1 Samuel 3, 17 – La voix de Dieu

Ecoute, Dieu nous parle, c’est le thème que nos deux Eglises réformée et luthérienne ont retenu jusqu’en 2013. Ecoute, Dieu nous parle. Oui, Dieu nous parle. Il nous suffit de l’écouter. Mais est-ce si simple ? Quand nous avons l’impression d’entendre Dieu nous parler, comment être sûr que c’est bien lui qui nous parle, et non pas une voix que nous prendrions pour la sienne, ou une voix qui viendrait de nous-mêmes ? Comment être sûr que notre propre subjectivité ne parasite pas notre perception ? Et puis, comment Dieu nous parle-t-il ? Selon quelles modalités ?

L’histoire du premier livre de Samuel nous parle justement de la voix de Dieu. Pour nous en parler, cette histoire met en scène deux personnages : un jeune garçon, Samuel, et un homme âgé, Eli.

Samuel est le fils d’Anne. Anne ne pouvait pas avoir d’enfant. C’est ainsi que commence le premier livre de Samuel. Alors Anne avait fait le vœu de consacrer à Dieu l’enfant qui naîtrait. C’est pourquoi elle avait confié son fils Samuel au prêtre Eli. Et Samuel a vécu dans le sanctuaire de la petite ville de Silo, car à cette époque le Temple de Jérusalem n’était pas encore construit. C’est dans le sanctuaire de Silo que demeurait l’arche de l’alliance. C’est dans le sanctuaire de Silo que résidait la présence de Dieu.

Quant à Eli, il faut prendre garde à ne pas le confondre avec le prophète Elie. Ici, nous n’avons pas affaire à un prophète, mais à un prêtre, dans un temps plus reculé, avant la royauté de David.

D’un côté nous avons un homme sans expérience, mais qui a grandi dans le sanctuaire, de l’autre un homme âgé, expérimenté, qui a pour fonction le service du sanctuaire, deux personnages très différents, mais qui ont une chose en commun : toute leur vie tourne autour du culte, toute leur vie est rythmée par la vie cultuelle du sanctuaire, pas seulement un jour par semaine, mais tous les jours de la semaine, chaque instant de la journée.

Et puis ces deux personnages ont une autre chose en commun : ils vivent à une époque où Dieu parle seulement de temps en temps, un temps où la Parole de Dieu est rare ; rare, mais pas absente : Dieu parle quand même.

Alors je vous invite à vous pencher sur la manière dont il le fait, sur la manière dont il parle. Parce qu’il y a des chances pour qu’aujourd’hui, Dieu parle encore de la même manière.

On peut discerner dans ce texte quatre éléments qui caractérisent la façon dont Dieu parle :

Premièrement, Dieu parle à Samuel non pas le jour, mais la nuit, et tard dans la nuit, puisqu’il est dit que la lampe de Dieu n’était pas encore éteinte. Or cette lampe brillait dans le sanctuaire du soir au matin. Dieu parle à Samuel dans un moment où chacun est seul, dans un moment où tout est calme. Dieu parle dans le silence du sanctuaire, quand toutes les autres voix se sont tues. Dieu parle dans le silence de la nuit.

Deuxièmement, Dieu parle très brièvement. Il dit : Me voici. C’est une parole qui ne se suffit pas à elle-même. Une parole qui n’est qu’une amorce de dialogue, une ébauche de dialogue. La preuve que cette Parole n’est pas suffisante, c’est qu’elle ne permet pas à Samuel de savoir qui lui parle.

Troisièmement, Dieu s’adresse à un jeune garçon très réceptif, très réactif : dès qu’il entend cette Parole, il réagit, il se lève et va trouver Eli.Donc nous avons des conditions qui favorisent l’écoute, une amorce de dialogue, et, de la part de Samuel, une grande réactivité. Mais ces trois éléments ne suffisent pas pour que Samuel comprenne ce que Dieu veut lui dire. Ils ne suffisent pas, parce que Samuel ne sait pas qui lui parle ; Samuel ne sait pas discerner d’où vient cette Parole.

Et c’est là qu’intervient un quatrième élément, en la personne d’Eli. Eli dit d’abord à Samuel que ce n’est pas lui qui l’a appelé. Il le replace devant la réalité. Et puis, comme le phénomène se reproduit, son expérience du service de Dieu lui permet de comprendre d’où vient cette Parole, et il peut donner à Samuel la clé d’une véritable mise en relation avec Dieu, en lui disant de prononcer ces paroles : Parle, ton serviteur écoute. Eli sait comment on s’adresse à Dieu, il a l’expérience de Dieu, il sait comment on l’aborde, il sait comment on lui parle ; Samuel, lui, ne le sait pas ; en revanche, le fait de vivre dans le sanctuaire dès son plus jeune âge lui a donné une grande réceptivité, une grande sensibilité pour ce qui concerne Dieu, et ce n’est pas par hasard si c’est à lui que Dieu s’adresse et pas à Eli. Pourtant, sans Eli, Samuel était dans l’incapacité d’entrer dans un dialogue avec Dieu ; il avait besoin de cette personne extérieure à lui et extérieure à Dieu pour entrer dans un véritable dialogue avec Dieu.Oui, Dieu nous parle, mais il se sert souvent d’intermédiaires, de médiations. Essayons de nous rappeler comment Dieu nous a parlé dans nos vies. Beaucoup verront sans doute que d’autres personnes ont joué un rôle capital dans l’amorce du dialogue, et aussi dans la poursuite du dialogue : des parents, des amis, peut-être des livres.

Si chacun est seul responsable devant Dieu, nous avons aussi tous besoin les uns des autres, justement pour percevoir cette Parole de Dieu. Dans une époque où l’individualisme est exacerbé, ce peut être une tentation de s’isoler en disant : Moi et mon Dieu. Mais à terme, cette attitude ne mène nulle part, parce qu’elle conduit à un enfermement sur soi. Or, l’enfermement, c’est le contraire de la liberté. Une telle attitude est une impasse, parce qu’elle donne libre cours à notre propre subjectivité, parce qu’elle conduit à une confusion entre la Parole de Dieu, qui est une Parole d’altérité, extérieure à nous-mêmes, et nos propres pensées et nos propres désirs, parce qu’elle nous fait devenir nous-mêmes notre propre norme.

Alors, si nous voulons écouter la voix de Dieu, ne nous isolons pas. Au contraire, cherchons le contact avec les autres. Même s’ils nous semblent peu spirituels, comme Eli, à qui Dieu n’a même pas daigné s’adresser, les autres nous sont indispensables. Les autres sont une clé dans notre propre écoute de Dieu.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

 

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