous a été impossible de retrouver la réponse de Philippe même pour Marie Lise « nous pensions que nous avions bien le temps ». Bref, tout l’engagement de Philippe, ce n’était certainement pas pour une récompense après la mort.

Qu’y a-t-il après la mort ? Peut être devons nous entendre aujourd’hui cette question

Qu’y-a-t-il après la mort de Philippe ?Il y a ces mots de Marie-Lise « Maintenant je suis seule ». Et c’est vrai Marie-Lise que, même si tu as autour de toi tes enfants, ta famille, tes amis, les frères et les sœurs de l’Eglise, aucun de nous ne peut te rejoindre tout à fait dans ce deuil. Et ce qui est vrai pour toi, est vrai pour chacun de nous, nous sommes tous prisonniers dans notre peine, dans nos regrets, nos questions, nos amertumes comme dans une prison de ronces qui menace de nous etouffer…

Qu’y-a-t-il après la mort de Philippe ?

Il y a ces mots de Corinne, président du CP d’Evreux « lors de notre journée de rentrée, nous avons ressenti un grand vide ». Et ce sentiment de vide, cette absence, tous, nous en faisons l’expérience en ne voyant pas Philippe dans les endroits où nous avions l’habitude de le voir. Et ce vide, nous le vivons comme un trou dans un jardin, comme une plante qui aurait été arrachée… Sur ce vide, nous ne voyons pas très bien ce que nous pourrions planter.

Qu’y-a-t-il après la mort de Philippe ?

Il y a ces mots de Paulette, la maman de Marie-Lise, « Nous pouvions espérer pour lui quelques années heureuses ». Et derrière ce mots, il y a tous les projets que nous faisions avec lui, projets de famille, projets d’amis, projets d’Eglise et qui nous sont arrachés. C’est un peu comme si une nuée d’oiseaux venait de s’abattre sur un champ fraîchement semé, ou sur un cerisier et avait tout emporté.

Qu’y a-t-il après la mort de Philippe ? Des ronces de deuil et de chagrin, le sol arride du vide et du manque, nos projets qui s’envolent comme une nuée d’oiseaux moqueurs.

Si j’avais demandé à Philippe une photo avec la pierre du chemin, les ronces des talus, la nuée d’oiseaux qui s’envole emportant les graines, je crois qu’il m’aurait dit, non, c’est trop triste, trop lugubre. Il faut, malgré tout y ajouter, au loin, un arc-en-ciel, le signe de la promesse du Dieu de vie, une promesse qui dépasse tout ce que nos mots peuvent dire, tout ce que nos intelligences peuvent appréhender… Mais une promesse à laquelle Philippe croyait.

La pierre du chemin, les ronces, les oiseaux et puis, en levant les yeux, un arc en ciel.. Mais il manque encore quelque chose à la photographie.

Vous avez reconnu les éléments de la parabole du semeur. Et peut-être avez-vous été un peu surpris de cette lecture, parce qu’on le sait bien, la semence de la parabole, c’est la Parole de Dieu. Eh bien, je crois profondément que Philippe a été un des grains de cette parole, parce que le témoignage de la Parole de Dieu ce ne sont pas que des mots, c’est aussi des actes, des manières de vivre. Oui, je crois que Philippe a été, par son engagement, par sa vie une graine de la semence, une graine de la Parole.

Et aujourd’hui, dans nos larmes, je crois qu’il nous faut regarder le champ et déjà, nous allons voir de jeunes pousses, des choses qui nous viennent de Philippe, des choses qui nous ont été donnée à travers Philippe. Et tous ces cadeaux ne nous sont pas enlevés, ils ne demandent qu’à germer.

Allons-nous nous enfermer dans notre chagrin ? Ou bien allons-nous, à travers nos larmes, reconnaître dans des petites choses, dans des souvenirs ce qui nous reste de la vie de Philippe, allons nous reconnaître les gestes d’amour, d’amitié, d’accueil, les témoignages de foi et d’engagements.

Voilà, cette fois, je l’ai dit « reconnaître », être dans la reconnaissance. Dire merci pour ce cadeau que Philippe a été pour nous.

Comment dire merci ? En nous disant que Philippe était irremplaçable, que tout s’est envolé et en nous étouffant dans notre chagrin. Ou bien en acceptant, comme lui, d’être au cœur de notre travail, de notre vie de famille, de notre vie d’Eglise, une petite graine d’accueil, de service et d’amour ?

Nous le connaissions tous, je crois donc que nous connaissons tous la réponse.

Alors, frères et sœurs, comme Philippe l’a été, soyons reconnaissant pour cette vie qui nous est donnée, soyons dans une reconnaissance féconde et active

Amen

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