Actes 2, 1-11 – Grand spectacle

 

Au Ier siècle, pour les juifs, la Pentecôte était une des trois fêtes de pèlerinage. C’était une fête des récoltes, mais on célébrait aussi la Loi que Moïse avait transmise.

Des foules entières se concentraient donc à Jérusalem autour du Temple. Ces gens venaient d’un peu partout, car il y avait des juifs dans tout le pourtour méditerranéen. La ville est donc en effervescence.

Nous avons un premier contraste : en ce jour de fête, les premiers disciples de Jésus restent entre eux ; ils n’osent pas quitter le lieu où ils se sont réfugiés, à l’abri des turpitudes ; car depuis la crucifixion, ils vivent dans l’angoisse et la crainte ; ils ne sont pas nombreux, tout au plus une centaine ; ils ne représentent rien par rapport à la foule des pèlerins venus pour cette fête de la Pentecôte.  

Et puis nous avons un second contraste : un vent violent se met à souffler ; et cette tempête est suivie d’un feu ; les disciples ont-ils vécu un violent orage avec des tonnerres et des éclairs ? la foudre est-elle tombée sur la maison ? des boules de feu se sont-elles propagées dans la pièce ?

En tous cas, ce qui est sûr, c’est qu’il s’est passé quelque chose. Et ce qui est intéressant, c’est la lecture qui est faite de cet événement.

Le caractère de ces deux éléments, le  vent et le feu, c’est d’être sans cesse en mouvement.  Le vent et le feu sont imprévisibles, comme l’Esprit.

Lors de cette première Pentecôte chrétienne, qui inaugure la venue permanente du Saint-Esprit, nous avons droit à un grand spectacle, à un spectacle sons et lumières comme on aime le faire aujourd’hui pour communiquer au sujet d’un événement.

Ce n’est pas la première fois, il y a eu des précédents. Pensons par exemple au récit qui raconte comment Dieu a donné les Tables de la loi à Moïse sur le mont Sinaï : c’étaient des éclairs et des coups de tonnerre. Le parallélisme que je fais n’est pas gratuit : dans le judaïsme tardif, les rabbins situaient le don de la Loi à l’époque de l’année où l’on fêtait la Pentecôte.

Avec cette mise en scène, l’auteur des Actes tient à nous montrer que cette année-là, la fête de la Pentecôte dépasse le simple pèlerinage et qu’elle est un nouveau commencement pour le peuple de Dieu, comme l’avait été la Loi de Moïse.

Pour parler du Saint-Esprit, il est frappant de voir que le livre des Actes ne décrit pas une expérience mystique, un moment d’intimité avec Dieu, mais un événement qui marque les imaginations. La naissance de l’Eglise n’est pas ramenée à une affaire privée, à une expérience intimiste, mais elle revendique la plus grande visibilité.

L’Eglise n’a pas pour vocation d’être un club fermé, mais d’être visible, car elle s’ouvre à tous.

Moïse avait donné au peuple la Loi pour qu’il apprenne à vivre dans l’alliance de Dieu. Désormais, cette alliance est renouvelée : Dieu ne donne plus une Loi écrite, mais son propre Esprit.

 our bien comprendre ce que le livre des Actes veut nous dire du Saint-Esprit, reprenons ces deux éléments que sont le vent et le feu et qui sont choisis ici pour le caractériser.

Le vent tout d’abord. Le vent est insaisissable. On ne le voit pas, on ne voit que ses effets. Ici, ce n’est pas un vent ordinaire : ses effets montrent qu’il ne souffle pas horizontalement, mais  verticalement. C’est donc une sorte de tornade.

Ce vent de la Pentecôte se révèle donc bien particulier, en ce sens qu’il relie les choses d’en haut et les choses d’en bas, les choses de Dieu et les choses de la terre. Il nous rappelle que la relation verticale, la relation de Dieu vers l’homme, permet la relation horizontale, la relation des hommes entre eux. Sans relation à Dieu, il n’y a pas de véritable relation aux autres.

Le feu ensuite. Ici, ce n’est pas un feu qui dévore tout sur son passage, de manière aveugle et aléatoire comme lors d’un incendie. Non, c’est un feu discipliné, en quelque sorte, un feu qui se partage en langues, un feu qui s’individualise.

Le texte utilise le terme « langue », c’est-à-dire, en grec comme en français, ce qui nous permet de parler. Comme je le disais dimanche dernier en Allemagne, l’unité que nous donne le Saint-Esprit n’est pas l’uniformité. L’unité de l’amour se trouve dans la diversité. Nous avons un même feu, mais ce feu se partage en autant de langues qu’il y a d’individus.

Nous avons dit que cet événement rappelait beaucoup la foudre qui tombe sur une maison. Cependant, contrairement à la foudre, le phénomène décrit ici ne provoque aucune destruction, aucun désordre. Si le souffle de la tempête et les flammes de l’incendie sont impossibles à maîtriser, ce n’est pas le cas du vent et du feu de la Pentecôte. Il n’est question ici que d’effets bénéfiques : le souffle du Saint-Esprit permet la communication entre des populations qui ne parlent pas la même langue. On se comprend et il en résulte une grande harmonie.

En fait, la seule chose qui se trouve ici détruite, c’est le mur de l’incompréhension qui nous sépare des autres.

Oui, le Saint-Esprit nous aide à comprendre l’autre dans sa différence irréductible. Il est difficile de comprendre quelqu’un d’une autre culture. Et même quand on parle la même langue, on donne parfois aux mots des significations différentes. Chacun a sa propre grille de lecture. Alors on interprète ce que dit l’autre, mais ça ne tombe pas toujours juste.

Nous avons besoin des autres parce qu’ils nous montrent des facettes de Dieu que nous n’avons pas perçues. Grâce à la manière différente qu’ils ont de voir les choses, ils nous évitent de nous enfermer en nous-mêmes.

C’est pourquoi Luc évoque la venue du Saint-Esprit non comme une scène intimiste, mais par une mise en scène, par un véritable spectacle à la hauteur de cet événement fondateur.

Amen

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