1 Rois 19, 9 + 11-13 – Une révélation nouvelle

Nous sommes à la montagne de l’Horeb, c’est l’autre nom pour désigner la montagne du Sinaï, un lieu mythique dans la tradition d’Israël. C’est là où Dieu s’est révélé à Moïse, dans une grotte.

Ici, le prophète Elie entre aussi dans une grotte, et on ne peut manquer de faire un rapprochement. Dans notre texte, il est question de LA grotte : le rédacteur nous renvoie à cette révélation divine à Moïse.

Mais ici, Elie se trouve dans des conditions très différentes : il est à bout de forces, cela fait quarante jours et quarante nuits qu’il descend vers le sud à marche forcée. Il est en fuite : il veut échapper à Jézabel, la reine du royaume du nord, qui forme avec son mari Akhab un couple infernal. Jézabel est folle de colère parce qu’Elie vient de tuer tous les prophètes de Baal, ses prophètes à elle – 450 en tout.

Une cinquantaine d’années auparavant, la terre d’Israël, qui formait jusque-là un seul et même pays, avait été divisé en deux royaumes : le royaume de Juda au sud, et le royaume d’Israël au nord, sur lequel règne ce couple infernal. La reine Jézabel est une étrangère originaire de Phénicie – l’actuel Liban – et elle a introduit dans le pays sa religion phénicienne, le culte du dieu Baal, une divinité de la nature. Elle défend ce culte avec fanatisme et fait tuer tous ses opposants.

Elie est un homme qui croit en la force : lorsqu’il a tué les 450 prophètes de Baal, il a montré devant le peuple, de manière évidente, que le Dieu d’Israël est le seul vrai Dieu. Elie s’est fait le champion d’un Dieu Tout-Puissant.

Seulement voilà : après cette réussite incontestable, tout s’est effondré. Sa victoire lui a été volée et il n’en a tiré aucun bénéfice. Jézabel s’est retournée contre lui et il a dû s’enfuir pour sauver sa vie, et maintenant, le voilà fatigué et déprimé.

En chemin, il a été tellement découragé devant l’effondrement de toutes ses certitudes qu’il avait souhaité la mort. Le texte raconte qu’un ange de Dieu l’a restauré et lui a donné de nouvelles forces.

C’est dans ce contexte, dans une fatigue extrême, qu’Elie arrive au Sinaï. Pourtant, comme Moïse, il va avoir lui aussi une révélation de Dieu, une révélation qui va revêtir un caractère pédagogique, et pas seulement pour lui.

Il pénètre dans cette grotte, et là, il va assister à une série d’événements, dans lesquels il va être tenté de voir une manifestation divine. Vous vous rappelez qu’à Moïse, Dieu s’était manifesté par le tonnerre et des éclairs.

Ici aussi, nous avons des phénomènes violents : un ouragan, un tremblement de terre et un incendie, ce genre d’événements qui font penser à beaucoup de gens que s’il y avait un Dieu, il ne permettrait pas de pareilles catastrophes.

Elie est à l’abri dans sa grotte. Mais son expérience récente a remis en question sa conception de Dieu. Maintenant, il ne lui est plus possible de prendre ces phénomènes violents pour des manifestations divines. Maintenant, il comprend que ni l’ouragan, ni le tremblement de terre, ni l’incendie, ne révèlent rien de Dieu. Ces phénomènes ne peuvent que frapper les imaginations, et c’est tout. La révélation authentique va se révéler très différente de l’expérience qu’avait faite Moïse.

Les sens affinés d’Elie vont lui permettre de percevoir ce qui aurait pu passer complètement inaperçu : le bruissement d’un souffle ténu. L’expression en hébreu contient l’idée d’une finesse presque imperceptible. Certaines versions traduisent par cette expression : le bruissement d’un fin silence.

Ce fin silence ne change pas le cours des événements, mais il invite à la relation, au dialogue, à la prière. Contrairement à l’ouragan, au tremblement de terre, ou à l’incendie, cette manifestation ne fait pas peur.

Cette révélation tout en douceur met en évidence la grande différence qui existe entre le Dieu d’Israël le dieu Baal. En tant que divinité de la nature, le dieu Baal est un dieu qui agit directement sur les éléments et on le prie de manière intéressée, par exemple pour que les récoltes soient abondantes. Avec le Dieu d’Israël, la relation est tout autre : on est dans la gratuité.

Aujourd’hui, nous avons la joie de baptiser Valentin. Ses parents ont pris des engagements. Ils ne se sont pas engagés à sa place – cela, lui seul pourra le faire un jour – mais ils se sont engagés à lui faire connaître ce qui concerne la foi au Christ, dans leur foyer et dans l’Eglise.

Lorsque Valentin grandira, il pourra se familiariser avec ce fin silence, cette présence de Dieu, que Bernard de Clairvaux évoquait ainsi : le Verbe m’a aussi visité et […] il l’a fait même plusieurs fois. Mais quoiqu’il soit entré souvent en moi, je ne m’en suis pas néanmoins aperçu. J’ai senti qu’il y était, je me souviens qu’il y a été, j’ai pu même quelquefois pressentir son entrée, mais je ne l’ai jamais senti, non plus que sa sortie, fin de citation. Ce pas une expérience sensible qui toucherait seulement les sens, mais c’est la prise de conscience d’une présence.

Pour Luther, cette présence – je le cite – ne pouvait être ni vue, ni datée, ni située, ni capturée, ni sentie, ni vêtue. Ce que l’on voit et sent n’est rien. Ce n’est rien si tu interroges tes cinq sens, ta raison, ta sagesse. C’est tout autre chose qui fait un chrétien, quelque chose dont tu ne perçois même pas un soupir.

A Valentin, à ses parents, à ses parrains et marraines, à nous tous qui sommes rassemblés ici ce matin, Dieu a promis sa présence, à tout instant et en toutes circonstances. Mais cette présence ne se manifeste ni dans le bruit ni dans tout ce qui pourrait frapper nos imaginations, mais elle sera aussi perceptible pour Valentin.

Une telle expérience de la présence divine n’est pas sans conséquences. Elie aurait pu rester vivre en ermite dans la grotte, mais non, il repart vers le lieu de tous les dangers, il repart vers le royaume du Nord. Il n’est plus déprimé et il n’a plus conscience de sa peur.

Oui, cette présence divine est discrète, mais elle a de grands effets dans nos vies.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

 

 

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