1 Corinthiens 1, 10-13 + 17 – Le Christ est-il divisé ?

Aujourd’hui je ne prêcherai sur le texte de l’Evangile, mais sur celui de l’épître. Ce que dit l’apôtre Paul aux Corinthiens à propose des divisions convient parfaitement à la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui s’achève, et qui pour notre région a eu son temps fort mercredi à Forcalquier.

Le Christ est-il divisé ? demande Paul aux Corinthiens. Le Christ est-il divisé ?, c’était le thème retenu par le Canada, qui a préparé cette année la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Mercredi, j’ai prêché sur un autre texte et j’ai gardé celui-ci pour aujourd’hui.

Dans sa lettre, l’apôtre Paul aborde la question des divisions dans l’Eglise de Corinthe. La propension à la division est inhérente à la nature humaine, et de ce fait les Eglises sont constamment confrontées à ce problème. Aujourd’hui encore, l’Eglise est divisée en différentes dénominations : catholiques, orthodoxes, protestants et évangéliques, mais il arrive aussi que des divisions surviennent au sein d’une même Eglise locale.

C’est ce qui s’est passé dans l’Eglise de Corinthe, une ville grecque où vivait une population cosmopolite : hommes libres, esclaves, commerçants, employés du port, trafiquants de toutes sortes. L’influence païenne n’y était pas négligeable. Cette Eglise de Corinthe a vu naître en son sein des clans. Paul en a été informé par une certaine Chloé, probablement une commerçante dont les employés devaient circuler entre Corinthe et Ephèse, où Paul se trouvait à ce moment-là.

Les employés de Chloé rapportent à Paul que dans l’Eglise de Corinthe, certains se réclament de lui, d’autres d’Apollos, d’autres de Pierre. Et puis il y en a même qui se réclament directement du Christ ; ceux-là n’écoutent personne, parce qu’ils sont persuadés qu’ils n’ont pas besoin de médiations humaines ; ils ne prêtent attention qu’à leur sentiment intérieur et sont persuadés qu’ils reçoivent des révélations directes de la part du Christ – oui, à cette époque, il y avait déjà ce qu’on appelle aujourd’hui des « électrons libres ».

Paul, Apollos, Pierre : trois personnages de premier plan. Comme chacun sait, Paul a eu une activité missionnaire intense, et c’est lui qui a fondé l’Eglise de Corinthe. A Corinthe, il n’est donc pas n’importe qui.

Cela n’empêche pas certains membres de cette Eglise de contester son autorité et de se réclamer de Pierre, peut-être parce qu’il pouvait mieux faire le lien entre les chrétiens d’origine juive et ceux d’origine païenne.

Nous connaissons moins Apollos. Pourtant il est plusieurs fois question de lui dans le Nouveau Testament. C’est un Juif d’Alexandrie qui a été disciple de Jean-Baptiste. Il est brillant et tout le monde s’accorde à lui reconnaître une grande éloquence et c’est sans doute pour cette raison que certains se réclament de lui.

Notons bien que ni Paul, ni Pierre, ni Apollos ne sont responsables de ces divisions. Elle est due exclusivement aux Corinthiens, à l’attachement exclusif qu’ils portent à tel ou tel. On voit par exemple que Paul entretenait d’excellents rapports avec Apollos, au point de ne pas hésiter à faire appel à lui. On ne trouve pas la moindre trace d’une quelconque rivalité.

En fait, les Corinthiens tout simplement sont influencés par les mœurs de la société qui les entoure. Les Grecs avaient coutume de discuter sans fin sur les sagesses de tel ou tel philosophe. Il semble bien que les chrétiens de Corinthe font la même chose. Ils font l’erreur de mettre l’Evangile sur le même plan que ces autres sagesses ; pour eux, l’Evangile n’est qu’une sagesse parmi d’autres ; ils n’ont pas compris que la foi n’est pas l’adhésion intellectuelle à une doctrine.

Alors, comment Paul va-t-il s’y prendre pour mettre fin à ces divisions ? Eh bien, il prendre en compte le fait que le christianisme n’est pas une philosophie ; il ne va donc pas recourir à la philosophie, ni même aux textes des Ecritures ; non, il va faire appel au sacrement du baptême, ou, pour reprendre les termes des Réformateurs, il va recourir à la parole visible du sacrement et non à la parole audible de la prédication il ne va pas recourir à la parole audible de la prédication, car le sacrement est un langage, au même titre que la prédication.

En renvoyant les Corinthiens à leur baptême, Paul les renvoie à un élément objectif qui va les éloigner de leur subjectivité et de leurs affects, cette subjectivité et ces affects qui les ont conduits à privilégier un tel ou un tel, ou encore leur propre sentiment intérieur, pour ceux qui prétendaient pouvoir se passer des médiations humaines.

Faire revenir les Corinthiens à leur baptême, c’est leur rappeler que tout baptême est administré au nom du Christ, et pas au nom de la personne qui baptise ; ce n’est pas la personne qui baptise qui est importante, c’est l’acte lui-même et la réalité à laquelle il renvoie, une réalité intangible et incontestable.

En faisant revenir les Corinthiens à leur baptême, Paul ne leur dit pas : « C’est moi que vous devez suivre plutôt que Pierre ou Apollos » ; non, il leur dit : « Vous ne devez suivre ni Pierre, ni Apollos, ni moi-même, mais le Christ ».

Et de fait, si nous suivons le Christ, alors aucune division ne pourra mettre l’Eglise en danger, parce que le Christ n’est pas divisé. Oui, nos Eglises seront préservées de la division tant que nous laisserons nos affects de côté et que nous suivrons le Christ plutôt qu’un homme, fût-il talentueux et charismatique, comme c’était le cas pour Apollos.

Est-ce pour autant que dans l’Eglise, tout le monde devrait s’inscrire dans un conformisme qui nivellerait toutes les différences ? Certainement pas : Paul exhorte les Corinthiens à être tous d’accord, pas à être tous pareils. Ce n’est pas la même chose, cela laisse la place à la diversité. L’unité n’est pas l’uniformité. Les membres d’une même Eglise sont tous différents, et c’est bien ainsi. Simplement, nos différences ne doivent pas porter atteinte à notre unité.

Et alors, au lieu d’être divisée, l’Eglise sera harmonieuse, à la façon d’un orchestre, où plusieurs instruments jouent une même symphonie. Mais nous ne pourrons rester unis et vivre cette harmonie seulement dans la mesure où nous saurons mettre de côté notre propre subjectivité et nous rallier à la réalité objective de l’Evangile et du Christ 

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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